Archives annuelles : 2011

Analyse ? Analyse ? Est-ce que j'ai une gueule d'analyse ?

Ce matin, je suis de nouveau à l'hôpital : avant ma petite opération, je dois voir un anesthésiste et donner un peu de mon sang pour analyse. Quand j'arrive dans les locaux du service post-opératoire, un patient qui a visiblement le plus grand mal avec la langue française s'excite devant une secrétaire débonnaire. Toutes ses phrases ne sont constituées que de trois termes mâchouillés : "Analyse", "Cardiogramme" et "Rendez-vous". La secrétaire a pourtant l'air de parfaitement le comprendre. Extrait :

– Analyse ? Analyse !
– Il faut patienter pour la prise de sang, Monsieur. Nous avons du retard.
– Cardiogramme ! Analyse ?
- L'électrocardiogramme, c'est un autre jour et vous devez vous rendre au service Cardiologie pour le faire. Cardiologie. Cardiologie !
– Rendez-vous ! Cardiogramme ?
– Je ne peux pas changer la date de rendez-vous pour l'ECG, vous devez vous rendre en Car-dio-lo-gie pour ça.
– Rendez-vous ! Analyse !
– L'analyse de sang, c'est aujourd'hui et ici. Mais vous devez patienter.

Le gars patiente un peu puis se casse. Il revient une demi-heure plus tard et c'est rebelote :

– Où étiez-vous passé, Monsieur ? on vous a appelé pour l'analyse sanguine...
– Analyse ? Analyse !
– Vous n'étiez pas là quand on vous a appelé. Va falloir de nouveau patienter.
– Cardiogramme ?
(Au secours !)

Juste avant que ce ne soit mon tour, l'anesthésiste sort de son bureau avec sa petite mallette et dit à la secrétaire : "Désolé, je dois partir. On m'appelle au bloc... Une urgence." La secrétaire se lève et lance à l'assemblée de patients : "Comme vous avez pu le remarquer, nous avons perdu notre anesthésiste. Je vais essayer de nous trouver un remplaçant, mais les anesthésistes sont une denrée rare". Le remplaçant arrive quand même une grosse demi-heure plus tard et m'appelle directement dans son bureau. C'est un grand black sympa avec un bandana autour de la tête. Il pose ses questions d'anesthésiste : "Avez-vous des allergies au latex ?" (Euh...), "Prenez-vous des médicaments ?", "Est-ce que vous avez tendance à saigner plus que la normale ? Est-ce que ça éclabousse quand vous vous coupez ?" (Naaan, pas que je sache, pourquoi ?). ("Et dis-moi, Joey, as-tu déjà vu des films de gladiateurs ?") À la fin de l'entretien, il veut voir mon menton. Il me dit : "Vous avez un menton assez renfoncé" ; il m'a même donné le terme exact pour cette "tare" mais je ne m'en souviens plus... "C'est un truc qui fait peur aux anesthésistes", rajoute-t-il, "car ils ont plus de difficultés à vous mettre un tube dans la gorge". La dernière fois, ça n'avait pourtant pas posé de problème (enfin, je n'en sais rien en fait : je dormais d'un sommeil sans rêve, comme Cthulhu !).

* * *


L'après-midi, je travaille chez moi, sur la mémoire orale (ça avance !). Au soir, je me rends à Saint-Gilles pour y retrouver Mary du badminton. Un peu avant que Mary n'arrive, à la Maison du Peuple, coup de fil de l'hôpital : "Hamilton ! C'est moi, c'est le chirurgien !". Il me lance ça comme si on se connaissait depuis dix ans, puis crie : "Dis, tu pourrais aller dans un endroit plus calme ? J'entends plein de gens qui parlent à l'arrière, là..." Résumé : à la suite d'une annulation, il peut avancer mon opération de cinq jours et donc m'opérer après-demain. Cool ! Ce type est un peu taré, comme tous les chirurgiens en fait... Il pourrait sans problème doubler Roberto Benigni dans un film burlesque. Curieusement, cette façon d'être me rassure. Je serais sans doute beaucoup moins à l'aise avec un médecin pince-sans-rire.

Quand Mary arrive, nous allons nous installer au Verschueren, en changeant plusieurs fois de table (un peu en terrasse, un peu à l'intérieur, de nouveau en terrasse...). Mary me parle de musique : il faut paraît-il que j'écoute Anna Calvi ainsi qu'une certaine EMA... Par ailleurs, en regardant l'agenda du Botanique que Mary a ramassé sur un présentoir du café, je découvre que Low, Pinback et Bill Callahan viennent en concert le même jour (le 24 novembre), dans le cadre de l'Autumn Falls ! Fichtre ! Le lendemain, c'est au tour d'Okkervil River ! Il me faut des tickets ! il me faut des tickets ! Y a aussi Death in Vegas qui passe, fin octobre, mais je serai à DisneyLand ce jour-là. Ha ben zut alors !


Dehors, à la table d'à côté, un groupe de jeunes copains (style début d'université) discutent vivement. L'un parle du 11 septembre : "Y avait des explosifs dans les tours, c'est évident ! Un avion ne peut pas à lui tout seul provoquer l'effondrement d'une tour de cette taille !" (Ha bon ? T'as fait ingénieur polytechnicien, spécialisation "résistance des matériaux" ?). "Mêmes certaines autorités officielles américaines le reconnaissent !" (Ha ben merde, c'est que ça doit être vrai alors ?). La seule fille du groupe a un petit chien ridicule à la queue retroussée. Mary adore les chiens (elle en veut plein plus tard, et plein d'enfants aussi : pour une raison inconnue, je l'imagine dans une scène bucolique, en tenue de chasse, au milieu d'une propriété forestière, les cheveux bouclés flottant au vent, un peu comme la Venus de Botticelli, lançant son épagneul à la poursuite d'un daim – non, la Venus de Botticelli n'a jamais lancé d'épagneul à la poursuite d'un daim !) : elle caresse le toutou, s'informe de son nom et de son pedigree auprès de la propriétaire...

Dans les parages, un gars habillé en militaire, avec un béret de para-commando et un sac à dos, fait les cent pas. Le gaillard est assez flippant. Il a l'air à la fois décidé et très énervé. Il tourne en rond devant l'église. J'espère que ce n'était pas réellement un militaire, car il y aurait vraiment de quoi s'inquiéter si ce type était armé de couteaux, de grenades ou d'armes à feu...

Mary est un peu comme Léandra, en fait. Elle me dit qu'elle me considère comme une sorte d'ami honnête à qui elle peut tout dire, sans jamais qu'il y ait la moindre tension. Et justement, Mary parle à un moment de tension... De tension amoureuse et de sa dernière grande relation sentimentale (qui est finie aujourd'hui) : elle dit que vivre une histoire d'amour où deux personnes connaissent la même tension, la même intensité de désir, est une chose rarissime. Je comprends parfaitement ce qu'elle veut dire et je confirme : c'est très rare. Mary dit aussi que ça ne lui arrivera jamais plus. Je suis moins pessimiste qu'elle : ce genre d'amour réciproque, ça n'arrive pas souvent mais il peut quand même y en avoir plusieurs dans une vie (deux ou trois ?). Elle me dit : "Tu sais, Hamilton, il y a des gens qui, dans leur existence, n'ont jamais connu ce genre de relation et ne la connaîtront jamais !". C'est vrai aussi et c'est assez triste. Toujours sur l'amour, un constat de Mary : quand on est fou amoureux d'une personne, on la trouve exceptionnelle, on ne lui voit aucun défaut, à tel point qu'on croit, par ce miroir déformant, que les autres trouvent cette personne tout aussi exceptionnelle... Ce qui est totalement faux, évidemment. Souvenirs (peut-être en partie imaginés) de discussions loufoques avec Léandra :

– Elle est formidable, hein ?
– Euh ben... Bof. Tu sais, moi, les filles...
– Elle n'a pas de défaut, elle est parfaite !
– Si tu le dis, Hamilton... Mais tu devrais surtout arrêter de te casser la tête et le lui dire, à elle !
(Soupir.)

À la fin de la soirée, justement, Léandra arrive, en compagnie d'Andrew. Mary s'en va. Nous restons encore le temps d'un verre. Léandra et Andrew reviennent de leur premier cours d'impro. Ils vont y aller tous les mercredis jusqu'en décembre. Paraît que c'était sympa : la prof leur a notamment fait imiter des légumes ("Léandra, maintenant, tu fais le concombre" : j'aurais bien voulu voir ça, tiens !).

