Trois heures du matin et des poussières. Je me réveille sous l'emprise de la chaleur. Pas d'air, juste la moiteur d'une nuit lourde et sans nuage... Impossible de me rendormir... Mes draps sont trempés et je respire difficilement... J'ai sommeil, pourtant ! Pour créer le courant d'air salutaire, je relève mes trois stores et ouvre grand la fenêtre de ma chambre. Une pensée morbide : et si, dans une crise de somnambulisme, je me jetais par la fenêtre, du haut de mon quatrième étage ? — Qu'à cela ne tienne : grâce au stratagème de la fenêtre béante et au courant d'air ainsi créé, j'arrive à me rendormir pour quelques heures.
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Au boulot, l'après-midi. — Alors que le continent américain se réveille en douceur, je reçois l'une après l'autre les réponses (positives) à mes demandes d'hébergement en auberge de jeunesse. Auberge alternative de Montréal : OK. Auberge internationale de Trois-Rivières (là où les magnifiques courbes du Saint-Maurice rejoignent le puissant Saint-Laurent, devant lequel le Grand Amazone lui-même s'avoue vaincu) : OK. Auberge internationale de Québec : OK. Auberge de jeunesse de Tadoussac : OK, mais les réservations ne se font que par téléphone. Auberge festive « Sea Shack » en Gaspésie : on s'en fout, on n'y va pas.
Pour être définitivement tranquille avec ces bêtes histoires de réservations, je prends mon courage à deux mains et téléphone outre-Atlantique, à la fameuse Auberge de Tadoussac, à l'aide de mon petit téléphone portable tout pourri. Lors du dernier voyage, je les avais joints depuis une des cabines téléphoniques de l'Auberge internationale de Québec et j'avais eu le plus grand mal à comprendre les questions que la demoiselle de l'accueil me posait. — C'était du français, mais les accents toniques étaient tellement déplacés par rapport au français de Belgique ou de France que l'ensemble était très difficile à suivre. (Je suppose que le même problème se posait à mon interlocutrice, à l'autre bout du fil.)
(Pour se rendre compte de la différence, une anecdote : lors de notre dernier voyage au Québec, plusieurs habitants n'ont pas fait la différence entre l'accent de Flippo, le mien et celui de deux Toulousains à la voix chantante rencontrés sur la route !)
Aujourd'hui, même problème... Un gars décroche avec un très fort accent québécois. Je sais qu'il vient de me dire quelque chose comme : « Auberge de Tadoussac, bonjour ! », mais je le devine plus que je ne le comprends. Je ne fais cependant pas la même erreur que la dernière fois et ne lance donc pas : « Allo ? Suis-je bien à l'Auberge de jeunesse de Tadoussac ? » mais plutôt : « Oui, bonjour, ce serait pour réserver deux lits dans votre auberge pour le mois de septembre... » Gros blanc puis : « Oui... » (Haha, je crois qu'il lui a fallu, tout comme moi, un certain temps pour comprendre la demande !) Il me dit de patienter et me met en attente. Dix bonnes minutes passent... Bonjour la facture de téléphone, mais je m'en fous ! Je poireaute, je poireaute et je finis par penser qu'il est parti rameuter tout le monde : « Hé ho, lo gars, v'nez donc écouter c'te drôle d'accint ! C't'in Belge ou in Frinçais, n'sais po trô ! », mais je me fais sans doute un film, comme d'habitude.
Il finit par reprendre le combiné et me demande mon prénom, mon nom et le numéro de ma carte de crédit. Il m'explique que si nous voulons aller observer les baleines, nous aurons un prix plus favorable en tant que clients de l'Auberge. Je lui réponds : « Oui, oui, on connaît ! Nous sommes déjà venus chez vous ! Nous avons même fait la balade aux castors avec Coco ! » Il raccroche, je raccroche. Je crois que nous avons réussi à communiquer et qu'il a bien réservé deux lits simples pour quatre jours. Je serai néanmoins beaucoup plus rassuré une fois sur place, en voyant mon nom sur le registre des arrivées.
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Ce ne sont plus les trompettes mais les grandes orgues que j'entends désormais ! — Diantre, je suis à l'avance sur mon blog ! Je suis à l'avance sur mon blog ! J'ai couru, couru pendant toutes ces années pour réaliser en fin de compte que l'origine de ma course était... moi-même ! Un homme doit faire ce qu'un homme doit faire et il n'y a aucune raison de courir sans cesse. Maintenant, je dois me retourner. Je dois me battre. Et surtout je dois marcher droit !
« Now wait there stranger! A man can run and run for year after year until he realizes that what he's running from is... hisself ! A man's gotta do what a man's gotta do, and there ain't no sense in runnin'. Now you gotta turn, and you gotta fight, and you gotta hold your head up high. Now you go back in, my son, and be a man: walk tall! » (Monty Python Flying Circus, « The Cowboy Interlude ».)