Archives mensuelles : mars 2013

Vertus du rien

(Absence de) foie de canard. — À la pause café de ce matin, une discussion sur l'homéopathie. Ce qui m'impressionne le plus dans ces conversations sur les vertus du rien durant lesquelles j'ai à chaque fois le plus grand mal à garder mon sang-froid (mais je me soigne), c'est cette croyance selon laquelle l'homéopathie est synonyme de médecine par les plantes, de phytothérapie, alors que ce n'est pas du tout ce qui la caractérise. Ils prennent leur petite granule sans connaître — ou en connaissant mal — les principes sur lesquels repose ce charlatanisme médical.
« Si tu es grippé, tu devrais prendre de l'Oscillococcinum®, comme Wynka ! s'exclame Sylvette avec le sourire.
— Ben voyons !
— Du foie de canard, déclare Charlotte.
— Hein ?
— L'Oscillococcinum® est un produit à base de foie de canard.
— Tu rigoles ? lâche Lodewijk.
— D'un autre côté, ce n'est pas si grave, vu qu'il n'y a plus de foie de canard dans la solution finale ! »

Digression. — Au cœur de l'homéopathie se trouve le principe de similitude, la croyance que l'on peut guérir un malade en lui faisant ingurgiter une substance, d'origine végétale, minérale ou animale, qui provoque sur un organisme sain des effets similaires à sa maladie (d'où le préfixe homéo). À ce premier principe s'ajoute celui de dynamisation : vu que l'homéopathie joue avec des produits nocifs pour la santé humaine, il faut les diluer pour en supprimer la toxicité, tout en essayant d'en garder une trace. Il existe deux grandes méthodes de dynamisation utilisées aujourd'hui par les laboratoires homéopathiques (comme Boiron) : la première consiste à verser une certaine proportion de la substance active (la « teinture-mère ») dans un flacon de solvant, puis à vigoureusement secouer ledit flacon, puis à renouveler l'opération plusieurs fois, c'est-à-dire : prélever une partie de ce qui vient d'être secoué et la diluer à nouveau dans du solvant, secouer, etc. Ce type de dilution se compte souvent en CH (pour « centésimale hahnemannienne »)‎, 1 CH équivalant à une goutte de substance active pour 99 gouttes de solvant, soit 1% de substance active, 2 CH à 0,01% de substance active, 30 CH à... du solvant sans substance active (voir ici). La seconde méthode est appelée méthode Korsakov ou encore méthode « Pourquoi s'emmerder à utiliser plusieurs flacons et à compter les gouttes pour fabriquer du rien ? » : plutôt que de prendre une goutte du flacon secoué et de la diluer dans un autre flacon, on vide ce flacon avant de le remplir de solvant (!), ce qui équivaudrait grosso modo à garder un centième de la substance. Ensuite on réitère l'opération un certain nombre de fois. Enfin, reste le principe d'individualisation (ou d'adaptation), qui stipule que chaque malade est unique et qu'il faut adapter le traitement en prenant en compte tout son environnement, ses symptômes, son vécu, etc. Les patients ne peuvent pas prendre du rien tout seul, non, non, non : ils doivent d'abord consulter un homéopathe qui, après une longue discussion, leur dira quel rien ils doivent avaler.

« Que contient Oscillococcinum® ? », peut-on lire sur le site Web suisse de la firme Boiron, « 1 dose contient 1 g de globules de Anas Barbariae, Hepatis et Cordis extractum 200 K. » En oubliant le jargon, cela signifie qu'une dose d'Oscillococcinum® contient du foie et du cœur de canard de barbarie dynamisé à 200 K, selon la méthode Korsakov donc, autrement dit qu'on a dilué une part de cette curieuse solution de départ dans 99 parts de solvant (de l'eau distillée), puis qu'on a secoué l'ensemble, qu'on a vidé le flacon avant de le remplir à nouveau de solvant, etc., jusqu'à la 200e fois.

À lire sur l'Oscillococcinum® : un article sceptique, qui se termine par une citation très comique provenant du Guide Giroud-Hagège de tous les médicaments : « Nous conseillons de remplacer ce produit par un confit de canard, aussi efficace contre la grippe, et nous prions les laboratoires Boiron de ne plus embêter les canards. » (Voir aussi, sur le même site : « Les différentes lois des marchands d'attrape-nigaud », très instructif pour aiguiser son regard critique face à la commercialisation du n'importe quoi.)

Homeopathic A&E. Lorsqu'ils me parlent de magnétisme, d'homéopathie ou encore de médecines parallèles « qui marchent tu sais, la science occidentale n'a pas le dernier mot en matière de guérison », j'ai à chaque fois en tête ce sketch de Mitchell et Webb, ces deux humoristes britanniques qui passent une partie de leur temps à démystifier un tas de sujets : et si un service d'urgences ne fonctionnait qu'en proposant aux blessés graves des techniques issues des médecines parallèles ? Je n'ai pas trouvé la version sous-titrée mais la transcription (en anglais) se trouve ici (les acteurs parlant avec un débit presque aussi véloce que celui d'Amy, cette transcription s'avérera peut-être nécessaire à certains moments).

