Bon Samaritain

Jerry Seinfeld, George Costanza, Elaine Benes et Cosmo Kramer vont-ils mourir dans un crash, piégés à l'intérieur du jet privé qui est censé les emmener à Paris mais qui subit un méchant décrochage alors qu'il survole la côte Est des États-Unis (première partie du double-épisode final de Seinfeld, 1998) ? « Is this it? Is this how it ends? », crie Jerry. « It can't. It can't end like this! » Non, la série ne se terminera pas avec la mort des quatre principaux protagonistes. Dommage : ç'aurait pu être une belle fin malheureuse et bien abrupte, comme je les aime ! — Après quelques longues secondes de panique, les pilotes redressent l'appareil et le posent en douceur dans la localité imaginaire de Latham (Massachusetts) pour une courte escale. Se promenant dans les rues de la petite ville en attendant le redécollage de leur avion, les quatre amis assistent, sans jamais intervenir, à un carjacking à main armée : ils regardent, passifs, un obèse se faire dépouiller de sa voiture et se contentent de lancer de temps à autre des plaisanteries douteuses concernant son poids... Mais l'homme les remarque et signale leur conduite (ou plutôt leur non-conduite) à un agent de police, qui les arrête pour avoir enfreint une loi récemment votée dans le comté, du nom de « Good Samaritan law », selon laquelle le fait d'ignorer une personne en danger est un crime passible d'amende, voire d'emprisonnement. (Ironie de ce show à propos de rien : ils sont arrêtés pour... n'avoir rien fait !) — Alors vient le procès, ce drôle de procès qui clôt les neuf saisons hilarantes d'une des plus célèbres sitcoms de l'histoire des sitcoms américaines... L'idée derrière ce curieux final est facile à comprendre : il s'agit de transformer la toute dernière histoire en un immense et unique retour de flamme : pendant neuf saisons, ces quatre-là se sont souvent comportés comme des salauds sans nullement se faire inquiéter ; ils ont toujours fuit d'une manière ou d'une autre leurs responsabilités ; ils n'ont pas arrêté de mentir, tricher, voler et écraser les autres ; ils se sont comportés en parfaits égoïstes et, à aucun moment, ils n'ont fait preuve de la moindre empathie... Aujourd'hui, ils sont jugés pour un fait qui, en quelque sorte, résume l'ensemble de leur comportement passé. Nombreux sont ceux qui se pressent à leur procès et, dans l'assistance, certains sont là pour les voir tomber. À la barre, les témoins convoqués par l'accusation se succèdent à vive allure : la vieille Mabel Choate, à qui Jerry a volé un pain à l'arraché ; Robin, ancienne petite amie de George, qui a vu ce dernier bousculer et piétiner femmes et enfants pour sortir en premier d'un immeuble en feu ; etc. Finalement, au terme de tous ces témoignages, les quatre seront reconnus coupables par le jury et écoperont d'un an de prison ferme. — Est-ce une bonne sortie pour une série de cette qualité ? Il faudrait, pour répondre à cette question en toute connaissance de cause, que je regarde l'ensemble du show une seconde fois. Une chose est certaine : j'ai détesté ce procédé, hélas par trop fréquent dans les séries à succès, consistant à ressasser d'anciennes scènes tournées des années auparavant en les intercalant dans le fil de l'intrigue sous forme de flashbacks... Un bon scénario ne devrait jamais avoir recours à de pareilles redites ! (Voilà qui est exprimé même si tout le monde, à commencer par moi, s'en balance ! Maintenant, exit Seinfeld !)

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