Les arpenteurs du réel. — « Imaginez un univers dans lequel les lois de la physique seraient aussi éphémères que la mode, changeant d'une année à l'autre, d'une semaine à l'autre, et même d'un instant à l'autre. Le moins qu'on puisse dire est que dans un tel monde, en supposant que ces changements ne perturberaient pas les processus élémentaires de la vie, on ne s'ennuierait pas une seule seconde. La moindre action serait une véritable aventure, puisque des variations aléatoires nous empêcheraient d'user de notre expérience du passé pour prévoir l'avenir. » (Brian Greene, L'univers élégant1) Et Greene d'ajouter qu'un tel univers serait évidemment un véritable cauchemar pour tout physicien qui se respecte : sans stabilité, impossible de définir des lois physiques universelles valables en tout temps. (Il se fait que ce n'est pas le cas : l'univers semble jusqu'à présent particulièrement stable et tout porte à croire que ce qui était vrai hier le sera encore demain, du moins en ce qui concerne la physique.) — L'exploitation de cette idée de départ pourrait déboucher sur un roman de science-fiction : l'histoire se déroulerait dans un univers qui n'est pas stable, à l'intérieur duquel les lois physiques n'auraient donc qu'une portée limitée dans le temps. Dans cet univers parallèle, l'humanité serait habituée et adaptée à ces changements soudains. Une branche spéciale de la physique (que l'on pourrait par exemple nommer « arpentage du réel ») aurait pour unique objectif de prévoir, grâce à une série d'observations et de calculs d'une grande complexité, la date et la nature des prochaines mutations de la structure de l'univers. L'étude du passé serait également d'un grand intérêt, car elle permettrait d'établir une chronologie des modifications antérieures, et ainsi de mieux comprendre leur fonctionnement ou leur périodicité : les historiens fouilleraient d'anciennes chroniques à la recherche de mentions, explicites ou implicites, des changements physiques du passé. Historiens de l'art, préhistoriens, archéologues et géologues joueraient un rôle tout aussi important dans la recherche de tels vestiges. Diverses religions se seraient développées, tentant de donner un sens aux structures mouvantes du monde, les intégrant à l'intérieur d'un plan divin. Des philosophes émettraient l'hypothèse que l'univers n'est qu'une simulation informatique à grande échelle et que chaque modification constitue une sorte de « test de paramétrage » effectué par un ou plusieurs concepteurs à une échelle supérieure de réalité. Le récit tournerait autour d'un arpenteur du réel découvrant que le prochain changement pourrait s'avérer très dangereux pour la vie sur Terre (par exemple, la modification pourrait toucher quelque chose d'aussi fondamental que la gravitation ou bien permuter les dimensions, de telle sorte qu'il y aurait trois dimensions temporelles et une seule dimension spatiale). Une nouvelle question verrait le jour : l'humanité peut-elle espérer empêcher un changement de la structure physique de l'univers ? Et si oui, comment ? En définitive, le roman serait le récit de cette recherche, qui mêlerait thriller (car le temps est compté), intrigue politique et religieuse, questions scientifiques, philosophie et histoire. — La trame générale du roman est tracée, il ne reste plus qu'à prendre la plume ! (Un détail que je laisse à d'autres.)
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1 Brian Greene, L'univers élégant, Robert Laffont, 2000, p. 190.