Je voulais rentrer tôt, mais il est passé minuit et demi quand j'arrive chez moi. Damned !

Hello Kitty est partout, même dans les gares

Sur le toit en verre de la gare de Liège-Guillemins ce matin : un ballon géant d'Hello Kitty (encore et toujours elle !). De l'autre côté du toit, et sans aucun rapport a priori avec le ballon, un ouvrier attaché par un jeu complexe de cordes tente de s'en dépêtrer avec la plus grande difficulté et gesticule dans les airs. Mon train en correspondance arrive à ce moment là et je n'aurai donc pas le fin mot de l'histoire : l'ouvrier était-il là pour s'occuper du ballon ? Qu'est devenu ce dernier ? Dans mon wagon, je ne peux m'empêcher d'imaginer un scénario catastrophe : l'ouvrier fait une fausse manœuvre, détache par erreur un mousqueton et s'écrase vingt mètres plus bas, éclaboussant de son sang une vieille dame et son caniche, qui prenaient pour la première fois le train depuis des années.

* * *

Le soir, Léandra devait voir Jonas, mais le rendez-vous est annulé car Jonas est malade et doit se rendre chez un médecin généraliste (Léandra lui conseillera mon – depuis peu notre – médecin espagnol près de la place Albert, mais c'est trop loin du Centre-ville pour lui). Conséquence : Léandra me propose de venir manger chez elle ce soir, une pizza surgelée ou des frites... J'opte pour les frites. C'est même moi qui vais les chercher, à la friterie de la Porte de Hal, où les vendeuses (des Polonaises ?) rivalisent de gentillesse (c'est ironique ; elles tirent toutes une tronche jusque par terre – peut-être y a-t-il une bonne raison ?). Je prends des frites sauce andalouse et une "fricandelle" (beurk !) pour Léandra mais rien pour moi (je lui piquerai quand même quelques frites). Léandra a deux Orval et une Westmalle Triple dans son frigo : c'est suffisant. Je me rends compte qu'écrit de cette manière (je ne bouffe pas, je ne fais que boire), ce paragraphe me donne un peu une image d'alcoolo. Tant pis. 

Léandra est assez contente pour le moment. Je suis en forme aussi. Sans avoir noté la moindre conversation, j'ai beaucoup de mal à en dire plus. De quoi avons-nous parlé ? Je ne sais plus. À un moment de la soirée, long coup de fil de Jonas. Léandra rigole au téléphone, est toute heureuse de l'entendre. Ils ont l'air d'avoir fait la paix, ces deux-là. De mon côté, pendant la conversation téléphonique, je vais me poster à l'une des fenêtres donnant sur la rue, avec ma bière (comme d'autres amis de Léandra le font avec leur clope). J'observe le carrefour. Deux gars font le piquet à deux coins opposés (ils seront encore là quand je repartirai de chez Léandra). De temps en temps, une voiture s'arrête et le chauffeur "parle" à l'un des gars. La scène me fait penser aux échanges de drogue dans The Wire, mais en moins discret.

* * *

De retour chez moi, je passe un temps non négligeable à regarder des extraits de films dont Yama a parlé la veille dans le train. Vers minuit, je commence à écrire ma journée d'hier, d'abord sur la mémoire orale (je croyais faire un paragraphe mais c'est raté car je m'emballe sur la mémoire et les souvenirs), puis sur les films en question (idem : je m'emballe). Conclusion : je me couche à 4 heures du matin. Heureusement, le lendemain, je peux me lever plus tard car je ne travaille pas (à cause d'un énième rendez-vous à l'hôpital).

Voilà, c'est tout ! Hé, je ne vais pas écrire des pages à chaque fois, faut pas déconner !

Souvenir de neige qui tombe

"Pourquoi le présent est-il souvent peint de couleurs plus sombres qu'un passé pourtant difficile et qui devient presque chatoyant dans la parole-source ?" (Danièle Voldman)

Donc voilà : depuis ce matin, à mon travail, j'essaie (entre une réunion, un appel d'offre à finaliser et une demande de renfort – tombée à l'eau – pour démonter/transporter de vieilles étagères déglinguées) de me concentrer sur la réécriture d'un texte à rendre pour l'année dernière, voire même pour l'année d'avant (très gros soupir). Sans entrer dans les détails techniques, le texte en question traite de sources orales, de maisons du peuple (pour une fois pas celle de Saint-Gilles – qui n'en est plus une, d'ailleurs) et de portail Web consacré à la mémoire orale. Un sujet intéressant mais... je suis en retard, en retard, en retard ! Si ça continue, on va me couper la tête.

Peu importe. Je me replonge donc dans le monde encore en partie à défricher des sources orales, ces documents sonores un peu à part, souvent mésestimés, en marge des sources écrites "traditionnelles". Dans le cas présent, il s'agit d'une série d'interviews historiques ou anthropologiques, plus ou moins cadrées, de témoins d'une époque, d'un lieu, d'un événement. Chose amusante, que l'on retrouve dans beaucoup d'études basées en tout ou en partie sur l'oralité : les témoins sont plus ou moins conscients d'être acteurs ou spectateurs des événements qu'ils vivent. Ainsi l'historienne Danièle Voldman – toujours elle – fait-elle la différence entre un "grand témoin" et un "petit témoin" (ce n'est pas moi qui le dis : c'est dans les notes qu'on m'a transmises). Le premier, dit aussi "témoin-sujet", a pleinement conscience d’avoir joué un rôle dans une structure donnée, d’avoir laisser son empreinte personnelle dans les événements qu’il décrit ; le second, au contraire, est un "témoin-objet" et considère n’avoir été qu’un spectateur (et non un acteur), un pion parmi tant d’autres des événements qu’il narre.

En outre, en compulsant les quelques notes qui sont à ma disposition, je tombe sur des réflexions intéressantes concernant la mémoire, cette petite fée espiègle qui nous joue constamment des tours. Ainsi, quand un témoin raconte un événement plus ou moins ancien, il faut avoir à l'esprit que ce qu'il raconte n'est pas la vérité (c'est presque une évidence, certes) mais bien la façon dont il a vécu l'événement, avec ses espérances du moment, sa propre logique, ses propres structures de pensée. Pire : avec le temps, la mémoire déforme l'événement de manière à réadapter celui-ci au présent. Seul compte le présent : la mémoire est un instrument de survie, pas un élément au service de l'Histoire. Pour faire une dernière analogie, la mémoire ne fonctionne pas comme un disque dur : elle ne stocke pas simplement une suite d'informations sans les modifier. Au contraire, elle réinterprète constamment les observations, elle les passe au travers d'un prisme déformant. On en revient presque à la résilience : la mémoire peut déformer un souvenir traumatisant de manière à ce qu'il soit pleinement accepté ; mais elle peut aussi tout simplement déformer un souvenir banal pour donner plus ou moins d'importance à une action personnelle à un moment donné (ha, cette putain d'estime de soi !).

En creusant encore un peu plus, la mémoire pose la question de ce qu'est le passé, en opposition avec ce qu'est le présent. Le passé n'est que le souvenir qu'on en garde ; le présent est aussi impalpable que des grains de sable s'échappant d'une paume... Entre les deux, où nous situons-nous ? Et où se situe l'historien, censé être le plus "vrai", le plus "juste" possible ? (Et comment s'est-il débrouillé, Thucydide ? Merde !) Chaque lettre que je tape sur ce clavier appartient déjà au passé... Et le "Carpe diem" cuisiné à toutes les sauces et lâché à la va-vite sur Facebook est sans doute beaucoup plus difficile à atteindre qu'il n'y paraît de prime abord. Souvenir : une nuit, seul, revenant d'une soirée dont j'ai tout oublié (encore cette fichue mémoire), marchant dans une rue de Bruxelles, Like Spinning Plates en boucle dans les oreilles, de gros flocons tapissant le paysage : là, pendant un court moment, le temps s'est réellement arrêté ; je me suis assis sur un banc couvert de neige et j'en ai vraiment profité. Mais ce n'est encore qu'un souvenir, un simple souvenir...

Dommage que je ne puisse pas aligner tout cela tel quel dans un article "scientifique", sans la vérification constante de quelques collègues scrutant la moindre faille dans mon argumentation.