« Parfait. Est-ce que quelqu'un sait quel type de voiture l'a heurté ? demande l'urgentiste homéopathe.
— Une Ford Mondeo bleue apparemment, répond l'infirmière.
— Bien. Trouvez-moi un petit morceau de Ford Mondeo bleue, mettez-le dans de l'eau, secouez, diluez-le, secouez, diluez-le à nouveau, puis diluez-le encore un peu plus... Ensuite, mettez trois gouttes de ce produit sur sa langue. Si ce remède ne le soigne pas, alors je ne sais pas ce qui pourra le soigner ! »

Larmes. Gaëlle me téléphone alors que je suis dans le train Liège-Bruxelles : « Je pleurais dans la cour de récréation tout à l'heure et Margot m'a demandé pourquoi. Je lui ai dit que c'était parce que tu me manquais ! » Gros silence, puis : « Tu sais que dans le nouveau jeu Pokémon que tu m'as acheté, il y aussi moyen d'avoir accès à des Pokémons noirs ? »

Grippé

Antisévérité. — Lorsque j'annonce à Gaëlle qu'elle va retourner dans le giron de sa mère dans deux heures environ, elle perd son sourire : « Deux heures ? Mais c'est beaucoup trop peu ! » Débute alors la ribambelle assez poignante des déclarations de pur désespoir : « Je ne veux pas retourner chez maman ! Ça n'a rien à voir avec la Nintendo DS, tu sais : c'est parce que je ne veux pas te quitter ! » ; « En fait, je crois que je suis un peu amoureuse de toi ! » ; « Ici, je peux faire ce que je veux... Tu es beaucoup moins sévère ! » — Cette dernière déclaration est sans doute particulièrement vraie ; elle s'explique, mais pas seulement, par le fait que je ne garde ma fille qu'en dehors des jours d'école, et qu'il est évidemment plus facile d'être moins sévère sans avoir au-dessus de la tête les sempiternelles contraintes de la semaine. Il y a autre chose néanmoins : Gaëlle a sept ans, elle est intelligente et possède un sens moral très développé ; plus besoin de la cadenasser à l'aide de règles rigides et ridicules, très difficiles à justifier si ce n'est par le mensonge, la malhonnêteté ou la mauvaise foi. Elle veut jouer à un jeu vidéo : pourquoi ne pourrait-elle pas jouer à un jeu vidéo ? Elle a envie d'inventer des histoires de Pokémons dans sa chambre avant de s'endormir : pourquoi ne pourrait-elle pas se les inventer et aller dormir quand elle en ressent le besoin ? Les réponses que l'on peut apporter contre cette façon débonnaire de voir l'enfance (« Parce que c'est comme ça que la société fonctionne », « Parce qu'il y a des règles », « Parce que c'est un enfant et qu'elle doit obéir ») ne me satisferont jamais. Durant cette période très particulière de la vie, la plus créative et la plus décisive d'entre toutes, on ne peut construire de hautes tours si l'on est entouré d'engins de siège (analogie foireuse : la grippe, sans doute). Les conditions imposées au corps et à l'esprit dès le plus jeune âge devront forcément se désapprendre un jour ou l'autre, à l'âge adulte : mieux vaut donc que ma fille ne les apprenne pas du tout, ou en tout cas le moins possible.

Grippé. — En soirée, impossible de me concentrer. Toutes les phrases que j'ai écrites sur Chávez me paraissent vaines — et partiales, aussi ! Impossible de rédiger quoi que ce soit. Et tout ce retard à nouveau accumulé dans mon journal, quelle tristesse ! Tout est vain, triste, vain... Pourquoi ai-je si difficile à avancer aujourd'hui ? La réponse arrivera au beau milieu de la nuit : eh bien, il fallait que ça arrive... Je suis grippé !
tardigrade

Le tardigrade

Le tardigrade, I. — Le tardigrade, ou ourson d'eau, est tout de même assez petit : sa taille fluctue à peu près entre un dixième de millimètre et un millimètre et demi. Mais qu'importe la taille : le tardigrade est un animal fantastique, peut-être même plus fantastique encore que le poulpe, l'araignée ou le paresseux. Les prouesses actuelles des microscopes électroniques permettent de l'observer sous toutes ses facettes, avec une multitude de détails fascinants. — C'est la fameuse page de la NASA « Astronomy Picture of the Day », « APOD » pour les intimes, qui m'a donné l'occasion de découvrir cette photographie d'une extraordinaire précision, aux couleurs rehaussées : celle d'un ourson d'eau au milieu de cette mousse qu'il affectionne tant. Cette photo — c'est Doëlle qui va être contente ! — n'est qu'un exemple parmi des dizaines d'autres tout aussi fabuleux, consultables sur ce site ou bien sur celui-ci (ce dernier ayant l'avantage de proposer de très gros plans de chaque partie de l'animal).

Est-ce un alien ? Est-ce un sac d'aspirateur ? Non, c'est un tardigrade !

