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Schizophrénie chez Walt Disney (3/4)

Résumé de l'épisode précédent : hier après-midi, nous nous sommes baladés dans Adventureland, une zone du parc Disneyland® qui m'a fortement marqué en raison de ses troublantes similitudes avec le jeu Monkey Island. Après un passage par l'attraction immersive Pirates des Caraïbes et par une montagne russe à la gloire d'Indiana Jones, nous avons testé le Phantom Manor (un petit bijou de technologie et de décors) ainsi que le Space Moutain (une attraction incroyablement géniale). Quant à la soirée, elle s'est terminée dans un des bungalows "à l'américaine" du Davy Crockett Ranch®, autour d'un spaghetti revigorant préparé la veille par Emily.
Petit-déjeuner Disneyland®
[/] Ce matin, mon réveil sonne à 7h28, nouvelle heure d'hiver. Gaëlle, qui dort à côté de moi, est à peine réveillée par la sonnerie. Je passe en vitesse sous la douche que je n'ai pas eu le courage de prendre hier soir et me rends dans la salle à manger du bungalow. Emily, qui était partie chercher le petit-déjeuner à l'entrée de notre îlot résidentiel, ne tarde pas à revenir. J'apprends par la même occasion que la pauvre a dormi dans le froid cette nuit car elle n'a jamais réussi à allumer le chauffage et n'avait qu'une très mince couverture pour se couvrir (pourquoi n'a-t-elle pas réveillé quelqu'un pour trouver une solution ?). Ironie de la situation : ce matin, Walter s'est rendu compte qu'il y avait un quatrième matelas caché sous un des lits de la grande chambre. Damned ! C'est un peu tard pour s'en apercevoir, non ?
[-] "Ils" ne peuvent pas s'en empêcher, ces "Américains" de chez Disney : même leur déjeuner industriel à la con arbore les couleurs de Mickey. Les croissants, le chocolat, le café en poudre sont disposés dans des boîtes en carton estampillées Disneyland®, qui ressemblent comme deux gouttes d'eau (logo excepté) aux boîtes de nourriture de chez Quick ou McDonald's. Un rêve en boîte, voilà ce qu'ils nous proposent encore et toujours, jusqu'à l'indigestion : des parkings standardisés, des boutiques proprettes standardisées, des attractions standardisées, des poupées du monde standardisées, des files d'attente standardisées, des employés au sourire standardisé, des bungalow standardisés, et maintenant des déjeuners standardisés. Le monde de Disney est d'une cohérence rare et c'est ce qui fait sa force. La répétition à outrance du même modèle, du même schéma, de la même structure est une méthode très efficace en matière de propagande : après un certain nombre de répétitions, les barrières critiques s'effondrent, toujours. Certains individus sont simplement beaucoup plus difficiles à convaincre... En ce qui me concerne, je suis très faible : le fabuleux "Tchoutchou" du train d'hier matin a tout de suite eu raison de mes défenses anti-Disney.
[/] Gaëlle émerge dans la salle à manger du bungalow. Elle mange un peu pendant que nous nous apprêtons, rangeons sommairement la salle de séjour ou ramassons nos affaires. L'idée est de ne pas partir trop tard, afin de bénéficier de la possibilité de rentrer avant les simples visiteurs, grâce à notre pass "Hôtel compris". Nous prenons donc la voiture pour arriver un peu après 9h. L'objectif de cette matinée : visiter le second parc, plus récent, dédié au monde du cinéma : le parc Walt Disney Studios®.
L'envers du décor
[*] La conception de ce parc est totalement différente de celle du parc Disneyland®. Ce dernier, visité hier, est du type "Royaume enchanté" : il est conçu de telle manière que, sauf erreur, le visiteur ne voit jamais l'envers du décor ; qu'il ne voit que ce que les imagineers de Disney ont voulu qu'il voit. Dans le parc Walt Disney Studios®, au contraire, tout est mis en scène pour que nous nous rendions compte, sauf exception, que tout n'est qu'un décor. Ainsi la grande allée couverte (le Studio 1) qui donne accès au parc est-elle composée d'une série de magasins et de restaurants aux belles façades, comme dans Main Street, mais dès qu'on entre dans une de ces échoppes, l'envers du décor nous est directement montré : de simples plaques en bois numérotées... De même, la colline d'Hollywood que l'on voit au loin n'est qu'un simple panneau imprimé.
[-] À la sortie du Studio 1, nous sommes accueillis par une statue de Walt Disney accompagné de sa créature (Mickey). Il fait un signe vague de la main, signifiant peut-être quelque chose du genre : "Voici, ô visiteur anonyme, le monde que j'ai créé !" La statue me fait bizarrement penser à Lénine. Durant les dernières années de la vie de Walt Disney (mort en 1966), la propagande était un instrument d'usage courant des deux côtés du Mur. Les modèles de société proposés d'un côté ou de l'autre étaient différents, antagonistes même, mais les moyens était identiques pour susciter l'admiration envers les "grands hommes" et les "grandes idées" : élever des statues, construire des mausolées, répéter sans cesse le même "discours fondateur"...
L'épisode de la Tour de la Terreur
[/] Emily, Walter et moi voulons absolument tester The Twilight Zone Tower of Terror, une attraction à sensations fortes assez récente (ouverte fin 2007) qui propose de prendre place dans un ascenseur d'hôtel devenu fou. Ni Léandra, ni Andrew n'ont l'air particulièrement intéressés. Je leur laisse donc Gaëlle (avec qui ils iront expérimenter le Toy Story Mission Parachute) et me précipite vers l'attraction avec les deux autres.