* * *

Dans le train vers Bruxelles, avec Yama, nous parlons de cinéma. Yama est un "rouleau-compresseur" en ce qui concerne le septième art (pas que pour le septième art, d'ailleurs)... Autrement dit : elle connaît tout. J'exagère sans doute, mais je la considère, avec Flippo (qui a fait ELICIT – Arts du spectacle, orientation écriture et analyse cinématographiques) et mon chef Lodewijk (qui a travaillé plus de dix ans à la Cinémathèque royale), comme mes trois références en matière de cinéma. (Je sais que Flippo et Yama lisent de temps en temps – voire tout le temps – ce blog, du coup je suppose qu'ils vont s'indigner de la réputation que je leur fais ici, mais tant pis !)

Yama me demande si j'ai vu de bons films récemment (elle demande ça à tout le monde pour le moment, me dira-t-elle). Réponse : non, je n'ai rien vu qui en vaille la peine (faut dire que ça fait très longtemps que je n'ai pas vécu une phase "cinéma" intensive). Dernièrement, pour sa part, Yama a (re)vu Éclipse d'Antonioni et Stalker de Tarkovski. Éclipse : un film d'actualité (rien ne change !), quand on connaît la frénésie de certaines personnes (même parmi les proches amis) quant à l'activité boursière. Stalker : c'est un chef-d'œuvre ; il faut le voir, point. Ci-dessous le superbe final en noir et blanc d'Éclipse et celui, non moins superbe, de Stalker, juste pour le plaisir des yeux (il n'y a pas ici de "spoiler", ni de révélation finale : juste une esthétique hors du commun).



Ce n'est pas la première fois que nous en parlons, mais nous en parlons quand même : le fantastique Blade Runner de Ridley Scott, un des films dans le top 3 de Yama (jamais je n'ai eu l'idée de lui demander quels étaient les deux autres films du top). Blade Runner : un mélange de mélancolie et de perfectionnisme. 

La mélancolie d'abord : aucun humain dans ce film n'est heureux. Rick Deckard (Descartes ?), le chasseur de réplicants, est forcé de reprendre du service, sans entrain : il arbore ainsi toujours une moue soit mélancolique, soit cynique par rapport à sa quête ; Elron Tyrell est un génie solitaire, magnat gouvernant de très haut son empire technologique ; J.F. Sebastian, designer souffrant du syndrome de Mathusalem, est un nerd qui vit seul, en dehors du monde, avec pour seule compagnie ses jouets... Les seules personnes qui essaient de vivre leur vie coûte que coûte sont les réplicants eux-mêmes, ces androïdes plus vrais que nature, à la durée de vie limitée, qui passent pour les vilains méchants au début du film. À la fin, retournement de situation lorsque Roy Batty, le dernier réplicant renégat en vie, sur le point de mourir, sauve Deckard (censé être son ennemi), lui déclamant la célèbre phrase : "J'ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l'épaule d'Orion. J'ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l'ombre de la porte de Tannhäuser. Tous ces moments se perdront dans l'oubli comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir". La citation est presque un équivalent futuriste du Bateau Ivre de Rimbaud : "J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur (...)". Une réminiscence de Cordwainer Smith, aussi.

Des non-humains doués d'empathie... Qui est humain et qui ne l'est pas ?

Ensuite, le perfectionnisme : dans Blade Runner, d'après Yama, tous les objets du film, y compris les plus insignifiants – c'est-à-dire présents ne fut-ce qu'une seconde à l'écran – ont été choisis avec le plus grand soin, parmi les plus avant-gardistes de l'époque. Cette volonté perfectionniste, on la retrouve jusqu'à l'art des origamis laissés par Gaff tout au long du film...

Faudra que je reparle de Blade Runner un de ces jours... Si aujourd'hui je continuais sur ma lancée, non seulement mes rares lecteurs me diraient à nouveau que c'est trop long blablabla, mais en plus je finirais par m'endormir sur mon clavier, laissant une série de "zertfgyiokpomlkiujygfrtvdc" (c'est ce qu'écrit toute seule ma tête lorsque je la pose aléatoirement sur mon ordinateur portable).

Comme dirait l'autre : il est temps de dormir.

Un coup de dés, etc.

Hem...
Ça suffit.
Gaëlle est fan...
Mais faut pas exagérer.
J'ai d'autres sujets à traiter.
Bref : pas de Spelunky aujourd'hui.

Quand je rends ma fille à Maïté, il est 16h26.
Après, je m'assieds à la terrasse d'un café pour écrire.
Léandra arrive et, avec Andrew, nous décidons d'aller au Potemkine.
Le Potemkine : là où coule la répugnante Volga et passe l'insouciante musique made in sixties des bobos heureux et fiers de l'être... Bah !
Arrivés en terrasse, nous assistons aux toutes dernières minutes du concert d'un groupe de free-jazz (?). Un peu plus tard, à la sono : encore et toujours "I Heard It Through The Grapevine", mais dans une version alternative, chantée par The Slits, un éphémère groupe punk majoritairement féminin qui a officié au tournant des années 70 et 80. Pourquoi pas ? Cette version est éminemment sympathique.

Comme tous les dimanches, sans raison (ou peut-être parce que je sais que je n'aurai rien d'autre à raconter), je note pour plus tard quelques sujets de conversation. La mémoire (ma mémoire surtout) est ainsi faite : sans note, impossible de retrouver le moindre thème abordé durant une soirée. Par contre, à l'aide de notes lacunaires – quelques rares mots-clés gribouillés ou encodés –, tout un pan de la conversation me revient d'un seul coup. Ça fonctionne de la même façon pour les rêves : il me faut une simple clé d'entrée (une ID, dirait-on dans le monde des bases de données), un mot-souvenir qui, une fois invoqué, éclairera cette minuscule zone de souvenirs située sur la gigantesque face cachée de ma mémoire. Nous n'oublions rien : nous enfouissons, simplement.

* * *


Durant la discussion, Andrew mentionne à nouveau la conjecture de Poincaré... Il la remet de temps en temps sur le tapis, celle-là, car c'est passionnant. Passionnant non pas à cause de la conjecture en elle-même (quoique !) mais surtout en raison du mathématicien russe qui en 2002-2003 a démontré son exactitude : Grigori Perelman.

Cette conjecture (une conjecture : une affirmation mathématique qui n'a pas encore été démontrée), formulée pour la première fois par le mathématicien français Henri Poincaré en 1904 (merci Wikipédia), est la suivante : "Soit une variété compacte V simplement connexe, à 3 dimensions, sans bord. Alors V est homéomorphe à une hypersphère de dimension 3". Je n'ai même pas envie de définir le moindre terme de cette conjecture, tant j'ai la trouille de me planter lamentablement la gueule dans ce domaine que je ne maîtrise absolument pas.

Donc Grigori Perelman a démontré la conjecture de Poincaré (qui n'en est plus vraiment une, du coup). En 2006, pour couronner ses travaux, Perelman est nommé lauréat de la médaille Fields, une des plus hautes distinctions dans le domaine des mathématiques, attribuée tous les quatre ans par l'Union mathématique internationale à quelques "jeunes" mathématiciens de moins de quarante ans. Perelman refuse la médaille (c'est le seul à l'avoir déclinée depuis la création du prix, en 1936). Plus fou encore : plus tard, en 2010, le mathématicien refusera le prix Clay. Décerné par le Clay Mathematics Institute, ce prix récompense d'un million de dollars la première personne qui arrivera à démontrer un problème mathématique complexe. Sur une liste de sept problèmes, seule la conjecture de Poincaré a été démontrée et Perelman a donc refusé la récompense. Dans une rarissime interview parue dans le tabloïde  Komsomolskaïa Pravda (Комсомо́льская пра́вда), le génie reclus dans un petit appartement de Saint-Petersbourg explique comment il a trouvé la solution de la conjecture (à savoir grâce au fait que dès sa jeunesse, il a essayé de trouver des réponses à des questions complexes, du genre : calculer la vitesse à laquelle aurait dû marcher Jésus Christ sur l'eau afin de ne pas tomber dedans, oui, oui !) et pourquoi il a refusé le prix ("Je sais comment gouverner l'Univers. Pourquoi devrais-je courir après un million ?") : c'est entre autres expliqué ici. Ce gars me fait penser à un autre génie, des échecs cette fois-ci : Bobby Fischer. Un type hors norme, à la logique différente, refusant lui aussi des sommes astronomiques (par simple caprice), annulant des tournois, disparaissant de la circulation... Mais ceci est une autre histoire.

