McCaig's Tower (photos)

La McCaig's Tower est un curieux édifice surplombant le village d'Oban, dont la construction a été commandée par John Stuart McCaig (1823-1902), un banquier philanthrope quelque peu excentrique qui voulait édifier un monument durable pour sa famille et pour lui-même, tout en donnant du travail aux tailleurs de pierre et aux maçons des environs. Comme McCaig était un grand amateur de la civilisation gréco-romaine, avait de l'argent et ne voulait pas faire les choses à moitié, il a élaboré les plans d'une énorme structure ressemblant au Colisée, incluant une galerie d'art ainsi qu'une tour centrale présentant des statues de sa famille. À sa mort en 1902, après plus de cinq ans de travaux, seul le mur extérieur était terminé. Ses héritiers se sont alors dit que, tout compte fait, il y avait peut-être des manières plus intéressantes de dépenser son argent et le projet fut arrêté net. Aujourd'hui, reste ce mur complètement ridicule gardé par un lapin et dont l'intérieur a été reconverti en parc, avec une vue fantastique sur la baie d'Oban et sur les îles environnantes (Kerrera, Lismore et Mull). Sur la troisième photo ci-dessous, on remarque au loin le phare d'Eilean Musdile dont il était déjà question dans cet article.






Attrition

Conversation loufoque avec la serveuse du pub du ferry Caledonian MacBrayne au retour de Craignure :

« A cappuccino and a pint of Tennent's lager please.
— Where are you from ?
— Belgium.
— Do you speak french or flemish ?
— French.
— Voulez-vous un peu de chocolate sur votre cappuccino ? me demande-t-elle alors avec un fort accent anglais.
— Ha, vous parlez français ! Non, pas de chocolat, merci.
— Pour la bière, je vais... euh... vous la donner dans une cup en plastique, parce qu'on va bientôt arriver à Oban.
— Pas de problème. Dites donc, vous parlez bien français.
— Oui, c'est parce que je suis Française.
— Vous êtes Française ?
— Oui, ça fait sept ans que je travaille ici, mais je suis... euh... originaire de France.
— C'est amusant, vous avez un accent anglais quand vous parlez français. On ne pourrait d'ailleurs pas dire en vous écoutant parler que vous êtes Française...
— C'est parce que je n'ai pas beaucoup... euh... l'occasion d'utiliser mon français ici, alors je le perds.
— Ha bon ! »

Je trouve ça fascinant et je me suis donc renseigné. En linguistique, le phénomène porte un nom : l'attrition. Il s'agit, chez un individu donné, de la perte partielle ou totale (!) d'une langue pourtant parfaitement maîtrisée en raison d'une absence de pratique et de l'immersion dans une communauté linguistique différente. Concrètement, cela se traduit notamment par une difficulté à trouver ses mots et par une incapacité à former correctement les bonnes structures grammaticales. La langue apprise en second lieu peut grandement altérer la façon dont on parle la première : une personne dont la langue maternelle est le français mais dont l'environnement journalier est l'anglais peut finir par appliquer au français des constructions grammaticales propres à l'anglais et par prononcer les mots français avec un fort accent. Le phénomène n'est pas si curieux si on le considère d'un point de vue pratique : si la langue est avant tout un outil social extrêmement performant permettant une communication fluide dans un contexte donné, elle devient inutile si les contacts avec la communauté linguistique d'origine deviennent rares ou inexistants.

Iona (photos)

Iona est une petite île (à peine dix kilomètres carrés) détachée de l'île de Mull par un détroit d'environ deux kilomètres nommé tout naturellement the Sound of Iona. C'est là que nous dépose le bateau après notre voyage sur l'incroyable îlot volcanique de Staffa. Si ce dernier laisse une impression générale de violence avec ses reliefs escarpés sortis de terre il y a environ 60 millions d'années, Iona, à l'inverse, respire le calme et la tranquillité. C'est une île au relief très doux, dont les roches, datant du précambrien (c'est-à-dire d'avant « l'explosion cambrienne » d'il y a 542 millions d'années), ont eu pas mal de temps pour être sculptées par l'érosion. Cette « tranquillité géologique » se reflète jusque dans le statut particulier — mais beaucoup plus éphémère — de ce morceau de terre : Iona est en effet considérée comme l'une des îles les plus sacrées d'Europe et comme un bastion de la chrétienté. C'est sur cette île que le missionnaire irlandais Colomba a fondé, en 563, le monastère qui a servi de base à la (re)christianisation du Nord de la Grande-Bretagne, les élites pictes du coin semblant avoir été dans un premier temps réfractaires à une évangélisation sur le long terme (on les comprend). C'est également le lieu où sont enterrés plusieurs rois d'Écosse, dont le fameux Macbeth. — Personnellement, je trouve cette île morne et triste et c'est bien la première fois que je ressens les nuages écossais comme une chape de plomb. C'est peut-être le côté trop plat de l'île, contrastant avec ce bloc sauvage et dur qu'est Staffa, qui m'a laissé cette impression de fadeur. C'est peut-être aussi tout simplement son côté chrétien. Les quelques photos prises là-bas sous la pluie paraissent un peu brumeuses, non pas seulement à cause de la brume, mais aussi de la condensation dans l'objectif. J'en publie quelques-unes pour mémoire, mais je ne les aime pas1.




