Archives mensuelles : juillet 2012

Ombre & lumière

Au réveil, toujours cette envie de reprendre mon souffle, comme si j'émergeais à la surface d'un océan après une longue balade sous-marine sans oxygène. Faire de l'apnée, alors que je ne sais même pas nager, quelle ironie !

Je suis déjà fatigué avant même de commencer la journée et j'ai le plus grand mal à décoller de mon lit. Il faut pourtant que je sorte, que je m'aère, que je quitte l'environnement vicié de ma chambre... Les météorologues ont — enfin ! — annoncé l'arrivée du soleil cet après-midi. Hamilton, bordel, lève-toi et va faire un tour !

À la Maison du Peuple, en début d'après-midi, je fais semblant d'être en forme, mais j'ai évidemment la triste impression de tricher sur toute la ligne. Je demande au nouveau serveur : « Alors, t'as bien fêté le 21 juillet ? », comme si cette question et sa réponse avaient la moindre importance à mes yeux. Il me répond : « Non, non, je ne suis pas Belge ! » Vu son accent, il est Français, mais il aurait tout de même pu faire la fête !

Une autre serveuse, nouvelle elle aussi, dira par contre un peu plus tard à l'une de ses collègues : « Moi, je n'ai pas dormi du tout cette nuit ! »

Je rédige sans conviction la journée d'hier avant de m'installer en terrasse, en compagnie de Tous à Zanzibar de John Brunner. Je relis les passages du roman où le sociologue de génie Chad Mulligan, un rien alcoolique tout de même, livre sa vision pessimiste et désabusée de l'humanité.
À ma droite, trois anglophones ; derrière moi, des anglophones ; partout, des anglophones. Je me rattache à l'une des seules conversations francophones à portée d'oreilles, tenue par deux jeunes femmes : « Il y avait un monde fou au feu d'artifice, hier... Et les gens couraient pour trouver une bonne place... C'était la folie ! »

Le Parvis de Saint-Gilles a la particularité d'être extrêmement bien positionné par rapport à l'ensoleillement. Le matin, le marché est plongé dans l'ombre rafraîchissante des bâtiments et ce n'est qu'en milieu d'après-midi que le soleil, pas trop éloigné du Zénith, fait sa flamboyante apparition sur le rebord de la façade du café « Le Louvre ». Ensuite, il suit lentement sa courbe descendante pour finir par se cacher derrière la tour de l'église Saint-Gilles et ne réapparaître que subrepticement. En soirée, par beau temps, le mélange d'ombre et de lumière est magique ! — Magique sauf qu'en l'occurrence, l'astre du jour me brûle les yeux... Je repars donc à l'intérieur du café pour quelques heures.

Andrew me rejoint en début de soirée. Il fait délicieusement bon et il y a, curieusement, de la place en terrasse. Nous buvons deux verres de rosé désaltérants. Un élément de discussion : l'émission Noms de dieux, présentée par Edmond Blattchen, dont Andrew regarde en ce moment des rediffusions. — Noms de dieux : une émission que je devais presque visionner en cachette la nuit quand j'étais adolescent, tellement papa et maman ne pouvaient pas la blairer. De nombreux illuminés sont passés par là et je crois que c'est ce qui énervait mes parents au plus haut point, en plus de l'aspect extrêmement formel de l'ensemble. Moi, au contraire, j'adorais ce genre de dialogue, parce que la plupart des invités proposaient une vision opposée ou très différente de la mienne, et aussi parce que le présentateur les laissait parler avec respect, sans aucune coupure intempestive. Blattchen est là pour mettre en valeur ses invités, et non l'inverse. (Regard méprisant vers Ruquier, son humour potache et sa clique de m’as-tu-vu.)

Nous rejoignons Léandra au bowling du Centre-ville vers 21 heures. Jonas n'est pas là : il a mal, il n'est pas bien, il se repose. Deux parties jouées de manière inconstante, une piste à problèmes (quilles coincées dans la rigole, caoutchouc qui pendouille...) et puis nous voilà déjà repartis vers nos domiciles respectifs.

J'ai envie de suivre des cours de bowling et également — mais alors rien à voir ! — de me mettre au dessin, avec pour objectif ultime de faire de l'animation (oui, oui, ne pas rigoler, merci...). Ça fait des années que je dis que je vais me lancer dans l'aventure (Léandra confirmera), en autodidacte évidemment. Et puis je postpose, je postpose... à l'infini. Car il faudrait, pour ce faire, que j'achète de bons bouquins d'apprentissage, du bon matériel de dessin (feuilles, crayons...) et surtout que je passe des centaines de soirées de travail à mon appartement, coupé du monde... Ça ne me refroidit nullement, mais je postpose quand même.