* * *
De son côté, Léandra chante. Enfin, pas toujours. Juste un morceau en fait : "Octobre" de Francis Cabrel. Une des chansons préférées de ma mère – normal car c'est aussi son mois préféré –, une de celle qu'elle voudrait à son enterrement (enfin, je crois). J'adore également le mois d'octobre pour ses couleurs, ses odeurs... Léandra dira – et je suis fondamentalement d'accord avec elle, mais pas Andrew – que seul le mois de novembre est horrible : il est moche, froid, venteux et sans aucune magie... En tout cas, pour le moment, octobre ne ressemble absolument pas au mois d'octobre de l'ami Francis : pas de feuilles partout, pas de nuages pris aux antennes, pas d'écharpes pour deux...
Autre sujet de discussion, lancé par Léandra : l'anniversaire prochain de Jonas. Jonas est informaticien et est né un 10.10 : un nombre "binaire". De mon côté, je suis né un 10.01 : un nombre binaire aussi. Question : combien de jours de l'année sont binaires ? Facile : seuls les mois de janvier (01), octobre (10) et novembre (11) peuvent concourir. Pour les jours, c'est seulement le cas des 01, 10 et 11 aussi... Conclusion : 9 jours sur 365 ne sont pas hors-jeu : ça fait un peu moins d'une chance sur 40 de tomber juste. C'est pas mal je trouve... Par contre, si l'on ajoute les années à la donne, il va falloir attendre longtemps avant de voir la naissance d'un "bébé binaire", à savoir l'année 10000 après Jésus-Christ. Entre 1111 et 10000, un "grand vide binaire" s'étale dans toute sa splendeur, à moins de calculer avec un autre calendrier que le calendrier chrétien ou bien de tricher et de ne compter que les deux derniers chiffres de l'année (dans ce cas, 2011 fonctionne mais c'est le dernier avant 2100)...
Une dernière question : pourquoi la plupart des célibataires (éventuellement frustrés) d'Adopteunmec.com, le site de rencontre préféré de Léandra, sont-ils des inconditionnels de Dune de Frank Herbert ? Exemple : un des derniers en date que Léandra a rencontré virtuellement a pour surnom... Duncan Idaho ! Léandra ne savait même pas qui c'était avant que je ne le lui dise ! M'enfin ! Duncan Idaho : le fidèle lieutenant de la Maison des Atréides, celui qui bloquera la route aux Harkonnens assez longtemps pour que Paul et sa mère puissent s'enfuir dans le désert ! Hum... Peu importe. J'en suis arrivé à une théorie beaucoup plus générale : lire Dune nuit gravement à la vie conjugale. Pire : les fans de Dune sont destinés à être des éternels célibataires. En fait, je suis bien conscient que c'est souvent exactement l'inverse : ceux qui lisent ce genre de romans sont déjà dans un monde à part et le fait qu'ils aiment Dune n'est qu'un révélateur parmi d'autres d'une forme de rêverie, voire d'échappatoire...

Un peu comme la fantasy, le rock, les bandes dessinées, les jeux vidéo ou encore l'astronomie...

* * *
Avec tout cela, je n'aurai même pas mentionné le fameux poème de Mallarmé.
À la suite d'une phrase de Vincent le jour où nous l'avons rencontré,
Andrew a eu l'idée de retrouver une vieille édition du poème
D'après Andrew, ce poème typographique
échappe à toute vaine tentative
de compréhension frontale.
C'est mieux ainsi,
sans doute.
Non ?
spelunky

Samedi Spelunky

– Gaëlle, tu veux aller faire un tour dehors ?
– Non, merci.
– Gaëlle, ça te dirait d'aller jouer une heure au parc ?
– Non, merci.
– Gaëlle, tu veux dessiner ? Regarder un dessin animé ?   
– Non, merci.
– Et sinon, ça va ? Tu ne t'ennuies pas ?
– Oh, non je m'amuse super-bien avec Spelunky !

Voilà : après le "pique-nique Spelunky" d'hier soir, place au... "samedi Spelunky" ! Ma fille ne joue plus qu'à ça : c'en est presque devenu compulsif ! Parfois, lorsqu'elle en a marre de mourir, loin de vouloir arrêter le jeu, elle me demande de prendre le clavier et de jouer à sa place. "Pendant que tu joues", me lance-t-elle, "je te dirai ce qu'il faut faire pour éviter les serpents, les flèches et les pics".

Spelunky, c'est donc ce "bête" jeu indépendant, gratuit, créé par Derek Yu (un des développeurs derrière le très beau "Aquaria" – dont il faudra que je reparle un de ces jours aussi) et qui aurait pu sortir à la fin des années 80, mais non : le jeu date de 2008. Le but : explorer des cavernes remplies d'or, de pierres précieuses et de monstres, en prenant les commandes d'un aventurier dans le pur style d'Indiana Jones... En effet, comme ce dernier, le héros a un beau chapeau, un fouet et ne supporte pas les serpents (il a également un nez rouge, comme le remarquera Gaëlle, mais ça n'a rien à voir). La référence à Indiana Jones est plus subtile encore : le surnom du célèbre archéologue est "Indy", comme dans... "indie game". Oui, oui : derrière le gros pixel, se cache la subtilité et l'humour. 


Ce jeu a ceci de particulier que chaque nouvelle partie est différente, car les plateaux sont créés de manière aléatoire. Ainsi, à l'intérieur d'une zone de difficulté donnée, on retrouvera le même genre de monstres, de structures, de trésors, de marchands, mais jamais disposés de la même manière. Il s'agit là d'une différence de taille avec les jeux de type "Super Mario Bros" (pour ne citer que le plus connu), dans lesquels un joueur expérimenté, connaissant le monde comme sa poche, peut avancer les yeux fermés ou presque.

En découvrant ce jeu la semaine dernière, je me suis dit : "Ouais, bon, Hamilton, c'est un jeu de plate-formes comme plein d'autres, qui n'est a priori pas très addictif". Mais après en avoir pris les commandes bien en main ce week-end (simplement pour faire plaisir à ma fille), je suis revenu sur mon jugement... Ce jeu est dans une certaine mesure addictif : il est extrêmement bien équilibré et, comme beaucoup de bons jeux, il contient des secrets, des mystères ainsi que des niveaux et des personnages cachés dont l'obtention me demandera sans doute des heures et des heures de pratique. Ha ben merde alors !

Créer un jeu de cette trempe est donc bien plus complexe qu'on ne le pense... C'est ce que décrit très bien cet article détaillé (en anglais), montrant notamment en quoi la dynamique équilibrée de Spelunky en fait un très bon jeu.
* * *
En plus de jouer à Spelunky, ma fille mange de temps en temps. Ce soir, il a donc bien fallu sortir de notre caverne de Morlocks pour aller chercher de la nourriture. Gaëlle voudra que je lui cuisine de la chipolata et de la compote de pommes. C'est très simple à faire : ça me change des carbonnades flamandes.
Nous sortirons même une seconde fois, en fin de soirée, pour rejoindre Léandra et Andrew, "en transit" au Bar du Matin. Ces deux-là ont décidé de se rendre ensuite dans le Centre-ville afin de participer aux Nuits blanches bruxelloises, avec Emily et Walter. Pour ma part, je passe forcément mon tour car je me vois mal me trimballer jusqu'à deux heures du matin du côté de la Bourse avec ma fille de six ans sur les épaules. Gaëlle boit une eau-grenadine. Léandra offre un verre et je boirai un Orval (pour changer). On reste une grosse heure puis Emily embarque tout le monde (sauf Gaëlle et moi) devant la porte de mon appartement.
Pour endormir ma fille (tu parles !), je lui lis une série d'histoires de Schtroumpfs intitulée "Roméos et Schtroumpfette" (troisième et dernier récit de L'Apprenti Schtroumpf, 1971). En résumé : c'est le printemps, la sève monte dans les arbres et tous les Schtroumpfs – y compris le Grand Schtroumpf, ce vieux pervers de 542 ans – ont envie de se taper sortir avec la Schtroumpfette. Les petits Schtroumpfs sont tous un peu dans le genre "amoureux niais" ou "chevalier servant". Le Grand Schtroumpf, lui, drague la Schtroumpfette en ces termes : "Je ne suis plus un bleu, mais je suis encore très vert, malgré mes cheveux blancs ! Et puis, vous deviendriez Grande Schtroumpfette !". Mais la Schtroumpfette s'en fout : elle est très réticente. À la fin de l'histoire, elle ne sortira donc avec personne. Tous les Schtroumpfs seront juste bons pour rentrer se masturber dans leurs petits champignons ridicules. Mais ça, l'histoire ne le dit pas (c'est un livre pour enfants).