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1 À l'exception d'une photo de ma fille sous un parapluie, devant un mur du couvent d'Iona, que je ne montrerai pas ici.

Les orgues et les macareux de Staffa (photos)

Staffa est peut-être le seul lieu d'Écosse pour lequel l'équivalent en gaélique (Stafa) est prononçable par le commun des mortels. C'est aussi, sans aucun doute, le site naturel le plus saisissant que j'aie jamais vu.

Il s'agit d'une toute petite île balayée par les vents, au large de l'île de Mull, dans l'océan Atlantique. Elle est très particulière au niveau géologique, puisque son sol repose sur des « orgues basaltiques » : d'étranges formations hexagonales qui semblent artificielles tant leurs formes sont d'une régularité exemplaire. Elles sont pourtant totalement naturelles : elles résultent de la contraction thermique par refroidissement d'une coulée de lave. L'île de Staffa, d'origine entièrement volcanique donc, est composée de différentes couches empilées les unes sur les autres, à la manière d'une galette fraise-vanille-chocolat : en bas, du tuf (des débris volcaniques consolidés dans l'eau, qui servent de fondation à l'île) ; au centre, les fameuses orgues basaltiques (de type géométrique) ; en haut, l'entablement (la partie supérieure de l'île, faite de basalte également, mais dont les formes sont beaucoup plus grossières et totalement irrégulières). Pour couronner le tout, l'érosion a fait son œuvre durant des millions d'années et a creusé d'impressionnantes grottes au cœur même de l'île, la plus connue étant Fingal's Cave, que l'on peut observer sur la première photographie ci-dessous.



Pour nous rendre sur Staffa, nous avons emprunté un petit bateau qui, depuis le port de Fionnphort, au sud-ouest de l'île de Mull, a tracé à vive allure sous la pluie et dans les embruns. Une fois sur l'île, les averses, associées à un vent très soutenu, ont rendu nos déplacements plus fastidieux. J'ai cassé mon parapluie (quelle idée, aussi, de l'ouvrir dans un endroit pareil !). Ma maman a quant à elle particulièrement souffert de l'environnement et du climat austères de l'île et a par ailleurs détesté le voyage en bateau, surtout celui de retour durant lequel la houle était beaucoup plus sévère. Gaëlle était pour sa part partagée entre fascination (pour cette merveille naturelle plantée au milieu de nulle part) et exaspération (envers la météo pourrie). Elle était aussi très inquiète pour sa grand-mère. Andrew, Léah et moi avons adoré le voyage de bout en bout, y compris le retour houleux en bateau, au cours duquel nous sommes restés, seuls, sur le petit pont supérieur, prenant la pluie, l'eau salée et le vent en pleine figure. Une expérience mémorable. — Je ne sais pas nager, mais j'adore la mer.

Sur Staffa, outre les curiosités géologiques, on peut observer des colonies de macareux moines (atlantic puffins en anglais). Ce sont de drôles de petits oiseaux qui vivent la plupart du temps en mer, mais qui font leur nid au bord des falaises de l'Atlantique Nord au moment de la reproduction. Ils sont extrêmement peu farouches, au point qu'on peut sans peine approcher un objectif d'appareil photo à cinquante centimètres de leur tête sans les effrayer. J'ai sur mon ordinateur des dizaines de clichés de ces petits bonshommes. Certains sont particulièrement réussis (notamment plusieurs sur lesquels l'on voit un macareux faire du surplace en volant contre le vent), mais mon appareil photo a beaucoup souffert de l'expérience : les deux objectifs se sont gorgés d'humidité qui, avec la condensation, a fini par former de la buée à l'intérieur même de l'optique. Rien de grave, mais je n'ai plus pu utiliser mon appareil correctement durant le reste de la journée. Nooon, je ne regrette rien.