Le Roi, la Loi, etc.

Maison du Peuple de Saint-Gilles. La playlist musicale de cet après-midi, composée en partie de tubes d'Annie Cordy (du genre « Tata Yoyo »), est des plus ridicules. Un grand drapeau noir-jaune-rouge décore l'arrière-salle et, au comptoir, un fanion aux mêmes couleurs, placé dans un verre puis planté dans une moitié d'orange, fait office de décoration. Cerise sur le gâteau : un client se balade dans le café avec trois bandes colorées peintes sur la joue. Aujourd'hui, on l'aura compris, c'est la fête nationale belge.

Marche de ton pas énergique,
Marche de progrès en progrès !
Dieu, qui protège la Belgique,
Sourit à tes mâles succès !

Au bar, le serveur salue un client :
« Hé ! Ça va, toi ?
— Ça va, mais j'ai passé une curieuse nuit. Assez agitée....
— Tu vas voir Annie Cordy ce soir ?
(Mais de quel concert parle-t-il donc ?)
— Quoi ? Elle est encore en vie, celle-là ?
— Mais oui ! Annie Cordy est immortelle, fieu ! »

Hier, Alizé avait lancé une invitation générale pour « profiter des festivités de la fête nationale » et plus particulièrement du feu d'artifice qui sera tiré aujourd'hui à 23 heures depuis la place des Palais. Une vingtaine de personnes étaient invitées. Lors d'un coup de fil de Pat en ce début d'après-midi, j'apprends que je suis le seul à avoir répondu présent à l'appel. Qu'à cela ne tienne : nous nous donnons rendez-vous à trois, vers 20 heures, aux alentours de la Gare Centrale, pour aller manger un bout avant le feu d'artifice.
Je leur propose de nous rendre au délicieux Restobières, rue des Renards, dans les Marolles, mais une fois sur place le restaurant s'avère complet. Nous bifurquons alors vers La Grande Porte mais ce restaurant est, quant à lui, définitivement fermé ! Nous finirons par nous poser à la Fleur en Papier doré, tout simplement.
Pat travaille en ce moment, comme souvent, sur un chantier d'archéologie. Grâce aux ouvriers de chantier qu'il côtoie tous les jours, il a fait le plein de blagues d'une subtilité inouïe. Exemple : « La seule possibilité pour la Vierge d'avoir eu un enfant tout en restant vierge, c'est que Joseph soit passé par l'autre trou et qu'il y ait eu comme un problème de paroi... Du coup, ce n'est pas de l'Immaculée Conception qu'il faudrait parler, mais plutôt de l'Il m'a enculée Conception.
— Mais Pat, lui réponds-je choqué, tu n'y es pas du tout ! L'Immaculée Conception se réfère au fait que Marie fut conçue sans recevoir le péché originel ! Ça n'a rien à voir avec sa virginité lors de la naissance du Christ !
— Ouais, bon, je sais, mais c'est quand même marrant ! »

Stoemp saucisse pour eux, boulettes sauce tomate pour moi. Et avec ça, trois Orval pour chacun. « C'est toi qui conduis au retour, hein Alizé ? Hein ? » Au moment de partir vers la place des Palais, j'apprends que c'est Pat qui a tout réglé et qu'il a donc payé mon repas et toutes mes consommations...
« Ça me fait vraiment très plaisir de te revoir, Hamilton !
— Oui, moi aussi je vous aime. »
On se rappelle le bon vieux temps de l'université : je lui raconte des événements qu'il avait complètement oubliés (comme l'histoire de la serrure récalcitrante à mon ancien appartement) et il fait de même... Ha bon ? J'ai fait ça, moi ?

