De retour du boulot, en soirée, je passe par le Parvis de Saint-Gilles pour retirer de l'argent. Je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Je fais donc un crochet par la Maison du Peuple, entièrement comble. Je me fraie un chemin à travers le café, non pour m'y installer mais pour vérifier qu'Emily ne s'est pas cachée dans un des recoins de la salle avec son PC. Elle n'y est pas, évidemment. Je fuis cet endroit trop bruyant pour moi et marche jusqu'au Potemkine.
Au Potemkine, je dépose mon sac et mon manteau à l'une des tables encore libres avant de me rendre au bar pour commander une Maredsous. Je n'ai prévu de voir personne aujourd'hui et compte bien écrire ma journée de mercredi, au moins. Je regarde un peu autour de moi, observe le public au bar et — je ne sais quand ni comment exactement — je tombe sur un visage familier. Je la reconnais, elle me reconnaît. Et je lui dis, à un mètre de distance environ : "Claire ?" Elle commande des boissons et je comprends quelques secondes plus tard, lorsque le serveur me demande ce que je veux, qu'elle me paie un verre...
Voilà : ce n'était pas prévu mais ça devait arriver un jour. Claire est "l'inconnue" qui lit mon blog depuis un certain temps et qui est "sortie de l'anonymat" peu de temps après la fameuse (ou pas) "Journée dont vous êtes le héros #1". Vu que nous sommes amis sur Facebook, je connaissais son visage et elle connaissait le mien. Donc à la question : "est-il possible de reconnaître quelqu'un sur base de quelques photos Facebook ?", la réponse est positive. Tu en doutais, Hamilton ?
Claire est déjà installée à une table en compagnie d'une bande d'amis. Elle me propose de m'installer avec eux, ce que j'accepte évidemment (l'écriture du blog attendra). Je suis un peu gêné de rencontrer une série d'inconnus d'un seul coup, mais je gère plus ou moins (je crois ne pas avoir paru trop bizarre). La majorité de la tablée est composée de Français. Il y a là notamment un ingénieur qui travaille dans l'aérospatiale, plus particulièrement sur un des composants — des vérins, pour être précis — du tout nouveau lanceur Vega de l'Agence spatiale européenne (ESA) ; un autre qui bosse pour Médecins sans frontières... J'essaie de retenir les prénoms de tout le monde mais ce n'est pas évident (il y a là une dizaine de personnes et j'ai du mal avec les prénoms).
Une question d'un des participants à la soirée : "Et vous vous connaissez comment, en fait ?" L'explication donne plus ou moins ceci : Claire connaissait le blog (très éphémère) de Vincent, dans lequel se trouvait un lien vers le blog (moins éphémère mais pas très pérenne) de Léandra, dans lequel se trouvait forcément un lien vers mon blog. Vincent et Léandra ont abandonné leur blog-journal. Pas moi... Et donc Claire a continué de me suivre. (Je me souviens d'une remarque dudit Vincent, lorsque je lui ai expliqué à la Maison du Peuple — hé oui, encore ! — que j'écrivais ce journal pour moi-même, sans attendre particulièrement qu'on me lise : "C'est sans doute ce genre de projet qui a le plus de chance de perdurer", m'a-t-il dit alors [c'était le 11 septembre 2011]. Et il avait raison sur ce point !)
Chaque demi-heure environ, certain(e)s s'en vont pour fumer une cigarette dehors. Il fait -12° Celcius, sans compter le vent. Voici, dans toute sa splendeur grisâtre, le véritable pouvoir de la nicotine. Au-delà de ces considérations tabagiques, la tablée fonctionne sur le mode de la tournée. Ça carbure principalement à la bière (la... hum... Volga). Je veux payer une tournée à un moment mais une des dames de l'assistance vient jusqu'au bar pour me dire que c'est à elle de payer et qu'il est hors de question que je débourse le moindre centime : "Je me fais servir des bières comme une princesse depuis le début de la soirée et ce n'est pas dans mon habitude." Soit. Je ne dis rien mais c'est la même chose pour moi, sauf — précision importante — que je ne suis pas une princesse.
Je sors du café vers 23 heures avec Claire et un de ses amis. Nous retournons vers la bouche de métro toute proche. Il fait glacial. Les deux s'en vont happer leur métro tandis que je m'en vais récupérer mon tram.