Références indianesques

Depuis des années, Léandra n'a pas de connexion Internet personnelle chez elle et surfe grâce aux routeurs non sécurisés de ses voisins. Cependant, elle rencontre pour le moment quelques problèmes quant aux Wi-Fi mitoyens. Pour être certaine d'avoir accès à Internet, Léandra doit donc aller le chercher en dehors de son appartement. L'idée de ce dimanche matin est de se connecter gratuitement au réseau de la Maison du Peuple, en ma compagnie. Pas de chance pour elle : le Wi-Fi du café ne fonctionne pas.

Nous décidons donc de nous rendre au Potemkine, où le Wi-Fi est également gratuit. Nous en profitons pour prendre le brunch conséquent que le café propose le dimanche midi. Le Wi-Fi rame ici aussi et Léandra aura beaucoup de mal à faire ce qu'elle voulait faire : télécharger une simple présentation Powerpoint depuis son adresse e-mail. Il n'en faudra pas plus pour qu'elle considère s'être levée du mauvais pied.

Nous sommes dans le large couloir du café, assis sur les confortables fauteuils situés sous l'escalier menant aux coursives et à la salle de cinéma. Quatre enfants, apparemment frères et sœurs, jouent au-dessus et à côté de nous. De temps en temps, leur père vient voir si tout se passe bien, et aussi leur demander de ne pas faire trop de chahut. Les enfants, entre 4 et 8 ans environ, jouent à "Il est amoureux-euh" et n'arrêtent pas de parler de bisous : "Moi, j'ai embrassé deux fois quelqu'un sur la bouche cette année-ci-euh..."


Vers 14 heures, Léandra reçoit un coup de téléphone de sa maman, avec qui elle doit se rendre au Marché de Noël de Bruxelles courant de l'après-midi. Elle quitte donc le Potemkine, où je reste "seul" avec mon PC. Je vais m'installer à l'une des grandes tables près de la baie vitrée, pas loin du piano. Quand je me rends au bar pour commander une bière, le serveur me convainc d'essayer la Mc Chouffe au fût... "C'est pas trop fort, ce truc ?" Réponse du serveur : "Rien n'est jamais trop fort un dimanche !"

Peu de temps après, une famille vient s'installer à ma table, faute de place ailleurs dans la grande salle du café : un gars, fin de quarantaine, sympathique, barbe mal rasée, longs cheveux gris et léger accent allemand ; sa femme, qui parle avec un accent français ; leurs deux filles, dont la plus grande joue avec un sevivon (toupie juive à quatre faces) et voudrait rentrer à la maison "pour jouer à Dofus". Ils me demandent ce que j'écris. Je leur réponds qu'il s'agit d'un blog personnel où je raconte en vrac tout ce qui m'arrive : "Par exemple, il y a des chances que je parle de vous lorsque je décrirai la journée de ce dimanche". L'homme n'est pas très convaincu et m'explique qu'il ne se rend sur des blogs que pour y chercher des informations très précises. Il relève un paradoxe, qu'il explicite plus ou moins de la façon suivante : alors que la communication se développe à grande vitesse sur Internet, les gens se parlent de moins en moins.

Après une petite heure de discussion, durant laquelle j'explique entre autres que je travaille comme historien dans un centre d'histoire ouvrière, j'en sais déjà un peu plus sur eux, sur lui surtout. Le monsieur se fait appeler Léo. Même si ce n'est pas son vrai prénom, il a fini par l'adopter car, ayant beaucoup voyagé (aux États-Unis, en Espagne...), ce surnom est beaucoup plus facile à comprendre que son prénom allemand originel. Il est guide sur un bateau qui arpente les canaux bruxellois à la découverte du patrimoine industriel de la capitale. Il s'intéresse à la lutte contre le rexisme ainsi qu'à la question des partisans et autres résistants durant la Seconde Guerre mondiale. Je finis par lui refiler les coordonnées de mon boulot et il me donne les siennes. Sa femme s'intéresse au syndicalisme, participe à des groupes de discussion sur le fonctionnement de la dette et me conseille l'émission radiophonique Là-bas si j'y suis de Daniel Mermet. Je m'exclame : "Ha ! Oui, oui, Mermet, je connais, évidemment ! Très bonne émission !". Bref, par hasard, je suis tombé sur des gens qui ont beaucoup de points communs avec moi. Ce café, le Potemkine, porte chance.

Avant de partir, une des filles, un peu plus âgée que Gaëlle (dommage que cette dernière ne soit pas là), m'explique comment fonctionne sa toupie, en prononçant chacune des lettres en hébreu : "C'est pour Hanoucca... Regarde, cette face-là, c'est Noun et tu passes ton tour ; là, c'est Shin et tu dois ajouter un bonbon à la cagnotte ; celle-ci, Hei, est pas mal car tu peux prendre la moitié de la mise de bonbons ; mais le mieux, c'est Gimel, car ça te permet de prendre tous les bonbons d'un coup !"

* * *

En soirée, je retourne à la Maison du Peuple. J'écris rapidement la journée de samedi, pour laquelle je suis modérément inspiré. Je prépare le texte d'invitation pour mon anniversaire et celui de Laurence. Cette année, pour changer, nous avons décidé de mutualiser les deux dates et de fêter nos deux anniversaires très rapprochés en commun, à la Porte Noire.
Emily me rejoint vers 19 heures. Walter, qui revient de Namur, nous rejoindra un peu plus tard. Qui a dit que ce dimanche ressemblait aux autres dimanches ?
Emily a passé une partie de son week-end à regarder les trois premiers épisodes d'Indiana Jones. Elle a particulièrement apprécié Indiana Jones and the Last Crusade (normal : c'est de loin le meilleur) et n'a pas encore eu le temps de regarder le quatrième et dernier opus, Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull (pas grave : c'est de loin le plus mauvais). 

Nous parlons un moment des références à cette série dans Les Simpson et South Park. Mention spéciale à l'épisode "Bart's Friend Falls in Love" qui commence par une splendide parodie de Raiders of the Lost Ark, lorsque Bart tente de dérober un bocal de monnaie à son père : une petite merveille de perfectionnisme (voir notamment ce lien pour s'en rendre compte). 

Dans l'épisode de South Park intitulé "Free Hat", les enfants tentent de persuader George Lucas et Steven Spielberg de ne pas remastériser leurs films, en y ajoutant des effets spéciaux superfétatoires... En vidéo, ça donne une scène hilarante, parmi tant d'autres :

22h30 : l'heure de rentrer chez nous afin d'être en forme et heureux demain pour le travail, tout ça, tout ça... Emily me reconduit en voiture, comme d'habitude... Je me demande pourquoi je continue d'écrire ce journal, dans la mesure où rien ne change dans ma vie... Si ça continue, bientôt, je pourrai faire des copier/coller complets de mes journées précédentes.

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