UGC Toison d'Or, vers sept heures du soir. Lorsque je les rejoins, Léandra et Andrew sont au milieu d'une gigantesque file qui se prolonge jusque sur l'avenue. Impossible d'obtenir une place pour la présente séance : nous décidons donc de prendre les tickets de la plage horaire suivante et d'aller patienter au Bar Parallèle, place Fernand Cocq. Je viens de manger, mais je ne peux m'empêcher de prendre une grosse portion de fromage et de salami que je n'arriverai pas à finir ; je ne « bois plus », mais j'opte quand même pour trois Orval qui me taperont sur la tête. — Pfff... Envie de décompresser.
Deux heures plus tard, nous sommes de retour à l'UGC afin de voir Argo, film réalisé par le morne Ben Affleck, mettant en scène un épisode particulier de la prise d'otages de l'ambassade américaine à Téhéran lors des débuts de la République islamique d'Iran : l'exfiltration de six diplomates américains réfugiés à l'intérieur de l'ambassade du Canada. L'évacuation réussit malgré un plan particulièrement osé : faire passer les six diplomates pour une équipe de cinéma canadienne en repérage à l'occasion du tournage d'un film de science-fiction.
La salle est comble et le public balance entre les rires et les « Oh ! » de surprise. À la toute fin du film, après que l'avion a quitté l'espace iranien, que tout le monde est sain et sauf et que les gentils reçoivent une jolie médaille, démarrent les applaudissements. Je hais les applaudissements, surtout au cinéma. Qu'importe ! J'ai passé un agréable moment, sans savoir si j'ai eu droit à un bon film ou à une daube — mais je m'en fous (ce n'est pas comme si j'allais au cinéma pour voir le dernier film avant-gardiste du moment).
À la sortie, je me retrouve, avec Andrew mais sans Léandra, au Trappiste d'à côté. Je fais une tête de déterré (les week-ends ne me réussissent pas). Discussion sur les foules en colère, comme celles vues dans le film. Toutes les foules en colère du monde se ressemblent, et elles font peur ; dans une foule en colère, l'individu s'efface : ce genre de réflexions-là... Est-ce vrai ? Toujours est-il que j'exprime mes deux vieilles terreurs : être confronté, en tant qu'individu, à une foule irraisonnée et — bien pire ! — me fondre moi-même dans une foule jusqu'à en perdre toute conscience individuelle.
Après une recherche de l'arrêt Noctis commun, qui n'existe sans doute pas dans ce quartier de la ville, nous attendons le bus chacun de notre côté. Apparemment, Andrew attendra aussi longtemps que moi !