Cadeau de fête des pères I. — « Papa, / Quand je suis dans tes bras, / mon cœur bat tout bas. / Quand tu me fais un bisou, / c'est tout doux. / Quand je suis contre ton cœur, / Je n'ai plus de chagrin. / Tu es aussi mon ami et / je t'aime à l'infini ! » Le tout accompagné d'un dessin me représentant, avec l'éternelle barbe mal rasée, les yeux bleus et tout le toutim !
Cadeau de fête des pères II. — Mais ce n'est pas fini ! Dans l'emballage, m'attend également une kyrielle de coupons agrafés, sur la couverture desquels Gaëlle a écrit, en blanc sur noir : « CADEAUX BOX ». Elle m'explique le principe, qui s'inscrit dans la droite ligne des coffrets Bongo : « Tu déchires le bon, tu me le donnes et je fais ce qui est écrit dessus. » La liste des coupons est la suivante : « Bon pour 1000 bisous », « Bon pour préparer le petit déjeuner », « Bon pour débarrasser la table » (!), « Bon pour faire la vaisselle » (!!), « Bon pour laver la voiture » (!!!), « Bon pour des câlins », « Bon au choix ». L'institutrice a inventé un moyen de faire travailler les enfants sans qu'ils ne s'en plaignent ! Car — chose amusante — Gaëlle est impatiente que je lui donne son premier bon. Ce sera « Bon pour des câlins ». Elle me fait un gros câlin puis me demande : « Pourquoi tu n'as pas choisi le "Bon au choix" ? » (Une des réponses possibles : « J'attends que tu sois dans la capacité intellectuelle d'inventorier un fonds d'archives. »)
Épigraphes. — À la simple relecture des épigraphes de Dune, je me dis que j'ai vraiment eu une chance extraordinaire, adolescent prépubère, d'avoir été formé — éduqué même ! — par un livre pareil. (Quand je pense que j'aurais pu tout aussi bien tomber sur un roman de Didier Van Cauwelaert ou d'Éric-Emmanuel Schmitt, ça me donne des frissons...) De fait, les courtes épigraphes ouvrant chaque chapitre de Dune sont pour moi, encore aujourd'hui, d'une acuité confondante. Exemples : « Il devrait exister une science de la contrariété. Les gens ont besoin d'épreuves difficiles et d'oppression pour développer leurs muscles psychiques. » ; « Arrakis enseigne l'attitude du couteau : couper ce qui est incomplet et dire : "Maintenant c'est complet, car cela s'achève ici." » ; « Mon père me dit une fois que le respect de la vérité est presque le fondement de toute morale. "Rien ne saurait sortir de rien", disait-il. Et cela apparaît certes comme une pensée profonde si l'on conçoit à quel point "la vérité" peut être instable. » ; « Les Fremen avaient au degré suprême cette qualité que les anciens appelaient le "Spannungsbogen" et qui est le délai que l'on s'impose soi-même entre le désir que l'on éprouve pour une chose et le geste que l'on fait pour se l'approprier. » ; « Le concept de progrès agit comme un mécanisme de protection destiné à nous isoler des terreurs de l'avenir. » ; « Le besoin pressant d'un univers logique et cohérent est profondément ancré dans l'inconscient humain. Mais l'univers réel est toujours à un pas au-delà de la logique. » ; « "Contrôlons la monnaie et les alliances. Que la racaille s'amuse du reste." Ainsi dit l'Empereur Padishah. Et il ajoute : "Si vous voulez des profits, il vous faut régner." Il y a une certaine vérité dans ces paroles, mais pour ma part, je me demande : "Où est la racaille et où sont les gouvernés ?" » — « Lire Dune, c'est devenir Fremen », peut-on lire, du moins si mes souvenirs sont bons, dans Le Science-fictionnaire de Stan Barrets... Lire Dune, c'est aussi avoir une chance de me comprendre. (Si c'est l'objectif que vous poursuivez en lisant ce journal — Hamilton ou les grandes espérances ! —, arrêtez sur-le-champ et courez vous procurer ce fantastique roman.)
« Schadenfreude ». — Après le « Spannungsbogen » de Dune, un autre terme à consonance germanique que Lisa popularise dans le troisième épisode de la troisième saison des Simpson (« When Flanders Failed » ; « Le Palais du Gaucher » en français), au moment où Homer semble extrêmement satisfait du malheur et de la ruine financière qui frappent son voisin Ned Flanders. « Schadenfreude », qui n'a pas vraiment d'équivalent en français, est un terme allemand qui signifie « malin plaisir » ou « joie dans le malheur ». C'est, en gros, le fait de se réjouir du malheur d'autrui... Le genre de pensée que nous ne devrions jamais concevoir ! — Mais la vie n'est hélas pas aussi simple.
Beauf en réseau. — T'as beau mettre une énorme couche de vernis (autrement dit de forme littéraire, avec l'une ou l'autre faute d'accord du participe) à ton attitude de gros beauf réac, tu es et resteras un gros beauf réac. Ça te colle à la peau, mon vieux. Alors arrête de te la péter et de distribuer des bons et des mauvais points en te prenant pour le roi du Monde.
Joli pull. — Avant de rejoindre les autres au Parvis, Mary m'offre mon cadeau d'anniversaire (avec exactement cinq mois de retard) : un joli pull du style « marinière ». Plus tard, dans les toilettes du Verschueren, je m'observe quelques secondes dans le miroir vétuste, avec ma tronche ordinaire et mon vieux jeans noir délavé. Je me dis que ce pull est beaucoup trop beau pour moi ; ou plutôt qu'il m'irait bien si et seulement si je me transformais en bobo des Halles Saint-Géry, avec un nouveau pantalon, un beau chapeau, des favoris et un air faussement désabusé. — Jamais je ne changerai à ce point (jamais je ne changerai, point), mais c'est quand même un très joli pull.
Panem etc. — Après ce début de soirée en compagnie de Mary, Coraline, Bob et Jerry, je reviens seul, tel un jokari, un boomerang ou encore un simple élastique, à la Maison du Peuple... Et là — ô stupeur ! — je remarque qu'ils ont installé 2 (deux) écrans géants et un parterre de chaises pour l'Euro 2012. J'arrive au bar, totalement dépité, et je commande un demi de bière (pour me remettre du choc, on va dire) en lâchant un long soupir à la serveuse : « Oh non, ne me dis pas que ça va être comme ça durant tout le championnat ! » Elle me répond, tout aussi dépitée : « Si, si... » « Je déteste le football ! » « Moi aussi ! » — Conclusion : pour elle comme pour moi, c'est une vraie catastrophe !