Le wagon de la fête perpétuelle

Rêve pittoresque. — Il fait nuit. Je cours sur une route de campagne à flanc de colline en compagnie de Mary. La route forme une côte sinueuse mal éclairée parsemée de temps à autre de petits bosquets. Sur notre gauche, une ligne de chemin de fer qui suit du mieux qu'elle peut les circonvolutions de la route.

À plusieurs reprises, des voitures arrivent à contresens et leurs phares nous éblouissent. À chaque fois, Mary me prend par la main, m'entraîne rapidement vers un des bas-côtés pour ne pas que je sois percuté de plein fouet par la voiture. 
Un peu plus tard, alors que nous continuons à courir vers le sommet, un très petit wagon éclairé par de nombreux lampions passe à vive allure sur notre gauche (une sorte de phare éblouissant dans la nuit noire). À l'intérieur du wagon et sur son toit, des jeunes gens font la fête, tenant un verre à la main, chantant, vociférant... Ils nous font de grands signes et nous hurlent, tout sourire : « Attention ! Nous allons vous écraseeeer ! Hahahaaa ! » Le train est rapidement loin derrière nous. Les lumières de la fête ferroviaire s'estompent jusqu'à ne plus être qu'une petite étoile scintillante à l'horizon. Dans le silence retrouvé, je dis à Mary : « Ils sont très bêtes... Ils auraient dû comprendre qu'ils ne pouvaient pas nous écraser car nous ne sommes pas sur leurs rails. » Mary reste muette, me prend par la main et nous continuons à courir ensemble sur le chemin pentu...  
C'est à coup sûr un des plus beaux rêves dont je me souvienne. Difficile de rendre à sa juste valeur l'ambiance « goethienne », nocturne, presque féérique, qui se dégageait de tout cela. D'un côté le calme intimiste de la nuit ; de l'autre l'urgence, la rapidité des véhicules. Et sur le plan symbolique, il y aurait sans doute moyen d'écrire un roman (idée des jeunes qui s'amusent sur une voie parallèle mais qui ne nous atteignent pas ; course d'obstacles, ascendante et sinueuse ; etc.) 
Avis aux resquilleurs de la STIB. — Resquillez si ça vous amuse (ce ne sont pas mes oignons), mais par pitié ne me collez pas en douce pour passer le portail en même temps que moi ! Je déteste que vous me colliez (je déteste que l'on me colle tout court, d'ailleurs), d'autant plus que nous n'avons pas gardé les cochons ensemble, n'est-ce pas ? Un de ces jours durant lesquels je serai mal tourné et n'aurai nulle envie d'être emmerdé par qui que ce soit, je finirai par m'énerver, vraiment... (Ouhouhou, Hamilton va s'énerver, on est mort de trouille !)
Soirée nomade. — Léandra est déjà revenue de Budapest. En cette fin d'après-midi, Jonas et elle, de retour de la Zinneke Parade, me rejoignent à la... Maison du Peuple, oui, oui ! Nous passerons la soirée à changer d'endroit : de mon « quartier général » au Bar du Matin ; de ce dernier à la Fleur en Papier doré en passant par une courte marche au milieu de l'avenue des Villas à Forest... Les oiseaux chantent, le soleil brille, Jonas est fatigué.

À la Maison du Peuple : du Queen, de l'Europe et du Van Halen comme fond musical. Tout ce que je déteste ! Du rock spectacle, des couillons de guitar heroes qui font les malins en masturbant leur instrument de musique. La sobriété, l'humilité, l'intimité, savent-ils seulement ce que cela signifie, ces showmen de pacotille à l'égo surdimensionné ? Jonas n'est pas d'accord avec moi. Il ne voit pas la ressemblance (pourtant frappante) entre Queen et Van Halen et considère par exemple le synthétiseur ridicule (il faut bien dire ce qui est) qui ponctue les morceaux de ce deuxième groupe comme étant ni plus ni moins l'équivalent au clavier des riffs de guitare déchaînés d'Eddie. Mais non ! Irmin Schmidt jouant du synthétiseur (je me répète) ou les ondes Martenot utilisées dans certains morceaux de Radiohead, voilà qui a de la gueule !

Léandra raconte une histoire marrante, si je puis dire, qui s'est déroulée dans les thermes de Budapest. Elle et sa maman sont repérées par une touriste française qui s'ennuie (son mari est dans une autre partie des bains, réservée aux hommes). La dame commence à vanter les bienfaits de la société hongroise en ces termes* : « Ici, ce n'est pas comme en France : les gens sont adorables et il n'y a pas beaucoup d'étrangers ! » Léandra m'explique : « Pour cette dame, le mot "étranger" renvoie directement aux Maghrébins. Elle vit dans le fantasme selon lequel la présence des "Arabes" en France est toujours équivalente à une diminution générale de la qualité de vie. » Un peu plus tard, la même dame chantera les louanges des musées français : « Nous avons les plus beaux musées du Monde ! » C'est vrai que le Metropolitan à New York ou l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, c'est de la merde en barre à côté des grandioses musées du Royaume de France !

Jonas mentionne l'émission Mauvais Genres du 5 mai dernier consacrée aux écofictions et aux discours de fins du monde. Les invités y ont notamment parlé de Jules Verne et rapproché l'œuvre de celui-ci d'une certaine conception de la finitude du Monde : chaque roman de Verne explore un endroit particulier, considéré d'abord comme mystérieux et inconnu mais qui devient par la suite entièrement appréhendé, cadré, compris, fini (les profondeurs sous-marines, la Lune, etc.)... Jules Verne serait-il un maniaque du contrôle et de la connaissance universelle ? — Assez curieusement, Léandra compare cette idée de finitude à la série Martine de Marcel Marlier et Gilbert Delahaye. Car Martine aussi explore chaque endroit de son monde une seule fois : la mer, la montagne, les profondeurs glacées de la Nébuleuse d'Orion (euh... non, je confonds sans doute avec une autre œuvre de fiction). —  La réflexion de Léandra tient la route, tout compte fait ! Et moi qui croyais dur comme fer que cette série n'était qu'un prétexte pour dessiner des fillettes en petite culotte, voilà que je me rends compte très tardivement qu'il s'agit aussi d'une réflexion de grande ampleur sur la conquête de la connaissance absolue !
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* Jeu de mots pourri.

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