5. Spasmophilie

5.1. Durant le repas de midi, ma collègue Charlotte, à la suite des questions existentielles du fils de Christiane sur la peau [4.1], oppose la laideur du corps humain à la beauté animale : « Franchement, il n'y a rien de plus moche qu'un être humain... à part peut-être un ver de terre ! » (Celle-là, il fallait que je la note quelque part !)
________________________________________

5.2. Au retour, dans le train entre Liège et Huy, une altercation. Au fond du wagon, un jeune couple ; à trois mètres de là, dans l'avant-dernière rangée, une jeune femme à l'allure gothique. (Hamilton, lui, est assis un peu plus loin et note placidement sur son ordinateur la moindre phrase échangée.)

5.2.1. La jeune femme arrive très fâchée devant le couple et dit à la fille : « T'arrêtes ça, maintenant ! T'arrêtes de mettre du parfum partout et de filmer avec ton smartphone. T'es dans un train public. Y a des gens qui n'ont pas envie que tu les filmes... Tu filmes pas les gens ! Tu filmes PAS les gens ! Et t'arrêtes avec ton parfum !
— Non, mais faut te calmer, hein !
— Non, je ne me calmerai pas. Vous faites chier tout le monde, là. Gamins de merde ! C'est pas notre problème, à nous, si vous n'avez aucune éducation !
— Ça va, c'est bon, elle a compris, elle ne le fera plus, tempère le compagnon. Retournez à votre place, maintenant, s'il vous plaît. »
Mais elle continue sur sa lancée :
« On n'en peut rien si ta mère ne t'a pas élevée...
Quoi ? Mais qu'est-ce que tu dis sur ma mère, toi ? Qu'est-ce que tu en sais ? Mais casse-toi, casse-TOI ! » 
Et elle fond en larmes...
« Pouvez-vous retourner à votre place, maintenant ? redemande le gars très calmement, tout en essayant de consoler sa compagne.
— Je vais m'asseoir... Je vais m'asseoir », assure la dame en levant les mains et en retournant lentement vers son siège tout proche.

5.2.2. La fille n'arrête pas de pleurer et son copain essaie tant bien que mal de la réconforter... Mais ses sanglots se transforment en hoquets, puis en une saloperie de crise d'angoisse. Elle commence à trembler et à respirer profondément, très rapidement, par saccades (elle nous fait une belle grosse crise d'hyperventilation ou je ne m'y connais pas).

5.2.3. Entretemps, je reçois un coup de fil de Zapata, afin de préparer le déménagement de ce samedi. Avant de raccrocher, mon interlocuteur me dit : « Attends, Flippo veut absolument te dire un truc ! » Ha ? Flippo : « J'ai vu un boxeur canadien aux Jeux olympiques hier... Il venait de Trois-Rivières et il avait l'air très sympa ! » (Depuis plus de trois mois, pour une raison inconnue, Flippo tente de me convaincre d'aller visiter Trois-Rivières pendant notre voyage au Québec. Pour le moment, j'ai tenu bon, mais je suppose que je vais finir par céder sous l'énorme pression psychologique.)

5.2.4. Retour à la fille en pleurs... En gare de Huy, elle est toujours en état de choc. L'autre dame, avant de sortir du train, s'avance à nouveau vers elle et revient à la charge, mais de manière presque attendrissante : « Je suis désolée, je suis désolée...
— Allez-vous-en, s'il vous plaît, lui répond le copain. Vous en avez déjà assez fait comme ça ! Elle est en train de faire une crise de spasmophilie...
— Ouais, c'est ça... Une crise de connerie surtout... [!] »
L'autre sort alors de ses gonds.
« Sale pute, je vais te tuer ! Ma mère est morte, elle est morte ! Ma mère est décédée, putain, tu n'as pas à traiter ma maman de cette façon, espèce de sale pute ! Je vais la tuer, JE VAIS LA TUER ! »
Le copain la retient du mieux qu'il peut...
« Ça ne sert à rien, allez, ça ne sert à rien...
— Je m'en fous ! Je vais descendre du train, je vais lui péter sa sale gueule, à cette pute, j'en ai rien à foutre ! »
5.2.5. Plus tard, le gars expliquera, toujours aussi calmement — il ne s'est pas départi de son calme une seule fois — à une dame plus âgée un rien psychologue venue soutenir la fille en pleurs : « Il y a des personnes dans ce monde qui ne se rendent pas du tout compte de ce qu'elles disent... »

5.2.6. Cette mode qui consiste à filmer les gens dans les espaces publics à l'aide de son smartphone est apparemment quelque chose de plus en plus répandu. J'ai tendance à condamner ce type de comportement, mais en même temps, qu'ai-je fait du §5.2.1 au §5.2.5 si ce n'est enregistrer à ma manière des paroles et des actions qui ne me regardaient en rien ? — Le rapport est ténu, mais il y a néanmoins dans les deux cas un petit côté « voyeur » assez désagréable.

Laisser un commentaire