La statue de Lenine Walt Disney avec la Tower of Terror en arrière-plan, à gauche...
[/] Nous nous installons dans la petite file d'attente qui commence seulement à se constituer devant la fameuse tour. La file avance vite, c'est cool. Trop vite même. Au parlophone, une voix nous apprend que l'attraction rencontre quelques petits problèmes techniques et qu'il va falloir patienter... Emily : "Ha ! C'est faux ! Ils veulent juste nous faire peur en nous faisant croire que l'attraction n'est pas sûre !". Nous restons dans la file, qui avance toujours assez rapidement. Après vingt minutes d'attente, nous entrons à l'intérieur de l'attraction, où un employé déguisé en groom nous apprend que l'attraction a réellement un problème technique et que les techniciens sont obligés de la fermer pour l'instant. Conclusion : cette file d'attente n'existait que parce que ledit employé devait raconter à chacun d'entre nous que l'attraction était fermée. Merde alors ! On nous a eus !
[-] Pour passer le temps en attendant Andrew, Léandra et Gaëlle, j'offre le café à mes deux amis à l'intérieur du Studio 1. Il s'agira à coup sûr du café le plus répugnant que j'ai bu de ma vie. Walter ne le finit même pas et le jette à la poubelle ; Emily se force à le boire ; quant à moi, je rajoute une quantité impressionnante de sucre pour faire passer son goût infecte, mais ça ne fonctionne même pas. Pouah !

[/] Court instant de fou rire avec Walter et Emily, durant lequel nous imaginons un parc à thème entièrement dédié au sexe. C'est Walter qui lance l'idée. Je lui dis : "ce genre de parc doit sûrement déjà exister !" L'air sûr de lui, il me répond : "Non, absolument pas !" Le parc serait constitué selon le même modèle que les Royaumes enchantés de Disney mais à la place du château central, se dresserait un gigantesque phallus, sorte de point de repère général pour les familles groupes... Oui, mais pourquoi donc un phallus et pas un vagin, hein, hein ? Tout simplement parce qu'une vagin, c'est beaucoup moins visible de loin et qu'en plus, on risquerait de tomber dedans (hahaha !). Autour du phallus, on retrouverait différents lands : "Straightland" pour les hétéros, "Gayland" pour les homos ainsi que d'autres zones consacrées à des fantasmes particuliers comme "Fetishland" (simple exemple) ; Main Street serait remplacée par une rue remplie de sex shops et le petit train faisant le tour du parc ne ferait qu'entrer dans des tunnels à l'aspect évocateur ; quant au clou du spectacle, ce serait un feu d'artifice de couleur blanchâtre qui éclaterait juste au dessus du "château" la nuit. (C'était la partie hardcore de mon voyage à Disneyland®. Promis juré, je ne recommencerai plus !)