Lorsque nous arrivons place Royale, nous apprenons que la place des Palais est fermée à cause de l'afflux de monde. Ce n'est pas plus mal, dans la mesure où Pat est agoraphobe et moi... euh... un peu aussi, je suppose. Nous redescendons donc au niveau du Coudenberg et nous nous asseyons sur le rebord de l'Oreille tournoyante de Calder. Des centaines de personnes convergent alors vers le Palais royal. Pat est surexcité (il ne change pas) et n'arrête pas de saluer les gens qui passent (« Greg, c'est toi ? Greg ? Virginie ? T'es où ? »). Je fais une remarque : « C'est incroyable, tous ces gens... Dans chaque crâne, un cerveau avec une vie propre, des souvenirs, une mémoire, une pensée particulière... » Alizé, philosophe de formation, me regarde avec de grands yeux étonnés : « Oulala... »
Et puis : BADABOUM, BABOUM ! Le feu d'artifice commence à 23 heures tapantes, mais nous ne le voyons pas depuis notre fontaine ! Alors les gens se mettent tous à courir pour essayer de trouver un bon point d'observation. Nous remontons en vitesse les escaliers de la rue Horta, traversons la rue et observons le joli feu d'artifice depuis le Parc royal. C'est à ce moment que je me rends compte que j'aurais dû emporter mon appareil photo. (Heureusement, Léandra, que je ne verrai pas de la soirée, est aussi sur place et s'occupe de photographier le spectacle depuis un point plus central.)
Après l'apothéose, nous quittons rapidement le parc pour aller boire un dernier verre. Pat aurait aimé se rendre à La Bécasse, mais ce bête estaminet est déjà fermé ! Ce sera le Bon Vieux Temps. J'offre à Pat une Westvleteren 12. Ça faisait des années que je voulais goûter la plus rare des bières trappistes... Voilà qui est fait : c'est une très bonne bière brune, qui coûte la peau du cul (du moins là-bas) mais ça reste une bière, quoi... Et je la trouve bien plus banale que l'Orval quant à l'arôme qu'elle dégage.
Tu vivras toujours grande et belle
Et ton invincible unité
Aura pour devise immortelle :
Le Roi, la Loi, la Liberté !

Angoisse populaire

Cette fois, je peux le clamer haut et fort : ce blog fête, de manière effective, sa première année d'existence. Techniquement, mon journal existe depuis plus d'un an (voir ICI), mais sous sa forme actuelle il a été lancé lors des fameuses vacances pluvieuses de juillet 2011, durant lesquelles tout le monde ou presque s'était ramené avec son ordinateur portable.  — Un an d'existence donc ! Et alors quoi ? Et alors rien du tout : demain, un feu d'artifice aura lieu à Bruxelles, mais je ne pense pas que les deux événements soient liés d'une quelconque manière.
En un an, qu'est-ce qui a changé dans ma vie ? Eh bien j'ai arrêté le badminton, je vois beaucoup moins de monde, j'ai grossi et j'ai découvert Ludwig Wittgenstein. — Que du positif donc !

Passeport, épisode IV. — J'ai pris congé ce vendredi afin d'aller commander un nouveau passeport, mais je me suis ravisé au tout dernier moment : mon ancien passeport doit bien être quelque part, me suis-je dit, je vais donc encore attendre une semaine avant de me rendre à la Commune. Deus ex machina : je rallume mon téléphone en fin d'après-midi et me rends compte que mes parents ont essayé de me téléphoner à de nombreuses reprises. Quoi ? Quelqu'un est mort ? Non. Les messages, vocaux et écrits, qu'ils m'ont laissés expriment la même réalité : ils ont retrouvé mon passeport ! « J'espère que tu n'es pas déjà allé en commander un autre ! », me lâche mon père. Non, non. (Encore un bienfait de la procrastination.)
Très intrigué par cette histoire de tonalités téléphoniques permettant de composer un numéro sans se servir du clavier (voir ICI), j'avais demandé hier à Charlotte de m'en expliquer le principe. Elle a posé la question à son compagnon et m'envoie la réponse aujourd'hui en début d'après-midi... Cette technique est rendue possible grâce au code DTMF (Dual Tone Multi Frequency), une combinaison de deux fréquences utilisée en téléphonie moderne. Chaque touche correspond à une sonorité particulière constituée d'une basse et d'une haute fréquence, impossible à reconstituer à l'aide de la voix humaine (par exemple, le "1" est composé d'une fréquence de 697 Hz et d'une autre de 1209 Hz). On peut ainsi, à l'aide d'un petit logiciel (comme celui-ci), réaliser une mélodie unique correspondant à n'importe quel numéro de téléphone. En plaçant cette mélodie contre le cornet d'un téléphone analogique, le numéro se compose tout seul ! (Il faut néanmoins que je fasse le test par moi-même pour être totalement convaincu.)
Le soir, il est question d'aller au Bal National place du Jeu de Balle, à Bruxelles, en compagnie de Léandra et d'Andrew. Léandra et moi nous donnons tout d'abord rendez-vous place Van Meenen pour prendre l'apéro en attendant Andrew. Pas de chance : les « Apéros Saint-Gilles » sont annulés pour cause de météo incertaine. Nous allons donc nous installer à la Brasserie de la Renaissance, qui donne directement sur la place. Andrew nous rejoint un peu après vingt heures et nous décidons de manger dans cette brasserie. Conclusion de cette pré-soirée : le Picon n'est pas bon, le demi de vin blanc est très cher et la nourriture, qui met longtemps à arriver, n'est pas bonne (pâtes difficiles à digérer et escalope pas assez cuite noyée dans sa sauce). Nous nous consolerons en écoutant la conversation de nos voisins de table, à la limite du surréalisme alcoolique : « La reine aux échecs, elle ne se déplace que d'une case à la fois, tchac, tchac, qu'elle fait ! », « Comment s'appelle ce jeu encore ? Ha oui ! Le... Le... Scrabble ! »