Quand je lis cette histoire à Gaëlle (sans lui raconter toutes les hypothèses scabreuses ci-dessus), elle est capable de se souvenir, presque mot pour mot, de ce que certains phylactères contiennent, avant même que je ne les lise. Niveau "mémoire", elle m'impressionne toujours autant.

Pique-nique Spelunky

Après une courte matinée de boulot dans la banlieue industrielle de Liège, je fais un crochet en train jusqu'à Namur afin de récupérer ma fille à son école, pour repartir ensuite directement vers Bruxelles. Dans la rue, dans le train, partout, Gaëlle n'arrête pas de parler : elle a "toujours quelque chose à dire", comme le Professeur Rollin ! Elle invente trois histoires à la minute. Elle est mignonne, elle a de l'imagination, mais elle est très fatigante, surtout pour un vendredi soir.
Dans le vieux train pourri vers la capitale, Vinge me téléphone à quatre reprises. Présageant une longue discussion éreintante dans le boucan causé à moitié par le déplacement du train, à moitié par les étudiants remplissant le wagon, je ne décroche pas (en plus, les coups de fil rapprochés et à répétition "à la Lewis" ont toujours eu tendance à me mettre de mauvaise humeur). Vinge me laisse deux messages vocaux. Retranscrit, le premier message donne exactement ça : "Ouais ouais, Hamilton... Ben figure-toi qu'j'viens d'me faire nommer à Liège, quoi ! Putain, quoi... La plus mauvaise passe de ma vie, quoi... Je déteste cette région de merde. Enfin voilà... Mais je suis content, je viens de trouver un boulot, quoi. Je vais prendre le train avec toi ! [Rire sadique] Donc voilà... OK ? Bon allez...". Il va... prendre le train avec moi ? Mon dieu, il faut absolument que je change de boulot (ou alors de créneau horaire). Un peu plus tard, toujours dans le train, je reçois un coup de fil d'Emily. Cette fois-ci, je décroche et, à cause du boucan susmentionné, je ne pige rien à ce qu'elle raconte, si ce n'est qu'il est question d'un pique-nique au Bois de la Cambre.

Recontactée un peu plus tard dans un endroit plus calme (la gare), Emily propose en effet d'aller pique-niquer au Bois de la Cambre, avec sans doute Andrew, peut-être Walter, mais pas Léandra car cette dernière est à son fameux rendez-vous avec Daily. Il fait 25 degrés dehors, il fait délicieux : c'est une très bonne idée. Emily s'occupe du pain français, de la charcuterie, du fromage et de la salade. Je m'occupe des boissons (vin blanc, bière, eau et café) et de quelques accompagnements (comme des petits saucissons). Prévoyant que Gaëlle risquerait de s'ennuyer, j'installe au préalable sur le mini-PC que m'a prêté Léandra un "bête" jeu de plate-formes indépendant (et gratuit) du nom de Spelunky : c'est pixelisé et ça ressemble à un vieux machin des années 90, voire des années 80, dans le genre de "Lode Runner", mais en plus sophistiqué... (Il faudra que je reparle de ce jeu, quand je n'aurai pas grand chose d'autre à écrire.)

Nous arrivons au Bois de la Cambre assez tard, vers 19h40. Il fait tellement bon, en cette toute fin du mois de septembre, qu'on en oublie presque que le soleil ne se couche plus à 22h : lorsque nous nous installons dans la grande prairie entre le Théâtre de Poche et les Jeux d'Hiver, le crépuscule tombe déjà sur la ville. Nous mangeons dans la pénombre et nous continuons à discuter dans le noir, avec pour seules lampes celles des GSM et des smartphones. Pas très loin de nous, nous avons droit aux faibles lumières et surtout à la musique insupportable (faite de "Boum ! Boum ! Boum !") des Jeux d'Hiver. Andrew nous rejoint vers 20h30, Walter plus tard encore. Quant à ma fille, elle est très sage, plongée durant toute la soirée (comme je l'avais prédit) sur Spelunky. Dans le ciel, seulement quelques étoiles parmi les plus brillantes sont visibles (saleté de pollution lumineuse !).

Emily et Walter ont pour objectif de se rendre à la Nuit Blanche, à l'ULB ; Andrew est fatigué. Quant à moi, je dois retourner chez moi pour mettre ma fille au lit. Quand je dis à Gaëlle : "On raconte quoi comme histoire ce soir avant de s'endormir ?", elle me répond : "Oh, pas d'histoire. Par contre, est-ce que je peux encore jouer un tout petit peu à Spelunky, s'il te plaît, papa ?". Pourquoi pas ? Je me dis que les jeux vidéos aident, tout autant que les contes, au développement intellectuel d'un enfant...
cfwb

Logotypes

Depuis peu, la Communauté française de Belgique a changé d'appellation : il faut désormais parler de "Fédération Wallonie-Bruxelles". Paraît que c'est plus clair comme ça... De fait, oui, c'est plus clair, ou en tout cas un peu moins ambigu : "Communauté française de Belgique", ça donnait l'impression qu'on avait affaire à une petite communauté d'expatriés français vivant sur le territoire belge (au point même, d'après La Libre Belgique, que François Mitterrand, apparemment mal renseigné, s'était gravement gouré, demandant à Valmy Féaux, alors président de la Communauté, combien de membres comptait son association de Français – Quand ? Où ? On ne sait pas... L'éditorialiste reste nébuleux, se contentant de l'action et se foutant royalement du temps et du lieu ; cette information lacunaire est sujette à caution, du coup !).

Fédération au lieu de Communauté... Peu importe après tout : c'est simplement un nom qui change... Un nom, c'est juste un nom : ça ne modifie pas grand chose à la personnalité, au fonctionnement d'une personne ou d'une institution... Si – simple exemple ! – je m'appelais Lionel au lieu d'Hamilton, ça ne modifierait aucunement ma façon d'écrire... 

Juste un nom donc sauf que, plus pragmatiquement, à mon boulot subventionné de façon non négligeable par ladite Communauté Fédération, nous allons devoir prendre acte de ce changement pour la création de nos papiers en-tête, nos dépliants, nos brochures, nos affiches, notre site Web, nos lettres d'information, etc. En gros, ce sont plusieurs dizaines d'endroits qu'il faudra changer, là où ce putain de terme périmé de "Communauté française de Belgique" apparaît. Quand je dis "nous", je suis un petit comique (haha !) car dans les faits, c'est moi qui vais devoir m'occuper de la majorité de ces modifications. Holy shit ! Et encore je reste poli...

Ce n’est pas tout : dans la lancée des modifications infographiques, en plus de changer la dénomination de cette entité politique dans tous les médias utilisés par mon institution pour communiquer avec l’extérieur, je vais devoir également remplacer son logotype. Car oui, depuis le 27 septembre 2011, la Communauté française Fédération Wallonie-Bruxelles a également dévoilé un nouveau logo pour marquer le coup : trois lignes courbes séparées, schématisant plusieurs concepts à diverses échelles de grandeur : les première et deuxième lignes (rouge et jaune) représentent le "W" de Wallonie, les deuxième et troisième (jaune et bleue) le "B" de Bruxelles ; le tout forme un coq extrêmement stylisé (un peu comme le logo "TGV", qui, retourné, prend la forme d’un escargot : hé oui, c'est épatant !)... Et il paraîtrait même – mais faut avoir l’œil ! – que la ligne jaune du milieu, associée au bleu, symboliserait l’Iris bruxellois. 

Sur le Web comme dans la presse, ce logo suscite beaucoup de railleries. J'ai lu sur la Toile des commentaires réussissant l'exploit d'être à la fois épiques et stupides (je ne peux pas m'empêcher d'aller les lire, pour me faire peur)... Simples exemples : le classique "Et combien ça a coûté aux contribuables ?" ou le très con "Où est le coq ? C'est scandaleux !". Il y en a même qui vont jusqu'à rapprocher ce logo à l'alphabet arabe : c'est dans l'air du temps chez les fachos paranoïaques (ceux du genre : "Le nouvel ennemi, c'est l'Islam" ou "Tous des islamo-gauchistes, au P$" – Mais qui sont ces gens ?). En parallèle, un sondage Web organisé par SudPresse donne les résultats suivants : 53% trouvent ce logo "affreux", 20% le trouvent "magnifique" et 28% répondent par "C'est quoi cette fédération ?". On ne leur a proposé que ces trois choix-là, à ces 101% (sic) de sondés ? (Du grand n'importe quoi.)