[/] De nouveau dehors, sur un banc, Walter, très observateur, remarque que la Tower of Terror refonctionne : "Sans doute pour des tests", dit-il. Mais non : une file est en train de se constituer à très grande vitesse en face de l'attraction. Nous nous précipitons donc dans la file. Une chance d'avoir été là à ce moment-là : nous sommes parmi les premiers à pénétrer dans la tour.
[+] La Tower of Terror est encore une attraction de grand malade... Esthétiquement, c'est d'un réalisme et d'un niveau de détail confondant : à l'extérieur, une tour de plus de cinquante mètres de haut, dont le sommet est fortement lézardé ; à l'intérieur, un climat de délabrement qui rappelle le Phantom Manor d'hier soir, avec ses grooms dont le comportement change au fur et à mesure qu'on se rapproche du cœur de l'hôtel. Tout est soigné à l'extrême : avant d'entrer dans l'attraction en tant que telle, nous sommes trimballés dans une sorte de sous-sol fantasmé, fait d'escaliers en fer, de vieux fusibles rouillés et d'énormes machineries. Un détail : une goutte d'eau qui tombe silencieusement dans un seau placé en hauteur (ça n'a aucun intérêt si ce n'est celui de soigner le décor à l'extrême). Techniquement, l'attraction consiste en une chute libre : on nous installe dans un décor de vieil ascenseur. Après être montés de quelques étages, quand la porte de l'ascenseur s'ouvre à nouveau, c'est pour donner sur un couloir d'hôtel menaçant "à la Shining", avec des revenants sous forme d'hologrammes... Puis c'est la chute libre, puis la remontée avec une vue grandiose sur le parc, puis de nouveau la chute libre, etc. C'est définitivement terrible !
[*] Tout comme pour le Phantom Manor, c'est à nouveau Otis, le leader mondial des ascenseurs, qui a conçu la cabine dans laquelle nous prenons place. Autre détail intéressant : l'ascenseur de la Tower of Terror descend plus rapidement qu'une chute libre classique. Autrement dit : l'accélération de la cabine durant sa chute est plus forte qu'une accélération due à la simple gravité. J'ai également appris (à vérifier la prochaine fois) que si on regarde en l'air, on voit le plafond se rapprocher à une vitesse vertigineuse ; et que si on lâche un objet au bon moment durant la chute libre, il restera en apesanteur durant un court instant.

Le Studio Tram Tour

[/] Le temps passe. Nous voulions tester une attraction intitulée le "Rock'n'Roller Coaster avec Aérosmith" grâce à un Fastpass récupéré ce matin, mais nous laissons tomber, faute de temps. À la place, nous faisons le Studio Tram Tour, un train touristique sur roues qui nous promène dans divers décors de film...

[-] Le "wagon" dans lequel nous nous asseyons contient une petite télévision diffusant un reportage dans lequel deux acteurs (un anglophone et une francophone) vantent la "magie" du cinéma et des effets spéciaux. C'est un peu "gnangnan" (surtout pour la francophone) et ça n'apporte pas grand chose à l'attraction. C'est un peu con d'avoir mis autant de moyens dans ce parcours (voir le prochain paragraphe) mais de ne nous diffuser qu'une petite émission ridicule pour toute explication.

[+] Gaëlle adore le Studio Tram Tour. Faut dire que c'est vachement bien fait : le "tram" s'immobilise dans un paysage désolé de canyon, dans lequel trône un gros camion-citerne rouillé ressemblant à celui de Duel de Steven Spielberg. Nous sommes dans la reconstitution d'un tournage avec de gros effets spéciaux. Des parties du canyon explosent dans un souffle enflammé, provoquant une sorte de mini-tremblement de terre qui secoue nos compartiments installés pour l'occasion sur des plaques mobiles. Le grand moment de cette partie de l'attraction est encore à venir : en très peu de temps, un véritable déluge d'eau (265.000 litres selon Wikipédia) s'abat dans le canyon et sur notre véhicule (heureusement couvert). Gaëlle rit aux éclats. Je comprends mieux désormais l'avertissement au début de l'attraction : "Attention : vous risquez d'être éclaboussés". Le véhicule contourne ensuite le canyon et montre l'envers du décor : trois énormes pompes qui amènent de l'eau en très grande quantité sur la scène du "tournage".

[+] La deuxième grande étape, à l'autre bout du circuit, est une reconstitution de la ville de Londres saccagée par un dragon. Ce dernier n'est pas visible : nous voyons (et sentons) juste le feu qu'il crache. Le décor est à nouveau très bien foutu. Un train déraillé en hauteur me rappelle la pochette de l'album Scrabbling at the Lock de The Ex.

[/] Après le Studio Tram Tour, il est midi passé et nous devons retourner dans le parc Disneyland®. Nous avons en effet réservé une table au Blue Lagoon, le "restaurant des Caraïbes", pour le repas de midi. Un bon moment pour faire une pause et marquer la fin de la troisième partie de ce texte (ça diminue !).

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