Le tardigrade, II. — Si la NASA et d'autres agences spatiales s'intéressent au métabolisme de cette curieuse petite bestiole, c'est notamment parce que celle-ci se révèle extrêmement robuste et dispose d'une faculté assez unique appelée « cryptobiose » qui lui permet, à la rencontre d'un milieu hostile, d'entrer dans une sorte de mort presque totale (pour autant que cette expression ait un sens). Le tardigrade est un animal de l'extrême, à tel point qu'Ingemar Jönsson, chercheur à l'Université de Kristianstad en Suède, a lancé en collaboration avec l'ESA le projet TARDIS, pour « TARDigrades In Space » (Jönsson est-il un fan de Doctor Who ?) : le 14 septembre 2007, quelques-uns de ces aspirateurs de poche ont été embarqués à bord du module spatial russe FOTON M-3 pour une expérience en orbite. Celle-ci avait pour objectif d'étudier comment ces animaux réagiraient « à l'impact potentiellement très contraignant des paramètres spatiaux », ces organismes extrêmement résistants constituant une « importante source de savoir quant à la production des écosystèmes nécessaires à l'établissement durable de l'humanité dans l'espace, tel qu'il est aujourd'hui envisagé. » De retour sur Terre, plus de la moitié des tardigrades ont survécu au vide spatial. — À la lecture de cet épisode, je ne peux m'empêcher de penser à ce vieux thème de science-fiction qu'est la panthropie, que je mentionnais déjà dans le second paragraphe de la deuxième partie de cet article : dans l'éventualité où l'humanité devrait survivre loin de la Terre, dans le « Grand Extérieur » pour citer Cordwainer Smith, ne serait-il pas préférable qu'elle s'acclimate directement aux sévères conditions de l'espace plutôt qu'elle ne transforme cet espace à sa condition ?

Le tardigrade, III. — « C'est quoi, ça ?
— Ça, Gaëlle, c'est un tardigrade !
— C'est quoi, un tardigrade ?
— C'est un très petit animal qui vit dans plein d'endroits différents.
— On dirait un sac !
— Oui, un sac d'aspirateur plus exactement ! »

Découverte. — « Papa, je peux jouer à Warcraft ?
— Attends un peu Gaëlle, je suis en train d'écrire !
— D'écrire ? Mais qu'est-ce que tu écris ?  »
Je lui explique le principe de ce journal, puis mets en valeur quelques fragments choisis : ceux dans lesquels elle est citée. Ma fille est amusée et glousse même par moment. Je lui lis le premier paragraphe de la journée du 27 janvier 2013 : « Lucas était puni ce vendredi. Il était dans le coin et ne pouvait pas bouger. Il m'a posé cette question : "Qu'est-ce qu'on peut faire quand il n'y a rien à faire ?" » Gaëlle s'insurge : « Mais Lucas n'était pas du tout puni ! Il pleurait dans son coin, c'est tout ! Tu comprends tout de travers !... Dis Papa, je peux jouer à Warcraft, maintenant ? »

Le paresseux

Au « Flandre ». — Un début d'après-midi avec Gaëlle à la brasserie « Le Flandre », devant la gare de Namur. Ma fille retrouve sa Nintendo 3DS et « discute avec les Pokémons » pendant qu'un vieux monsieur assis à la table d'à côté me parle des nouvelles technologies auxquelles il ne comprend rien, de ses quatre petits-enfants, des chauffeurs de bus qui klaxonnent trop fort et des piétons qui traversent les routes n'importe comment. Ensuite, le même homme regarde pendant quelques instants Gaëlle, toujours gentiment plongée dans son jeu, avant de me lancer :
« Et dire qu'on leur fait du mal, à ces enfants !
— Qui ça, "on" ?
— Ben les Dutroux et compagnie... »
Il boit rapidement sa bière, puis s'en va.
Les Schtroumpfs sous le parquet. — De retour à Bruxelles. Depuis combien de temps ne les avais-je pas invités chez moi, ces deux-là, ou plutôt ces quatre-là ? La dernière fois, c'était plus que certainement avant la création de ce journal car je ne trouve aucune mention d'une quelconque invitation au sein de ce dernier. — C'est FBsr qui arrive en premier, revenant directement de son boulot, où il a en ce moment, explique-t-il, beaucoup à faire. Alineke ne nous rejoindra en voiture qu'une demi-heure plus tard environ, accompagnée de leurs deux bambins : Marc Aurèle, quatre ans, et Dioclétien, trois mois. Le premier, filiforme et binoclard, ressemble à son père mais en blond ; le second, par contre, ne ressemble à aucun de ses deux parents : c'est un bébé très joufflu et très calme, aux allures de pacha. « Mais pourquoi l'avez-vous appelé Dioclétien ? » Réponse de FBsr : « Tout d'abord parce qu'il fallait trouver un prénom de dix lettres, comme Marc Aurèle. » Soirée tranquille : les enfants sont sages (le plus petit passe son temps à dormir ou à boire du lait, le « moyen » joue tranquillement et la plus grande s'occupe sur sa console durant la majeure partie de la soirée), le souper est apprécié, les parents sont à l'aise et je suis content d'avoir de leurs nouvelles. Avant que la petite famille ne reparte vers la ville frontalière qui leur sert de résidence, j'arrive à faire croire au petit Marc Aurèle (et je n'en suis pas peu fier) que des Schtroumpfs habitent sous le sol de mon appartement. Le pauvre gamin ira jusqu'à coller son oreille contre le parquet pour essayer de les entendre, mais ça ne fonctionnera pas. Je crois que j'ai réussi à jouer le jeu de manière assez réaliste et qu'il n'a, de fait, jamais réussi à savoir si je plaisantais ou si j'étais on ne peut plus sérieux.