Nous finissons par nous rendre au Bal National en fin de soirée, non sans nous perdre au milieu de la Foire du Midi. Lorsque nous arrivons place du Jeu de Balle, le Grand Jojo est sur scène en train de chanter « La Mer du Nord ». Léandra accompagne Andrew dans la foule compacte. Quant à moi, je les suis un court instant, puis je m'arrête net : hors de question que j'aille plus loin ! Je regarde derrière moi et j'ai déjà le plus grand mal à discerner l'oxygène que représente à mes yeux la rue un peu moins noire de monde. Je reste figé un instant, légèrement pétrifié devant tous ces gens faisant la fête, puis je fais demi-tour. De nouveau dans la rue, j'angoisse. Je n'ai pas envie d'être ici. Je n'ai pas envie de rencontrer les gens que nous allons peut-être rencontrer. Je n'ai pas envie de passer pour un gros boulet acariâtre. Tout ce que je veux, c'est être dans un endroit calme. Seul, seul, seul, je veux être seul. Je veux me retrouver au plus vite dans le confort de mon appartement. (Entre quatre murs, un plancher et un plafond, comme dans un cercueil !) Je repars donc presque immédiatement vers le métro de la Porte de Hal, discrètement, sans prévenir mes amis. Lorsque Andrew me demande où je suis, je suis déjà en train d'attendre mon tram, et je réponds par un laconique : « Je me suis éclipsé. Bonne fin de soirée ! »

Pourquoi donc est-ce que je me force à aller dans ce genre d'endroit ? (Allez, allez, on se calme, Hamilton, ça va aller... Regarde un épisode des Simpson ! Mais l'épisode est-il à peine commencé que je m'effondre dans un profond sommeil.)

Blog à vitesse réduite VI

Sur le temps de midi au boulot, une discussion sur la lecture...
« Tu lis assez vite, toi, non ? me demande Charlotte.
— Oui, je crois... Enfin, il paraît.
— Et lorsque tu lis un texte dans ta tête, est-ce que tu prononces mentalement tous les mots ?
— Euh... Difficile à dire. Non, je ne pense pas. Ça dépend...
— Moi, il faut absolument que je lise tous les mots...
— Peut-être que moi aussi, en fait. Je ne sais pas... »
Il est très difficile de décortiquer le processus mental qui est à l'œuvre lorsque je lis mentalement. J'en suis venu à la conclusion suivante : lorsque je me relis pour trouver des fautes, je procède avec lenteur, en appuyant sur chaque mot, mais quand je lis un texte pour trouver des informations, je vais beaucoup plus vite et je lis tout d'un seul bloc, sans buter sur un mot en particulier.
Quand je joue à un jeu de quizz en ligne, je suis capable de comprendre presque instantanément la question dans son ensemble sans vraiment la lire, et de donner la réponse tout aussi rapidement, du moins si je la connais évidemment. Je me souviens que ça énervait Maïté, parfois : « Mais comment est-ce que tu fais ? On n'a même pas le temps de lire l'énoncé ! » Je ne sais pas comment je fais mais j'ai remarqué que d'autres fonctionnaient exactement de la même manière (Mary, par exemple). — Oui, mais pour que je comprenne une question, il faut bien que les mots soient quelque part dans mon esprit ! Je dois donc les prononcer mentalement, d'une manière ou d'une autre ! — Arrête, Hamilton, tu te fais du mal pour rien, là...
Passeport, épisode III. — Résigné, je me renseigne sur la procédure à suivre lorsque l'on a perdu son passeport. Sur une page du site Web de la Diplomatie belge, un phrase attire mon attention : « En cas de perte ou de vol d’un passeport belge, le détenteur doit sans délai déposer une déclaration auprès du commissariat de police du lieu où le fait s’est produit ou a été constaté ou encore de sa propre localité. » Je me mets à stresser... Cela va me prendre des plombes... Si ça tombe, je n'aurai pas mon passeport à temps ou bien ils vont carrément me le refuser : « Monsieur Evenvel, cette perte d'un document émanant de nos services diplomatiques est éminemment grave. Vous êtes indigne de voyager ! » Je téléphone à la Commune de Forest, où une gentille préposée m'explique que « pas de problème, vous devez simplement vous présenter au guichet "Population", où l'on vous donnera le numéro de votre ancien passeport. Ensuite vous vous rendrez au bureau de police, dans le même bâtiment, où ils vous donneront une déclaration de perte, que vous nous fournirez au moment de retirer votre nouveau passeport... » Ça va encore me coûter bonbon (114 euros), mais je suis sauvé ! (Allez, allez, on se calme, Hamilton, ça va aller... Regarde un épisode des Simpson ! — Je ne peux pas ! Je suis au travail !)