L'avis de Tonton Hamilton : ce n’est sans doute pas le plus beau logo de tous les temps, mais faut pas exagérer dans l'autre sens... Ce n’est pas non plus le plus moche. Au-delà de la question du logo en lui-même, toutes ces discussions mettent surtout en avant un fait beaucoup plus fondamental : la propension des humains à râler sur tout ce qui présente un caractère nouveau ou inconnu.

Je ne voulais pas faire aussi long (d'un autre côté, j'écris ce que je veux) mais les logotypes me passionnent. Donc tant qu'à parler de logos, j'en profite pour en poster deux autres que je trouve à la fois simples et extraordinaires, presque magiques même...

Pourquoi ces deux logos sont-ils géniaux ? Pour le premier, celui de FedEx : tout simplement parce qu'il cache une flèche (symbolisant l'expédition, le déplacement...) entre le second "E" et le "x" ; et peut-être même une deuxième, plus difficile à voir car incomplète, entre le "F" et le premier "e" ! Pour le second logo, c'est encore plus terrifiant : c'est l'ancien logo – mais pourquoi diantre ont-ils changé ? – de Northwest Airlines. Il est d'une simplicité diabolique : en quelques traits, on y retrouve le "N" de "North" et le "W" de "West", mais aussi une flèche de boussole, pointant vers le Nord-Ouest ! Certains y ont également vu le long-courrier venant de Stockholm mais je crois qu'ils bluffent.

* * *

Si je parle de la Communauté française Fédération Wallonie-Bruxelles aujourd’hui, c’est pour une raison particulière : en ce début d’après-midi, j'ai assisté dans un auditoire situé dans les locaux de la Communauté Fédération à la présentation d’un prototype de portail Web exposant de manière transversale un pan du patrimoine numérisé en Belgique francophone.

Arrivé sur place, je reconnais quelques personnes dont : Anouk, qui me lance comme phrase de bienvenue : "Tiens, voilà Monsieur Orval !" (ma réputation me précède) ; Doëlle, qui est alors en train de discuter avec Inger (qu'est-ce qu'elle fait là, Inger ? C'est marrant : c'est en fait la copine d'un certain Jyl – pas le même que celui que connaît Léandra, qui s'appelle de toute façon Daniel dans ce blog : ça devient compliqué, tout ça –, des potes de Tom et Ophely) ; Adélaïde-Anne, une consœur archiviste qui travaille dans un centre d'archives à Bois-du-Luc (sur le lieu de mon premier boulot). C'est elle qu'on a croisée par hasard au carnaval de La Louvière : elle était déguisée en sorcière et voulait nous refiler une pauvre tortue trijambiste (aujourd'hui, pas de déguisement ni même de tortue).

La présentation se passe bien : la première partie (un portail esthétiquement bien foutu) est très jolie à regarder ; la seconde (la présentation de l'architecture informatique complexe qui se trouve en "arrière-plan" de ce portail) est plus aride mais intéressante.

Après moult questions, nous sortons tous enfin dans le petit hall qui jouxte l'auditoire : il y a du café (hahaaa !) et des mini-pâtisseries. Parmi celles-ci : un gâteau au chocolat et à la crème fraîche totalement immangeable sans que ça ne dégouline partout de manière dégoûtante. Je reste une petite heure à parler, principalement avec Adélaïde-Anne. 

À la sortie, Doëlle et Anouk fument leur cigarette en compagnie d'autres personnes. Doëlle me demande si elle peut de nouveau avoir accès au journal de Léandra. Je lui dis que peu importe, car Léandra n'écrira plus ! (Renseignements pris : si Doëlle veut avoir accès à ce blog un peu mort, elle doit créer un compte Blogger ; à ce moment, Léandra pourra ouvrir le mode lecture pour ce compte-là – enfin, si Léandra le veut bien, mais il n'y a pas de raisons qu'elle ne le veuille pas). Je discute encore un peu avec Doëlle ainsi qu'avec une de ses copines/collègues (?) qui, travaillant à Bruxelles, fait en train presque le trajet inverse du mien. La seule différence : elle doit parfois rester debout, car dans le sens Liège-Bruxelles le matin, les trains sont remplis et c'est l'horreur (j'ai déjà fait quelques fois ce genre d'expérience). Vers 17h, je reprends le métro vers mon bureau officiel (comprendre : vers la Maison du Peuple de Saint-Gilles).

* * *


Je passe une grosse heure à ladite Maison du Peuple, pour écrire un peu avant le squash. De passage, par hasard : Georges, un des ex de Léandra. Dans la vie, Georges réalise des sites Web et des bandes dessinées (en résumé). Il est à Saint-Gilles pour emporter la machine à laver d'une copine. Un plan foireux car jamais la copine en question ne le rappellera. Georges reste donc une petite heure en ma compagnie. Il commande un thé. Quant à moi, je "sirote" un Orval (j'ai une réputation à tenir).

À un moment, on parle de Maïté, bizarrement. Ça va bientôt faire quatre ans (Ach, quatre ans... Quatre ans !) qu'elle m'a quitté. Georges me dit : "C'est quand même bizarre que tu n'aies jamais retrouvé personne depuis lors". Oui, c'est bizarre, bizarre... On parle de séries aussi. Apparemment, je lui ai donné l'envie de revoir Homicide et, en parallèle, de visionner la série The Wire (il ne l'a jamais vue ! Pauvre de lui !). Pour le moment, il regarde Mad Men (il faut absolument que je la visionne un jour, celle-là). Georges me parle également de Lexx, une série de science-fiction un peu kitsch et en dessous de la ceinture. Jamais vu mais ça a l'air sympa... Le vaisseau spatial Lexx ressemble à une libellule, mais des esprits mal tournés y voient aussi apparemment l'appareil génital masculin au complet et en érection. Le débat reste ouvert !

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J'ai beaucoup de choses à raconter aujourd'hui. C'est laborieux...

Je vais jouer au squash avec Fred Jr ce soir. Il me faut longtemps pour rejoindre le Centre ADEPS d'Auderghem, à la frontière de la ville, perdu à la lisière de la forêt de Soignes. Je suis en retard et Fred est obligé de venir me chercher en voiture. On se change en vitesse directement dans la salle de squash. Je perds encore et toujours contre Fred (3 sets contre 4), mais, selon ses propres dires, il a eu plus de mal cette fois-ci. Durant la partie, j'essaie presque instinctivement et comme à chaque fois de placer des coups de badminton. Au squash, ça fonctionne... euh... beaucoup moins bien. (De retour chez moi, je regarderai une vidéo de squash professionnel : comme pour les autres sports de raquette, les joueurs professionnels donnent l'impression de se balader sans problème sur le terrain et font des revers avec une facilité déconcertante.)

Après le squash, Fred doit se rendre en vitesse à Etterbeek pour acheter une NES (Nintendo Entertainment System : la vieille console de jeu signée Nintendo) chez un type habitant le coin. Le principe un peu tordu, si j'ai bien compris : Fred possède déjà une NES en bon état mais n'a plus la boîte d'origine. Donc : il va prendre la boîte de la NES nouvellement achetée pour son ancienne NES et revendre directement la console toute seule. Typiquement un tic de collectionneur... Mais le gars qui doit la lui vendre est énervant : il annule par sms parce qu'il n'a pas envie de voir débarquer Fred trop tard, puis il téléphone des dizaines de fois, puis il décide enfin de lui apporter la console environ une heure après, alors qu'on boit un verre au Corto près du Cimetière d'Ixelles, en compagnie de Léandra et de Walter, et aussi d'Andrew qui nous rejoindra en compagnie de sa colocataire russe du moment.

Fred a encore une petite heure de route avant de revenir dans son village. Puisqu'il nous reconduit en voiture, Léandra et moi, nous partons un peu avant 23h. Et puis c'est tout... (C'est déjà assez long comme ça !)

"Bonjour ! Infodoc, c'est ça ?"

(Je suis en retard dans mes publications : mes rares lecteurs-z-et-lectrices s'impatientent.)

