Comme tous les dimanches, sans raison (ou peut-être parce que je sais que je n'aurai rien d'autre à raconter), je note pour plus tard quelques sujets de conversation. La mémoire (ma mémoire surtout) est ainsi faite : sans note, impossible de retrouver le moindre thème abordé durant une soirée. Par contre, à l'aide de notes lacunaires – quelques rares mots-clés gribouillés ou encodés –, tout un pan de la conversation me revient d'un seul coup. Ça fonctionne de la même façon pour les rêves : il me faut une simple clé d'entrée (une ID, dirait-on dans le monde des bases de données), un mot-souvenir qui, une fois invoqué, éclairera cette minuscule zone de souvenirs située sur la gigantesque face cachée de ma mémoire. Nous n'oublions rien : nous enfouissons, simplement.
Durant la discussion, Andrew mentionne à nouveau la conjecture de Poincaré... Il la remet de temps en temps sur le tapis, celle-là, car c'est passionnant. Passionnant non pas à cause de la conjecture en elle-même (quoique !) mais surtout en raison du mathématicien russe qui en 2002-2003 a démontré son exactitude : Grigori Perelman.
Cette conjecture (une conjecture : une affirmation mathématique qui n'a pas encore été démontrée), formulée pour la première fois par le mathématicien français Henri Poincaré en 1904 (merci Wikipédia), est la suivante : "Soit une variété compacte V simplement connexe, à 3 dimensions, sans bord. Alors V est homéomorphe à une hypersphère de dimension 3". Je n'ai même pas envie de définir le moindre terme de cette conjecture, tant j'ai la trouille de me planter lamentablement la gueule dans ce domaine que je ne maîtrise absolument pas.
Donc Grigori Perelman a démontré la conjecture de Poincaré (qui n'en est plus vraiment une, du coup). En 2006, pour couronner ses travaux, Perelman est nommé lauréat de la médaille Fields, une des plus hautes distinctions dans le domaine des mathématiques, attribuée tous les quatre ans par l'Union mathématique internationale à quelques "jeunes" mathématiciens de moins de quarante ans. Perelman refuse la médaille (c'est le seul à l'avoir déclinée depuis la création du prix, en 1936). Plus fou encore : plus tard, en 2010, le mathématicien refusera le prix Clay. Décerné par le Clay Mathematics Institute, ce prix récompense d'un million de dollars la première personne qui arrivera à démontrer un problème mathématique complexe. Sur une liste de sept problèmes, seule la conjecture de Poincaré a été démontrée et Perelman a donc refusé la récompense. Dans une rarissime interview parue dans le tabloïde Komsomolskaïa Pravda (Комсомо́льская пра́вда), le génie reclus dans un petit appartement de Saint-Petersbourg explique comment il a trouvé la solution de la conjecture (à savoir grâce au fait que dès sa jeunesse, il a essayé de trouver des réponses à des questions complexes, du genre : calculer la vitesse à laquelle aurait dû marcher Jésus Christ sur l'eau afin de ne pas tomber dedans, oui, oui !) et pourquoi il a refusé le prix ("Je sais comment gouverner l'Univers. Pourquoi devrais-je courir après un million ?") : c'est entre autres expliqué ici. Ce gars me fait penser à un autre génie, des échecs cette fois-ci : Bobby Fischer. Un type hors norme, à la logique différente, refusant lui aussi des sommes astronomiques (par simple caprice), annulant des tournois, disparaissant de la circulation... Mais ceci est une autre histoire.
Un peu comme la fantasy, le rock, les bandes dessinées, les jeux vidéo ou encore l'astronomie...
Non ?