« This is Stratego: not a place, not a time but a battle of wit and skill and strategy! »
La passion du Stratego
2) Mémoire et repérage : en ayant en mémoire les positions de l'adversaire, il est envisageable de repérer de manière plus ou moins floue l'emplacement des six bombes et du drapeau, car ces pièces ne bougent jamais. Comme souvent au Stratego, une contre-stratégie est également possible : sachant qu'un (bon) adversaire essayera forcément de deviner l'emplacement de ces sept pièces, il peut être intéressant de laisser immobiles en début de partie des pièces comme les démineurs ou les éclaireurs...
Par ailleurs, il existe d'autres configurations repérables chez l'ennemi, en dehors des bombes : le général (ou le colonel) se déplaçant en compagnie de l'espion, ou encore un groupe de quatre pièces d'attaque (c'est la stratégie récurrente de ma maman ! — De l'intérêt de ne pas avoir de stratégie récurrente), groupe qui sera composé, en l'occurrence, d'un éclaireur, d'une pièce "faible" (un sergent ou un lieutenant), d'une pièce médiane voire "forte" (un capitaine, un commandant, voire un colonel) et d'un démineur. Pour connaître la composition approximative d'un tel groupe de pièces, il est nécessaire d'avoir assimilé le mode de fonctionnement de l'adversaire (même si, en principe, un bon joueur ne se présentera jamais contre un même adversaire deux fois de suite de la même manière — sauf s'il est au courant que l'adversaire en question sait qu'il jouera sans doute différemment, auquel cas jouer exactement de la même manière peut être payant).
Ceci n'est qu'un tout petit extrait des raisons qui rendent ce jeu terriblement passionnant. Pour continuer la réflexion, il existe des sites Web beaucoup plus complets que le bref descriptif ci-dessus. J'ai retenu ce site Web (en anglais). Si j'avais le temps, je créerais un blog uniquement dédié à l'histoire et aux stratégies des jeux de plateau... Mais je n'ai pas le temps : faut que j'écrive tous les jours — merde — et je suis déjà en retard ! — Cela n'arriverait peut-être pas, cher Hamilton, si tu n'écrivais pas des tartines sur des jeux dont tout le monde se fout !
Images du Stratego
Un autre aspect intéressant du Stratego est son image évolutive. Quand je joue au Stratego familial (acheté dans les années 1970), me vient directement à l'esprit l'image d'une bataille rangée, typique du XIXe siècle, où les opposants s'affrontent sur un terrain choisi à l'avance. Tout, dans le jeu que j'ai en main, est fait pour évoquer cette image particulière : l'illustration sur la boîte, qui constitue la représentation classique de la bataille napoléonienne avec officiers et aides de camp juchés sur leur colline ; les grades militaires, qui rappellent ceux du XIXe siècle ; le terrain plat "à la Waterloo" ; etc.
Cette image du jeu — ce modèle — se retrouve dans la publicité "Stratego" qui fut diffusée à la télévision dans le courant des années 1980 (voir la vidéo ci-dessous). C'est très mal joué, c'est vieilli, mais le contexte historique est présent : celui des rangs militaires du XIXe siècle. Par contre, l'illustration de la boîte de jeu a changé par rapport à celle des années 1970 : elle est passée d'objective à subjective, c'est-à-dire de la vue extérieure d'officiers sur une colline à celle d'un officier devant le plateau de jeu, prêt à en découdre face à son adversaire. On passe de l'impersonnel au personnel, du "Je gère un champ de bataille vu de haut" au "Je combats un officier de l'armée prusse en personne". — Et sur le plan sociologique, ça veut dire quoi ? Bigre ! Qu'est-ce que j'en sais ?
Plus de vingt ans plus tard, la publicité pour le même jeu donne ceci :
L'image a dû être mise à jour : il faut qu'il y ait beaucoup plus d'action et d'explosions. La bataille rangée, franchement, qui s'en soucie de nos jours ? Alors, on prend une voix off beaucoup plus grave, qui fait comprendre que jouer au Stratego, ça va chier ! Et on rajoute des scènes qui bougent à donf, avec des robots destructeurs, s'il vous plaît. Le but du jeu reste inchangé : capturer ce drapeau à la con (ou capturer toutes les pièces mouvantes de l'ennemi — soyons précis).
Quelle pièce du Stratego suis-je/êtes-vous ?
- La bombe ? Elle est immobile et explose dès qu'une pièce la touche, à l'exception du démineur. Le symbole de la psychorigidité et/ou de l'individu qui ne se laisse "désamorcer" que par un type très particulier de personne.
- L'espion ? Un traître, un faible, mais il représente un paradoxe : celui de la souris qui terrasse l'éléphant (il tue le maréchal). La malhonnêteté incarnée ou bien le renversement de la pyramide.
- L'éclaireur ? Il se déplace vite mais peut être sacrifié. La rapidité associée à la vulnérabilité.
- Le démineur ? Il désamorce les bombes. Le sauveur ou le manipulateur, ou autre chose encore !
- Le sergent ? Un pauvre bougre avec une grosse moustache, qui se fait tuer assez rapidement. Le gars sympa, qui ne sert pas à grand chose et qui ne demande rien en retour.
- Le lieutenant ? Le sous-officier frais émoulu d'une haute école militaire. L'inverse du sergent : une sorte de jeune premier qui croit tout savoir et qui se la pète, mais qui meurt rapidement quand même.
- Le capitaine ? Un monsieur avec un beau chapeau, qui constitue une véritable force au Stratego (foi de joueur invétéré !). L'homme utile, conscient de son rang et de ses faiblesses.
- Le commandant ? Il a un chapeau tarabiscoté et il a une grosse moustache, comme le sergent. L'élitiste sympa ou bien le grand-père de la publicité pour les Werther's Original.
- Le colonel ? C'est celui qui a le plus beau couvre-chef, avec le maréchal. Un chapeau pareil, faudrait être fou pour le refuser. L'élitiste dans toute sa splendeur.
- Le général ? Une pièce unique qui détruit pas mal de chose sur son passage, sauf les bombes et le maréchal. C'est Ludwig Wittgenstein — Mais non !
- Le maréchal ? Celui qui détruit tout. Une némésis.
- Le drapeau ? Le centre de la partie, dont la découverte assure la victoire. La personne vers qui tout le monde se précipite, l'égocentrique.
Qui suis-je ? Une bombe en défense ; un capitaine en attaque (parce qu'il a un très beau chapeau et non parce qu'il est utile). — Hé non, je ne suis pas un sergent ou un commandant ! (Qui a dit ça ?)