Ce matin, en sortant de mon train (à l'heure pour une fois) à la gare de Liège-Guillemins, je dispose d'une vingtaine de minutes avant de prendre ma correspondance. Caoua ? Pas caoua ? J'hésite, mais je finirai par craquer pour le doux breuvage noir... Un choix judicieux, comme je m'en rendrai compte cinq minutes plus tard... J'opte donc pour mon endroit de prédilection (j'ai mes habitudes) : la sandwicherie italienne de la gare où le patron (qui n'est pas là pour le moment), après des années de fréquentation (et trois gares différentes, dont une temporaire), me reconnaît, me tutoie et me sert la main – c'est le privilège de tout navetteur régulier : connaître en surface au moins un libraire et ceux qui servent le café dans un lieu donné. (À noter que le dernier libraire que je connaissais vraiment bien, à Bruxelles-Central, est mort d'une crise cardiaque foudroyante il y a plus de quatre ans déjà : un choc le matin où j'ai appris la nouvelle ! Depuis lors, je ne parle plus comme avant aux libraires dans les gares, ni aux libraires tout court. C'est la vie !)

Juste devant moi dans la file, une jeune femme aux cheveux courts commande un muffin et un café. Je commande mon café également. Elle me regarde, je la regarde, on se reconnaît. Je sors : "Euh... Bonjour ! Infodoc, c'est ça ?". C'était il y a des années, à l'Université. On suivait ensemble les mêmes cours de troisième cycle en Sciences et technologies de l'information et de la communication (prononcer STIC – ouais, c'est un peu ridicule). Une fille très sympathique (ça changeait de certains grincheux/prétentieux de la section, du genre à refuser le prêt d'un bic) et très intelligente. Sur le moment, je ne me rappelle plus de son prénom exact (j'ai juste une vague idée). Heureusement, elle ne se rappelle plus du mien non plus. Elle s'appelle Aurore, habite désormais la Cité Ardente et travaille au Sart-Tilman. Dans le hall de la gare, notre café en main, on discute de nos vies, de notre travail, et on finit par s'échanger nos numéros de téléphone, histoire de pouvoir se recontacter au cas où...

Cette rencontre totalement impromptue de si bon matin m'a redonné un moral d'acier. J'adore l'imprévu, l'imprévisible, les coïncidences... Le moral, ça ne tient à pas grand chose, tout compte fait.

* * *

Le soir, pas de sortie prévue (faut que je fasse gaffe à mes dépenses et que je me calme sérieusement de ce côté-là). J'ai invité Léandra – juste Léandra – à venir manger chez moi. Au programme : des toasts au foie gras préparés par Léandra, avec la bouteille de vin blanc moelleux qui l'accompagne ! En plat principal : des bêtes penne à la pancetta et aux petits poids. Comme fond musical, mon baladeur MP3 en mode aléatoire branché sur la chaîne Hi-Fi. Hé, Hamilton, t'as pas un seul truc joyeux sur ce putain de baladeur ?
Léandra est à la fois très fatiguée et très motivée par deux idées qui lui courent dans la tête : en premier lieu, un projet secret d'écriture dédiée dont il ne faut pas parler dans ce journal ("Botus et mouche cousue, telle est notre devise") ; en second lieu, son histoire de soirées "causerie" (voir hier pour les détails). Léandra repartira très tôt chez elle ("pour dormir directement" : sans même rallumer son ordinateur ?) non sans avoir auparavant gribouillé dans un bloc-notes une série d'invités hétéroclites, de dates, ainsi qu'un ou deux thèmes possibles pour lesdites soirées. On parle notamment du thème un peu gag de la "force de la volonté" dont me parlait Andrew précédemment... En pensant à Walter et à sa phrase cynique fétiche ("Le pouvoir de l'amour peut-il rivaliser avec l'amour du pouvoir ?"), je lance la question : "La force de la volonté peut-elle rivaliser avec la volonté de la force ?". Ça ne veut strictement rien dire mais ça le fait quand même, je trouve...
Léandra se casse donc très tôt (un peu avant 22h). De mon côté, je n'ai pas du tout sommeil (j'ai plein d'idées – positives en tête). J'écoute de la musique (dont Mandrake Project, en boucle, une musique dans laquelle l'influence pinkfloydienne est omniprésente hé ! Ils ont même repris One Of These Days, le légendaire morceau aux deux basses et aux paroles menaçantes : "One of these days, I'm going to cut you into little pieces!"), je surfe sur le Web mais... je n'écris pas. Je me force à dormir vers 4 heures du matin.

Un soir au Potemkine

Ce midi, je suis allé manger avec Léandra dans une sandwicherie suisse située sur le Boulevard Anspach, juste devant la Bourse de Bruxelles, portant le nom de "Au Suisse" (vive l'originalité !). Ils font de bons sandwiches – au roast beef pour Léandra ; au hareng à l'alsacienne pour moi – mais, même avec la meilleure volonté du monde, je ne pourrais jamais être rassasié après avoir englouti un si petit bout de baguette ! Autrement dit : Léandra a beau me soutenir mordicus que son nouveau boulot est bien mieux que l'ancien, je continuerai coûte que coûte à considérer ce dernier comme plus professionnel sur un point au moins : la sandwicherie italienne (La Focaccia) qui se trouvait juste à côté.
De la discussion de ce midi, j'ai retenu un élément primordial : Léandra a abandonné son journal, dont elle a fermé le contenu au public à l'exception d'elle-même (forcément) et... de moi (hahaha !). Ça, je le savais déjà... Depuis lors, elle se sent beaucoup plus légère, presque soulagée ! Ce journal, c'était un poids à porter, avec toujours le risque que quelqu'un le lise et le prenne mal. Se faire des ennemis quand on parle de relations interpersonnelles sur le Web est quelque chose d'assez facile. Elle en sait quelque chose, Léandra : elle a déjà écrit bien pire – ou bien mieux, tout dépend du point de vue ! – que ce dont elle parle dans son dernier blog en date. (De mon côté, je commence aussi à en savoir quelque chose, bordel !) Je suis néanmoins un chouïa déçu : je pense en effet que mon amie aurait pu, avant de tout clôturer, s'essayer à l'analyse météorologique ! Une dépression par-ci, un anticyclone par-là... Ah, être Jules Metz à la place de Jules Metz, quel pied !

Léandra repart à son boulot, je repars à ma Maison (du Peuple). Les heures passent, je sirote quelques thés et une bière, j'échange quelques mots anodins avec mes voisins de table, je "croise" même une ancienne copine d'université, puis Léandra est de retour ! Il est environ 19h, il n'y a pas de place en terrasse, alors on part s'installer au Potemkine, le nouveau café branchouille devant la Porte de Hal. 
* * *
Ce qu'il faut savoir en premier lieu sur ce café, c'est qu'on y sert au fût une bière totalement et définitivement répugnante : la Volga. Après recherche, il semblerait qu'il y ait dans le Monde au moins deux bières du nom de Volga : Волга, une bière russe rachetée par Heineken en 2004, et Volga, une bière créée par John Stargasm, chanteur et leader du groupe Ghinzu. D'après Le Soir, c'est la deuxième qu'ils servent dans ce café. Peu importe. En tout cas, ce n'est pas bon : la bière a le goût de la Jupiler "fût de fête" qu'ils servent notamment dans les soirées estudiantines de l'Université libre de Bruxelles. 

Deuxième chose à savoir : le Potemkine a été lancé par Frédéric Nicolay, celui qui a créé le Belga (à Flagey) et le Bar du Matin (à Albert, près de chez moi). Deux endroits où je mets rarement les pieds car j'y déteste l'ambiance et les "bionades" totalement dégueulasses (sans doute encore plus que la Volga car dans cette dernière, au moins, il y a de l'alcool). Une bionade... C'est pourtant ce que prendra Léandra lors de notre premier verre là-bas. Elle fait ce qu'elle veut : c'est son foie qu'elle bousille à petit feu.
Le Potemkine a aussi ses bons côtés : à l'extérieur, juste au pied de la Porte de Hal, une terrasse avec un camion-bar (ils ont l'autorisation pour ça ?) et des serveurs servant de la... Volga à... deux euros dans des... verres en plastique ! Sur un des flancs de la terrasse, un DJ passe des vinyles rétro : de la chanson française qui semble tout droit sortir des années 60. Les titres ne nous disent rien. Léandra adore ce genre de musique... Un de ses grands rêves dans la vie : sortir un disque où elle chanterait à tue-tête, heureuse, des chansons "à la française", un peu comme Françoise Hardy ou France Gall. Léandra télécharge Shazam sur son smartphone pour reconnaître des titres mais ça ne marche pas (pffff, ça vaut bien la peine de se la péter avec une "cacaille" à 300 euros). De mon côté, sur mon vieux GSM tout pourrave (mais avec lampe de poche, siouplaît !), j'essaie d'immortaliser les paroles un peu mystiques d'une des chansons qui me parle, espérant la retrouver plus tard sur le Web. Chose incroyable : je ne la retrouve pas ! Des bribes de paroles : ça parle d'un démon qui descend sur Terre et qui "s'est fait des habits de lumières", mais qui "déçu, reprit sa course". Plus loin : "Obstiné, le diable se transforma en homme". C'est peut-être du Gérard Manset ? Faudrait que je creuse cette piste... Faudrait peut-être aussi que je demande à Pat ou à Flippo car ces deux-là sont clairement plus au courant que moi question chanson française des sixties et seventies.