Le paresseux, I. — « En fait, Papa, tu es un paresseux, non ?
— Un paresseux ?
— Oui, tu vas te coucher très tard la nuit et tu te lèves très tard le matin !
— Ha, oui, "paresseux" dans ce sens-là !
— Oui, je ne voulais pas dire que tu étais fainéant, mais seulement "paresseux", comme l'animal. Tu vois, le paresseux ? Celui qui dort à des moments curieux de la journée... »
(Mais où va-t-elle chercher tout cela ?)

Le paresseux, II. — « Solitaire, arboricole et bien camouflé », c'est ainsi que l'encyclopédie Larousse en ligne décrit l'indolent animal : « Les seuls paresseux qui ont subsisté jusqu'à nos jours sont tous petits et extrêmement discrets. Ils ont un pelage qui leur assure un parfait camouflage dans les arbres où ils vivent seuls (sauf durant la période de reproduction), bougeant peu même la nuit quand ils se nourrissent. » Plus loin, dans le même article : « Le paresseux a un rythme de vie relativement souple : il peut être actif à n'importe quel moment de la journée (...). Son maximum d'activité se situe autour de minuit et le minimum à l'aube. Encore faut-il s'entendre sur ce qu'on appelle activité chez ce mammifère qui bouge très lentement et le moins possible. » Et sur Wikipédia, on peut lire : « Le paresseux est solitaire, il ne s'accouple environ que tous les deux ans (...) » — Ma parole, cet animal est presque mon portrait craché, en tout de même légèrement plus actif !
Demain, nous continuerons notre exploration du fabuleux monde animal en compagnie du tardigrade, ce minuscule aspirateur organique.

Asphalte

Parfum d'été. — Un arrêt de bus, en périphérie de Liège, en compagnie de mes collègues Charlotte et Wynka. Un parfum d'été, et non de printemps, flotte curieusement dans l'air : un léger crachin tombe lentement sur l'asphalte, produisant cette fameuse odeur caractéristique de chaleur moite qui, d'habitude, se dégage du sol seulement après les violentes pluies d'orage qui surviennent en plein cœur du mois d'août. Pour rien au monde, en cet instant précis, je ne m'abriterais en-dessous d'un parapluie ou ne me couvrirais d'une capuche ; pour rien au monde, en cet instant précis, je ne me protégerais de cette humidité anormalement estivale qui recouvre mes cheveux et imprègne mes narines ! — Charlotte : « Mon copain aussi aime ce genre d'atmosphère. Cet amour de l'humidité, ça doit être quelque chose de typiquement belge, quelque chose en rapport avec le climat de ce pays. »

Nouvelle routine. — Si, en ce moment, Yama et Flippo s'inquiètent — on peut toujours rêver ! — de ne plus me rencontrer dans le train du soir vers Bruxelles, c'est en raison d'une routine que j'ai récemment acquise. Celle-ci consiste à ne pas happer le premier train disponible après mon travail mais à m'éterniser pendant quelques heures à la grande brasserie de la gare des Guillemins. J'y bois tranquillement un ou deux Orval devant un livre ou un écran avant de rentrer chez moi. (Ce n'est ni plus ni moins stupide que de boire tranquillement un ou deux Orval devant un livre ou un écran autre part.)