It's a Long Way to Tobermory (photos)

Ce mardi, nous sommes allés visiter le burgh de Tobermory, sur l'île de Mull. Pour s'y rendre depuis Oban, il faut emprunter un ferry de la compagnie Caledonian MacBrayne faisant la liaison jusqu'au village de Craignure (un bled paumé qui ne semble exister que pour son terminal de ferry), puis prendre un bus qui serpente le long de la côte est de l'île. Le trajet entier est un régal pour les yeux. Depuis le ferry, on peut voir les nombreux monts environnants ainsi que deux « attractions » : le château de Duart et Eilean Musdile, un îlot sur lequel est posé un phare construit en 1833 par l'ingénieur Robert Stevenson, grand-père de Robert Louis Stevenson. D'un côté du bus, on peut observer le Sound of Mull, le bras d'océan qui sépare l'île de Mull du « continent » (ou plutôt de l'île beaucoup plus grande qu'est la Grande-Bretagne) ; de l'autre, on peut contempler de nombreuses prairies en pente douce et, au loin dans la brume, des monts beaucoup plus imposants comme le Dun da Ghaoithe (766 mètres d'altitude). Quant à Tobermory, c'est un joli petit village touristique connu pour ses maisons colorées se reflétant dans l'eau (dont le niveau fluctue au gré des marées) et sa baie en forme de crique. Le temps a changé en cours de journée, passant de brumeux et pluvieux à nuageux mais ensoleillé. Ce changement inopiné de météo m'a permis de prendre des photos très différentes des mêmes lieux à l'aller et au retour du ferry.










Les phoques au large de Kerrera (photos)

Le Creagallan est un tout petit bateau qui fait des tours en mer autour d'Oban. Son équipage propose des parties de pêche en eau profonde ainsi que des excursions au large. Ce lundi, nous avons opté pour le sea trip d'une heure à la rencontre des colonies de phoques (femelles) qui se sont installées sur deux petits îlots rocheux proches de l'île de Kerrera. Nous quittons le quai sous une pluie lourde, mais très vite le temps s'améliore : comme souvent ici, les averses arrivent sans prévenir et s'arrêtent tout aussi rapidement. (Je commence à reconnaître les nuages chargés d'eau : ce sont ceux qui forment une couche plus sombre bien plus près du sol, devant toutes les autres couches de nuages — et des couches de nuages, il y en a beaucoup !) Le littoral vu depuis le bateau est superbe. Les phoques, quant à eux, ont un air sympathique et nonchalant. Ils ressemblent un peu à des chiens, mais se comportent comme des chats, affalés sur leur rocher et économisant tout mouvement inutile. Détail amusant : plusieurs phoques ont bougé leur queue à notre passage, un peu comme s'ils voulaient nous saluer (voir par exemple le phoque de gauche sur la cinquième photographie). Au retour, le bateau a également longé une ferme d'élevage de saumons.







Deux minutes de ressac (audio)

Enregistrement du ressac, sur une petite plage au nord d'Oban, remplie de méduses échouées. Il s'agit d'un ressac parfaitement normal, qui n'a strictement rien d'extraordinaire. Qu'est-ce que vous faites encore sur cette page ? Allez, retournez travailler ! Ou alors, si c'est la nuit et si vous avez du mal à vous endormir, vous pouvez passer cet extrait en boucle dans votre chambre. Tenez, je vous donne même le lien direct. Ne me remerciez pas, c'est tout naturel.

The road to Dunstaffnage Castle (photos)

Après la démonstration de cornemuse au château de Dunollie, Andrew et moi continuons la marche vers le château de Dunstaffnage (à vos souhaits !), situé sur un promontoire à environ cinq kilomètres au nord-nord-est d'Oban. Le chemin est de toute beauté, longeant la côte et plusieurs petites plages avant de s'enfoncer dans les terres. Le château de Dunstaffnage se mérite et la route pour y aller est paradoxale : elle se rallonge au fur et à mesure qu'on se rapproche. Ça devient même une sorte de running gag : des habitants de Dunbeg nous indiquent que le château « est pas loin, par là-bas » en nous montrant un sentier invisible ; un promeneur nous dit qu'il est « derrière les arbres » ; un panneau de fortune indique « Castle 400 m. », sans qu'aucun château ne soit visible à l'horizon. Finalement, nous le voyons enfin, ce château : il se trouve effectivement « derrière les arbres », sur un petit promontoire rocheux en bout de terre.














Le château de Dunollie (photos)

Lors de notre première journée complète à Oban, nous avons marché le long de la baie et à travers bois jusqu'au château de Dunollie, propriété du clan MacDougall (si vous êtes intéressé par l'histoire tumultueuse de ce clan, faite de batailles, d'exils et de renoncements, demandez à Andrew — et si vous ne connaissez pas Andrew, tant pis pour vous !). À quatorze heures, en haut de la colline, à côté de la vieille tour délabrée du vieux château datant du XVe siècle, un jeune cornemuseur est apparu et s'est mis à jouer (voir le post précédent pour quelques extraits sonores et des informations supplémentaires). Les photos du cornemuseur ont été prises par Andrew.