Le train en correspondance de 8 heures 25 que je prends tous les jours à la gare de Liège-Guillemins pour rejoindre mon travail possède une caractéristique assez singulière : au cours des trois derniers mois, je ne l'ai jamais vu à l'heure. Ce n'est pas qu'il est souvent en retard lorsque je dois le prendre, non : il est toujours en retard. Quelquefois, je me dis que la situation pourrait facilement être résolue : étant donné que le train accuse systématiquement un retard de cinq à dix minutes, pourquoi ne pas décaler symétriquement (c'est-à-dire de dix minutes pour être parfaitement à l'aise) son heure d'arrivée sur les panneaux horaires, de manière à ce qu'il soit perçu, la plupart du temps, comme parfaitement à l'heure, voire même en avance ? Évidemment, je ne crois pas une seule seconde qu'une telle rectification soit possible : je me doute bien que la gestion des grilles horaires de l'ensemble d'un réseau ferroviaire s'avère de loin beaucoup plus complexe que l'application d'un simple rectificatif spécifique. — Autre chose : je remarque que ces retards n'ont strictement aucun effet sur mon moral. Tout au plus sont-ils embêtants le matin, socialement parlant du moins, car ils se répercutent à chaque fois sur mon heure d'arrivée au bureau. Quant au train de retour, dans la mesure où je passe la plupart de mes soirées en solitaire à lire, écrire ou (en ce moment, mais c'est bientôt fini) regarder Seinfeld, le fait que je sois chez moi une heure ou deux plus tard n'a aucune conséquence dans la mesure où je peux vivre exactement de la même façon autre part. Le train peut donc être retardé, détourné, supprimé que je n'en ai vraiment, mais alors vraiment rien à battre ! Aux yeux de la SNCB, je suis donc en passe de devenir le navetteur idéal : je ne me plains jamais de ces retards, ces derniers ne me mettent jamais de mauvaise humeur et, mieux encore, ils peuvent même s'avérer très utiles pour, de temps à autre, combler les vides du présent journal.