Destruction. — Ils installent sans raison une virgule entre le sujet et le verbe (« Je crois qu'il, va pleuvoir ») ; ils ne semblent pas être au courant que les points de suspension sont au nombre de trois et non de douze (« Je crois qu'il, va pleuvoir............ »), que ces derniers ne doivent pas être placés n'importe où (« Je........... crois qu'il, va pleuvoir »), qu'il n'est pas nécessaire de terminer une phrase par six points d'exclamation pour que les lecteurs comprennent qu'il s'agit d'une exclamation (« Je........... crois qu'il, va pleuvoir !!!!!! »), que la phrase ne continue pas, comme si de rien n'était, après avoir été clôturée (« Je........... crois qu'il, va pleuvoir !!!!!! demain !!! »), que « lol » n'est pas un acronyme qu'ils sont obligés de placer tous les sept mots (« Je........... crois qu'il, va pleuvoir !!!!!! demain !!! lol »), ou encore qu'il faut des espaces avant et après certains signes de ponctuation, mais pas toujours (« Je ...........crois qu'il ,va pleuvoir!!!!!! demain!!! lol ») ; enfin, en dehors de la ponctuation, ils semblent incapables de rédiger une simple phrase sans commettre cinq fautes d'orthographe (« je ...........croi ,kil va peuvoir!!!!!!! dmain!!! looollll »). Ils écrivent à la va-vite de longs blocs de texte mal ponctués, mal écrits, sans queue ni tête, non pas sur la météorologie mais sur des faits divers ou des sujets politiques qu'ils considèrent comme brûlants et à propos desquels ils ont un avis très tranché. En voici un banal exemple (qui, je tiens à le préciser, n'a pas du tout été retouché) pioché presque au hasard parmi des milliers d'autres dans les discussions en ligne du journal La Meuse : « il existe des planning familial!!!! faut arrêter de mettre tt sur l immaturité!!! et les parents, l école, personnes n a vu , je n croix pas , pauvre pt ange qui n avait rien demandé , et bravo aux parents !!!!!!!!!!!!!!!!!!! de ses jeunes » — Savent-ils seulement qu'ils passent pour des idiots en écrivant ainsi ? Sont-ils conscients que c'est insulter le lecteur que de ne pas faire attention à la syntaxe, à la ponctuation, à l'orthographe, à la grammaire ? Et surtout : se rendent-ils compte qu'il est impossible de penser de manière saine lorsque le langage est à ce point malade ?

« I forgot all the words »

Souvent, lorsque j'écris, contrairement aux moments où j'essaye de parler, les phrases s'enchaînent et les mots viennent facilement, mais ce ne fut pas le cas ces derniers jours. Je suis à nouveau dans un de ces épisodes durant lesquels extirper une pensée pour la mettre par écrit s'avère extrêmement difficile. Ce qui me vient à l'esprit, je n'arrive pas à le manifester dans ce journal sans avoir recours à de terribles extractions. Résultat : des textes artificiels qui n'expriment pas ce que je pense, si tant est que je pense quelque chose et que j'arrive à l'exprimer.

Je suis à nouveau dans une phase de creux.

Aujourd'hui, je m'étais mis en tête que j'écrirais quelques paragraphes sur Hugo Chávez, ou plus exactement sur la façon dont les médias ont annoncé sa mort et traité (si peu, en fait !) le laboratoire du socialisme dont il a été l'initiateur au Venezuela. Je les ai effectivement écrits, ces paragraphes, mais je ne les publierai pas. Je suis resté bloqué de nombreuses heures, ou plutôt de nombreux jours, sur ces phrases sans arriver à les articuler. Ces paragraphes contenaient sans doute un peu de l'éducation que j'ai reçue de la part d'un père marxiste et procubain ; un peu d'éléments de critique des médias pêchés par-ci, par-là ; et aussi un peu de la haine viscérale que j'entretiens pour tous les assassins (néolibéraux) de la gauche en Amérique latine, et partout ailleurs cela dit, qui se feraient un plaisir de privatiser à nouveau ce qui a été nationalisé — pour tous ces « Walter » en puissance, en quelque sorte.
Don't misunderstand.

Alchimie

Expériences cliniques. — Dans les écouteurs, au boulot : Images du futur, le deuxième album du groupe montréalais Suuns sorti ce 5 mars 2013. Ils sont toujours aussi doués pour distordre les guitares et donner à leurs chansons la précision rythmique d'un bon vieux morceau de krautrock, mais j'ai comme une impression de déjà-vu : le début de « 2020 » ressemble au début de « Up Past the Nursery » (sur leur premier album, Zeroes QC), « Edie's Dream » rappelle les Liars en moins dissonant et « Sunspot » — « Ô Seigneur Dieu ! », comme dirait Dalida ou bien Monsieur Esclave — « Sunspot » est un copier-coller d'une chanson de Clinic ! Je ne sais pas exactement laquelle (sans doute un peu toutes, en fait), mais Clinic est là dès les quinze premières secondes : mêmes nappes de synthétiseurs, mêmes rythmes chirurgicaux, même timbre de voix nasillard... Et pour arriver à produire un son aussi particulier que celui de Clinic sans le vouloir, faut le vouloir ! — Je réécoute l'album une deuxième fois et je remarque que cette ressemblance avec le groupe de Liverpool n'est pas un fait isolé ; qu'elle « saute aux oreilles » sur la plupart des morceaux. Référence épisodique dans le premier album (quoique !), elle devient incontournable dans le deuxième. On se consolera en se disant qu'ils ont au moins eu le très bon goût de prendre pour modèle principal l'un des groupes les plus originaux de la dernière décennie encore en exercice.

« And what you see is really what you see.
What you, what you, what you, what you... »
Mais qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
(Est-ce un discours philosophique sur la perception du réel ?)