Après la terrasse, nous testons l'intérieur du Potemkine... Enfin, je teste (Léandra est déjà venue auparavant). Au plafond, de faux ossements de cétacé. Au mur, un écran fait de grosses ampoules qui, en jouant sur la lumière et le contraste, rejouent la fameuse scène des escaliers d'Odessa dans Le Cuirassé Potemkine d'Eisenstein (c'est Léandra qui s'en est rendu compte ; si on ne fixe pas l'écran pendant un certain temps, on ne voit que des taches informes). Au fond : un beau bar aux alcools russes, avec une serveuse blonde qui se fond parfaitement dans ce décor slave. Enfin, la salle du café fait un peu cantine, mais en plus sophistiqué, en plus "lounge". Comme le Belga, mais en un peu mieux, quoi.

Ça ne se voit pas spécialement à l'écrit, mais je suis totalement déprimé lors de cette putain de soirée dans ce putain de café hype. Je suis déprimé depuis deux jours... Sans doute une conséquence de mon état grippal... Sans doute, ouais, ouais. J'ai l'impression d'être transparent, de n'avoir aucune présence, de ne pas savoir aligner deux mots sans devoir me reprendre, de ne rien dire d'intéressant (pour ne pas changer). Je n'arrive même pas à être comique... (Allez, Hamilton, prends un Vicks, ça ira mieux !) À un moment, j'explique à Léandra que ma vie est un peu comme du sable que j'essayerais de retenir avec mes mains : j'ai beau tout faire pour empêcher les grains de s'échapper, ils filent entre mes doigts, jusqu'au dernier... Ha, misère !

Plus tard, Léandra parle de son projet lointain de blog pornographique ou plutôt érotique. Elle ne sait pas très bien comment elle pourrait parler de "la chose". En effet, à l'exception d'un passage assez soft dans un ancien blog, elle n'a jamais expérimenté ce type d'écriture. Je me suis pour ma part posé la question également, mais dans un sens légèrement différent : et si je devais sortir avec quelqu'un dans les mois à venir, comment gérerais-je l'écriture de ce blog ? Pour Léandra, son journal était une phase temporaire, transitoire : elle avait depuis le début prévu de le laisser tomber un jour ou l'autre – et ce jour est arrivé ! Pour moi, c'est différent : je compte bien continuer ce projet aussi longtemps que j'en suis capable, donc la question pourrait se poser : comment décrire une relation amoureuse dans un journal ? Ne pas en parler du tout ? En parler un peu ? Être dans l'exhibitionnisme total ? En fait, évidemment, ça dépend totalement de la personne rencontrée. Léandra rigole et me dit que je devrais m'en faire un leitmotiv ; utiliser cette argumentation sur un site de rencontre : "J'écris un blog sur ma vie de manière journalière. Si vous voulez apparaître dedans d'une manière ou d'une autre, envoyez-moi un message !". Le pire dans l'histoire, c'est que l'idée est somme toute assez sympathique.
Dernière réflexion de Léandra avant de se quitter (mais pourquoi pense-t-elle à ça maintenant ?) : nous devrions mettre en place des ateliers "causerie". Le concept : quelqu'un invite en soirée une série d'amis (choisis de manière arbitraire) pour discuter d'un sujet donné. Pas de bouffe, juste quelques bouteilles de vin. Aucune volonté de se saouler, le but étant juste de parler posément d'un thème particulier. Chacun recevrait le thème de la soirée une semaine à l'avance. Moi : "Ouais bon, on rajoute quelques bougies et ça fait franc-maçonnerie." – Léandra : "Non, justement, ce qui serait drôle, c'est d'en interdire l'accès aux francs-maçons !". Ah ouais, carrément ! 

Qu'est-ce qu'un fjord ?

"[La Norvège] : pays froid mais gens chaleureux, traversé à la surprise générale par le Gulf Stream... Le Gulf Stream ! [...] Le Gulf Stream, d'où au printemps : lumière, fleurs, arbres fruitiers qui se mirent dans l'eau magique du fjord. Qu'est-ce qu'un fjord en fait ? [...]"

En ce mois de septembre 2011, depuis deux semaines, un très puissant anticyclone recouvre l'ensemble de l'Europe occidentale, s'étendant de la côte atlantique à l'Europe centrale... Cet anticyclone, d'une stabilité record, déterminera le temps en Belgique au moins jusqu'au début du mois d'octobre ! Mais comment un bête anticyclone peut-t-il influencer à ce point le temps qu'il fait chez nous ? Cela revient à se poser une question plus primordiale encore : qu'est-ce qu'un anticyclone ?
 
Un anticyclone est généralement associé à un phénomène de subsidence. Mais qu'est-ce que la subsidence ? La subsidence (à ne pas confondre avec la demande de subsides), en météorologie, est l'affaissement général d'une masse d'air dans une région plus ou moins vaste du Globe. Autrement dit : c'est un déplacement d'air en direction du sol, de haut en bas. Ce déplacement d'air entraîne tout logiquement la création d'une masse d'air plus dense, augmentant ainsi la pression atmosphérique de la région où elle s'applique. Dans le cas d'anticyclones importants (comme celui que nous connaissons actuellement en Europe), l'entièreté de la troposphère (la couche la plus basse de l'atmosphère terrestre, celle qui est en contact avec le sol) est influencée par ce phénomène.
La compression d'air résultant de cette subsidence est dite "adiabatique", dans le sens où il n'y a pas d'échange de chaleur possible entre les différentes couches du système anticyclonique. La compression adiabatique forme ce qu'on appelle une couche d'inversion (ou dans ce cas précis une "inversion de subsidence"), à savoir une sorte de bouclier invisible (ou "chapeau") d'air relativement chaud au-delà duquel l'humidité ne peut s'échapper. Les nuages sont alors limités à la couche la plus inférieure du système, entraînant une accumulation de vapeur d'eau près du sol. La présence de cet air piégé se traduit différemment selon la saison et/ou les conditions du moment. Ainsi, lorsque le sol est froid (en hiver ou bien lors d'un refroidissement nocturne), du brouillard ou des stratus (une sorte de brouillard mais qui ne touche pas le sol) peuvent se former ; lorsque le sol est chaud (en été, principalement), le ciel est soit complètement dégagé, soit rempli de petits nuages non menaçants : les fameux cumulus de beau temps.
Voilà pourquoi il fait beau à Bruxelles cette semaine. La semaine prochaine, nous continuerons cette fascinante découverte du monde de la météorologie en nous focalisant sur... la dépression.

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Ce lundi, je ne fais rien ou presque. Je suis en congé mais je suis malade : état grippal, nez bouché, gorge enrouée... Je me lève à 13h54 et je me rendors vers 19h15. Entre ces deux heures relativement proches, je mange une pizza Wagner (ça ressemble à une pizza Dr. Oetker mais en plus épais et donc en plus moelleux), discute avec Andrew via Facebook, puis écris la journée monotone de ce dimanche en essayant vaguement de trouver quelque chose d'intéressant à raconter (c'est un peu raté). Tout cela est très laborieux : j'ai l'impression d'avoir à nouveau la mononucléose (ce n'est pourtant pas une maladie à récidives), autrement dit qu'une force invisible me pousse à fermer les paupières. Je prends un long bain en écoutant de la musique, après quoi je vais effectivement m'endormir dans mon lit, en me réveillant toutes les trois heures environ, jusqu'au lendemain.