Intuitivement, les mathématiques semblent universelles, non pas sur le plan du langage utilisé (qui est purement arbitraire) mais de l'idée sous-jacente que traduit ce langage. Par exemple, la valeur de Pi, c'est-à-dire le rapport entre la circonférence d’un cercle et son diamètre, est immuable. Le nombre 3,1416 est arbitraire dans la mesure où c'est une approximation de Pi exprimée en base 10, qui suit par ailleurs une série de conventions (utilisation de chiffres arabes, d'une virgule comme séparateur décimal...), mais le rapport qu'il exprime, par contre, ne change jamais¹.
A priori, si un hypothétique être extraterrestre avait la capacité d'imaginer le concept de cercle (une courbe plane fermée dont tous les points sont situés à égale distance d'un point), puis de diviser la circonférence de ce cercle par son diamètre – ou, dit autrement et plus basiquement, de calculer combien de fois le diamètre d'un cercle s'inscrit dans sa circonférence –, il tomberait lui aussi sur la même constante. Il "l'exprimerait autrement" (pour autant que ces termes aient un sens pour "lui") mais qu'importe !
D'où l'idée que si l'on voulait dialoguer avec une intelligence douée de raison qui n'a rien en commun avec l'esprit humain, les mathématiques ne seraient pas une trop mauvaise solution. Reste que même en utilisant un exemple très simple (comme compter un nombre restreint de cailloux), un "dialogue" avec une intelligence extérieure à la logique humaine risquerait de poser de nombreux quiproquos (voir ICI – ce blog est vraiment intelligent, plein d'humour, en deux mots : bien foutu !).
Arrachons-nous les cheveux jusqu'au bout : les mathématiques sont-elles réellement universelles ? Sont-elles concevables exactement de la même manière partout dans l'univers ou sont-elles liées à une perception extérieure, à une expérience sensorielle ? Les mathématiques sont-elles propres à l'univers ou au contraire internes à la pensée humaine ? Un cerveau humain (doué de conscience donc) qui serait, depuis la naissance – l'idée est horrible –, sans aucun contact avec le monde extérieur (ni ouïe, ni vue, ni toucher, ni odorat, ni goût) serait-il capable d'imaginer un concept comme la différence qui existe entre 1 et 2 (simple exemple) ? Une vie percevant le monde au travers de perceptions totalement différentes des nôtres pourrait-elle imaginer la valeur de Pi (peu importe le nom qu'on lui donne), en dehors de tout référentiel ? J'ai l'intime conviction (ce qui n'a strictement aucune valeur en soi) que oui. Walter en est beaucoup moins certain.
Emily, quant à elle, pense que la base des mathématiques est faite de postulats (des principes non démontrés) qui, comme dans toutes les autres sciences dites "exactes", sont liés à des perceptions, à des expériences répétables, à l'empirisme ; que la logique n'est pas innée ; qu'on la croit innée parce qu'on baigne dedans depuis la naissance et que c'est notre référence ; que les mathématiques sont universelles en tant que telles mais qu'il faut être doté de sens autres que le "pur esprit" pour s'en rendre compte. Dit autrement, avec mes mots : qu'on ne peut s'extraire du monde, ni faire appel à aucun concept transcendant ou objectif. Je le savais déjà mais c'est passionnant d'en discuter, franchement.
Nous ne sommes pas sortis de l'auberge.
Pour tout dire, nous n'y sommes même pas entrés.
La première personne qui arrive à me retranscrire les paroles exactes de cette chanson gagne un verre en tête à tête avec moi à la Maison du Peuple (oui, je sais, il y a plus palpitant dans la vie !).
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