Midas. — Ces quatre musiciens-là transforment tout ce qu'ils touchent en or massif ; ils n'ont même pas besoin d'instruments : même a capella dans la rue, ils sont parfaitement capables de produire un lingot. C'est comme ça : Grizzly Bear est un groupe de talentueux alchimistes et Shields un album dont chaque facette a été façonnée à coup de pierre philosophale. — C'est en tout cas la première pensée qui m'est parvenue lorsque j'ai lu ce que Kris Moyes, réalisateur et producteur australien, avait en tête lorsqu'il a travaillé sur le clip vidéo de la chanson « Gun-Shy » (la version complète du texte, en anglais, se trouve ici ; la traduction française qui suit est approximative) : « L'idée est venue d'une question : "Si l'on pouvait voir l'énergie créative de chaque organisme vivant, à quoi ressemblerait-elle ?" Ed, Daniel, T et Bear [Edward Droste, Daniel Rossen, Chris Taylor et Chris Bear, les quatre membres du groupe] démontrent où se situe leur énergie créative en extrayant leurs cheveux, leurs ongles, leur peau, leur sueur et leur sang. Il s'agit d'une invitation à un très rare aperçu de ce à quoi l'énergie créative pourrait ressembler à un niveau moléculaire si nous pouvions la percevoir. (...) La seconde partie de la vidéo s'inscrit dans une perspective plus métaphysique, voire alchimique. Nous y voyons l'impact qu'ils ont sur leur environnement, faisant frémir des feuilles ou bouillir une rivière, expirant de la vapeur, planant dans les airs, scintillant comme des insectes sous le soleil de l'après-midi, etc. (...) Lors du tournage de ce clip, nous avons employé diverses méthodes scientifiques de connaissance du monde naturel (comme l'interférence sur un film de savon, la cristallisation rapide ou encore la décomposition du spectre lumineux) pour créer l'impression que ces phénomènes visuels venaient d'eux. (...) La science a essayé, sans succès, d'expliquer d'où provenait la créativité : pourquoi certains humains bénéficiaient d'un instinct créatif et pourquoi d'autres ne l'avaient pas ; pourquoi telle ou telle personne était bonne en dessin mais n'avait pas l'oreille musicale ; pourquoi telle ou telle autre était plus à l'aise avec une clarinette qu'avec une guitare ; ou encore pourquoi certains individus pouvaient jouer n'importe quel instrument avec lequel ils entraient en contact. » — Mettre en images ce genre de réflexion est pour le moins original. Le clip est fabuleux... et dérangeant aussi.

« All of the years, leaving me here, gun-shy... »

 

Promotion. — En janvier dernier, Gaston, compatriote du forum MonLégionnaire, a mis au monde un blog consacré à la musique. Après deux mois de vie secrète, il voudrait que l'heureux événement soit enfin connu de tous. Esildut, une ancienne dudit forum avec qui je garde quelques rares contacts, m'avait parlé de cette naissance en ces termes : « Vos goûts musicaux ne sont peut-être pas identiques, mais sur la démarche, les explications, le partage, vous devriez vous retrouver. » Ça s'appelle « Le Son de Gaston » et c'est ici que ça se passe !

Espresso

Café & imposture. — Ce matin, à Bruxelles, je prends part à une table ronde regroupant une cinquantaine d'archivistes de tout le pays. Je salue x, parle avec y, fais un grand signe de la main en direction de z, etc. Derrière une longue table, dans la salle d'accueil, une employée flamande me sert un très mauvais café : un jus de chaussette réchauffé dans une grande bouilloire, deuxième sur le podium des plus répugnants cafés que j'ai eu l'occasion de déguster tout au long de ma petite vie de caféinomane*. J'ai en tête cette scène fameuse de Mulholland Drive au cours de laquelle Luigi Castigliane (joué par Angelo Badalamenti) recrache longuement son espresso sur une serviette spécialement préparée pour lui, devant un parterre de professionnels du cinéma complètement terrorisés. Mais je ne suis pas Luigi Castigliane : je ne régurgite pas mon café ; au contraire, bizarrement, j'en reprends un deuxième ! — Durant la réunion, il est notamment question de trouver des « orateurs de haut vol » qui pourraient éventuellement prendre la parole à l'occasion d'une sorte de « conférence internationale des archives » qui aura lieu en novembre prochain. Chaque protagoniste se présente très brièvement et je dois donc faire de même. Je déteste ça et j'ai l'impression de passer à nouveau pour le pire des imposteurs : en quelle qualité est-il là, ce gars qui écoute d'une oreille légère tous ces débats et qui feint de s'y intéresser ?
Machine arrière. Dans mon journal, je suis de temps à autre très remonté contre la social-démocratie (la tendance actuellement majoritaire du socialisme en Europe) alors que je montre, assez curieusement pourrait-on croire, moins de hargne envers le libéralisme politique. J'imagine parfois (la grande illusion, ha-ha !) que certains de mes lecteurs accueillent mes prises de position comme une sorte de trahison (?) à un idéal de gauche que je continue au reste de revendiquer. (« Et en plus, il lit Nietzsche et Kraus ! Ces... antidémocrates de... de... droite ! ») — Une tentative d'explication : que la droite se comporte comme la droite ne m'émeut absolument pas et me laisse sans commentaire... Je n'ai rien à en dire parce que, de toute façon, je ne suis pas des leurs (c'est un peu comme si, athée, je commençais à m'énerver parce que le pape propose une vision catholique et rigide du monde). Par contre, que la gauche se comporte comme la droite, qu'elle s'intègre au système économique actuel en continuant épisodiquement, pour la galerie, à tenir un discours de gauche, à « exprimer sa solidarité », cela m'énerve au plus haut point, parce qu'en agissant de la sorte, elle fait à long terme beaucoup plus de mal que de bien au socialisme. — À moins de nationaliser des pans complets de l'économie et de mettre en place une industrie d'état ; à moins de faire machine arrière, aussi paradoxal que cela puisse paraître, puis d'expérimenter de nouvelles idées, la gauche n'a rien à faire en ce moment au pouvoir.

Karl Kraus & la ponctuation. — Dans sa préface à Troisième nuit de Walpurgis (voir ici), Jacques Bouveresse fait mention d'une fabuleuse anecdote qui a suscité en son temps la totale incompréhension de nombreux lecteurs** : alors que l'actualité est — c'est le moins qu'on puisse dire — bouillante, Karl Kraus intente un procès larvé à la revue praguoise Aufruf parce que celle-ci a publié, en novembre 1933, un article d'un certain Lucien Verneau, « Karl Kraus Abschied? » (« L'adieu de Karl Kraus ? »), reprenant l'un de ses poèmes (« Man frage nicht », paru en octobre 1933 dans le 888e numéro de Die Fackel) en négligeant une virgule et un point dans les troisième et cinquième vers (« und sage nicht, warum. » devenant par mégarde « und sage nicht warum » ; « Kein Worf, das traf. » devenant « Kein Worf das traf ») et une minuscule et un point dans le sixième vers (« man spricht nur aus dem Schlaf. » devenant « Man spricht nur aus dem Schlaf »). Et Bouveresse de citer un proche de l'auteur, le compositeur autrichien Ernst Krenek, que je me permets de citer à mon tour : « Alors qu'on s'excitait précisément sur le bombardement de Shanghai par les Japonais et que je l'avais rencontré au moment où il était aux prises avec un des fameux "problèmes de virgule", il me dit à peu près : "Je sais que tout cela est dénué de sens, quand la maison est en feu. Mais aussi longtemps que c'est possible d'une façon quelconque, je dois faire cela, car si les gens qui y sont tenus par obligation avaient toujours veillé à ce que toutes les virgules soient à la bonne place, alors Shanghai ne serait pas en train de brûler." »

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* Médaille d'argent, donc, derrière ce breuvage que je me suis forcé à boire il y a environ trois ans chez un donateur d'archives : un liquide à moitié chaud dans lequel flottaient de nombreux grains de café moulus.
** Bouveresse n'écrivant pas tout (il ne traite que du problème des deux virgules, non de la minuscule et des trois points manquants), j'ai également consulté les pages 147-151 du livre d'Anne D. Peiter, Komik und Gewalt [Comique et violence], partiellement disponible en ligne sur Google Books. (Oui, on va faire comme si je saisissais parfaitement toutes les subtilités de la langue allemande. — Si j'ai compris quelque chose de travers, merci de bien vouloir me provoquer en duel : je laisserai à mon adversaire le choix de la bière.)

Canaris

« Nicolas Polutnik... Je le connais bien, ce gars, je le tutoyais : il assistait parfois au conseil d'entreprise lorsque j'étais secrétaire...
— Et il est comment, humainement parlant ?
— Bah ! C'est un patron, tiens ! »
(Discussion avec G. Evenvel, 2013.)

« (...) mais même dans sa petite cage, le canari a le choix entre la perche du haut et la perche du bas. Sait-il seulement qu'une cage beaucoup plus grande existe par-delà les barreaux ?  »
(Hector-Antonin Serin, Ontologie du canari, 1926.)

Des semaines, des mois, des années même que je n'avais plus visionné un de ces débats télévisés du dimanche. Aujourd'hui, l'actualité régionale a raison de mon abstinence volontaire. Crise à Caterpillar, annonce d'une vague massive de licenciements : mon père regarde attentivement l'émission, non pas parce qu'il compte y apprendre quoi que ce soit mais simplement parce que des « gars de l'usine », dont le beau-fils de Greg (le collègue syndicaliste qui est venu jouer au bowling avec nous le 16 février dernier), y participent. Anecdote amusante : par la suite, le beau-fils en question, pas du tout rodé à la prise de parole en public, demandera à mon paternel de lui téléphoner afin d'avoir son avis sur ce qu'il vient de déclarer devant les caméras.

Ce débat n'est pas un débat : c'est un mauvais spectacle, un jeu de rôle qui donne l'impression qu'une véritable confrontation de points de vue se déroule en direct, alors qu'il n'en est rien. En scène : les acteurs politiques du jour et une présentatrice qui joue de temps en temps gentiment le rôle du procureur. On y parle des réformes qu'il faudrait (ou pas) faire passer, pour que la société soit un tout petit peu moins injuste, et des plans échafaudés pour « redynamiser l'économie ».
« Nous avons des stratégies pour redéployer la Wallonie » : cette déclaration d'un membre du parti socialiste aurait tout aussi bien pu être celle d'un libéral, d'un écolo ou d'un « centriste ». Tous les intervenants politiques de ce débat utilisent dans les grandes lignes le même langage issu de la même idéologie, celle qui parle constamment de compétitivité d'une région ou d'un pays, de compétences des individus et de marché de l'emploi, un langage hérité du monde de l'entreprise et qui a en ce moment le vent en poupe, au point de se retrouver dans la bouche de gens qui ne devraient normalement pas parler de cette manière.

Tout cela ne nous dit pas ce qu'un canari vient faire dans l'histoire, ni pourquoi je ne suis pas du tout satisfait du présent texte, ni pourquoi encore ce dernier se termine par une énième pirouette... — Un jour prochain, peut-être dira-t-on que la fatigue aura eu raison de moi ou bien que je n'ai rien pu proposer d'autre dans ce long journal qu'un éloge de la princesse Zelda ou qu'un article sur les canaris ?

Éloge de la princesse Zelda

Ce week-end, Gaëlle découvre Super Mario 3D Land sur Nintendo 3DS : Bowser a de nouveau capturé la princesse Peach et Mario doit de nouveau courir à son secours en traversant de nombreuses plates-formes auxquelles les concepteurs ont ajouté, cette fois-ci, une troisième dimension (la profondeur). Personne ne semble savoir pourquoi le méchant Bowser enlève constamment la princesse, ni pourquoi le super-plombier veut à tout prix sauver cette dernière... Tout au plus des explications d'ordre sexuel sont-elles parfois avancées sur la Toile : Bowser serait un pervers frustré et Mario un chevalier servant, mais aucun des deux n'arriverait à son objectif qui serait, du moins si l'on en croit la rumeur, de se retrouver au lit avec la princesse (entre « sauver » et « sauter », il n'y a qu'une lettre de différence). — Somme toute, la morale de cette ridicule histoire de kidnapping à répétition et de course-poursuite haletante à travers le Royaume Champignon serait contenue dans une seule et unique maxime : trouver une copine demande un peu plus de subtilité que la pratique du rapt ou que la relégation au rôle de sigisbée.

Ce qui m'a frappé en rejouant (ou en regardant Gaëlle jouer) à un jeu de la série Super Mario, et ce après avoir passé un certain temps sur Zelda, c'est la différence de personnalité et de caractère entre la princesse Zelda (ou plutôt les princesses Zelda, cette série mettant en scène plusieurs générations de personnages portant le même nom) et la princesse Peach. La différence se remarque d'ailleurs dès le titre respectif des deux séries : Super Mario d'un côté (où c'est le sauveur qui est mis en avant), Zelda de l'autre (où c'est la princesse qui est mise en valeur, bien que le héros de l'aventure soit Link).
Alors que Zelda se montre à chaque fois d'une dignité, d'un calme, d'une intelligence et d'une force — d'une noblesse ! — exemplaires face au terrible mal qui s'installe jusqu'au tréfonds du royaume d'Hyrule, Peach est quant à elle cantonnée à son rôle de princesse nunuche, troublée et émotive, qui ne contrôle quasiment rien ; alors que Zelda occupe une fonction de premier plan dans la victoire contre le mal, Peach, la plupart du temps, est passive et attend simplement d'être délivrée, non sans être de temps à autre totalement infâme envers ses geôliers...

Une amusante exception du côté des Super Mario existe cependant, du nom de Super Princess Peach, jeu dans lequel les rôles sont inversés : Bowser a, assez curieusement, enlevé Mario et Luigi (mais pourquoi donc ?) tandis que Peach doit leur venir en aide. Comme Zelda, Peach sait-elle manier l'épée ou l'arc à flèche ? Sait-elle dompter des esprits ou encore jouer de l'ocarina magique ? Non, rien de tout cela : pour se défendre, Peach utilise son parasol ainsi que ses émotions (comme rire pour s'envoler, ou encore pleurer pour aller plus vite ou éteindre des flammes). Ses armes ne sont ni l'arc, ni le fleuret, mais l'attirail d'une dame du grand monde ; ni le sang-froid, ni la sagesse, mais la spirale incontrôlée des sentiments.

De là à affirmer que les deux séries véhiculent une image complètement différente de la femme et de son rôle dans la société (soit spectatrice, soit actrice de sa propre vie), il n'y a qu'un pas, que je franchirai peut-être une autre fois. Aujourd'hui, je me rends compte avoir été totalement impartial, presque aveuglé par mon amour pour l'univers de Zelda et ma détestation de celui de Super Mario, qui ont pourtant tous les deux été créés par la même personne, Shigeru Miyamoto. — Je me rends compte également que, lorsque je n'ai rien à dire, je suis capable de rédiger des paragraphes entiers pour... ne rien dire. Rien ne change !