En soirée, je continue à regarder Les Simpson et je retombe sur ce fabuleux générique de début réalisé par le graffeur et activiste britannique Banksy, montrant un « envers du décor » fantasmé : des petits Coréens réalisant des dessins à la chaîne dans un atelier glauque, rempli de produits toxiques et gardé par des militaires ; le meurtre de petits chatons blancs pour réaliser la fourrure des peluches ; l'utilisation d'une licorne, fatiguée et malheureuse, pour percer les DVD, etc. Au final, c'est un gros paradoxe que de voir cette critique de la Fox diffusée par... la Fox.

Blog à vitesse réduite V

Ce matin, dans le train vers Liège, quelqu'un me tape gentiment le crâne avec son journal. C'est Flippo qui, en raison des suppressions ferroviaires de l'été, prend le même transport que moi. « Je crois que j'ai battu mon record aujourd'hui », me dit-il, « car à 6h45, j'étais encore dans mon lit. » Sachant qu'il est à peine 7h05, c'est effectivement un beau record.
« Et alors, il paraît que tu te plains déjà ! me lance Flippo, légèrement offusqué.
— Quoi ? Hein ? Je me plains, moi ?
— Oui, tu te plains.
— Pour le voyage au Canada ?
— Oui, pour le voyage au Canada.
— Je me plains que tu veuilles absolument aller à Trois-Rivières ?
— Non. Enfin, si, aussi... Mais non...
(Je réfléchis un instant.)
— Haaaa, c'est en rapport avec le "Je vais encore devoir tout faire" ?
— Exactement. »
Explication : ce samedi, durant l'excursion dans le Centre, j'ai eu la mauvaise idée d'expliquer à Pietro que Flippo n'aimait pas téléphoner et que c'est moi qui allais encore devoir m'occuper des réservations de chambres ou d'auberges de jeunesse. (C'est vrai qu'il y a plus sympathique comme remarque, mais c'était de l'humour, hein !)

Attendant sa correspondance sur le quai, Flippo évoque la raison pour laquelle il a failli rater son train aujourd'hui... Une sombre histoire de rêve qu'il a fait, dans un état de somnolence, après que son réveil a sonné. Un rêve dans lequel, ayant raté son train à Bruxelles-Central, il arrivait à le rattraper en courant le long des rails jusqu'à la Gare du Nord. « Et en quoi ce rêve explique-t-il que tu aies failli rater ton train ? » Il me donne sa réponse, mais je ne la comprends pas. « Eh bien voilà un truc que je pourrai écrire dans mon journal... » « Ha non ! »

Lue aujourd'hui, dans le cadre du boulot, cette interprétation d'Ernest Mandel, économiste et théoricien marxiste, concernant les politiques d'austérité en temps de crise (en l'occurrence les conséquences de la première crise pétrolière d'octobre 1973) : « Toute crise de surproduction constitue toujours une agression massive du capital contre le travail salarié. En augmentant à la fois le chômage et la peur du chômage, elle tend à faire accepter aux travailleurs les baisses (ou stagnations) des salaires réels, l'accélération des cadences, les pertes d'acquis en matière de conditions de travail et de sécurité sociale, la réduction des protections érigées dans la phase de prospérité contre la pauvreté et l'injustice les plus flagrantes. » (1978) — Toute ressemblance avec une situation actuelle etc.
Passeport, épisode II. — Je demande à mes parents, en pleine phase de rangement, de vérifier que mon passeport n'est pas resté à la maison. Mon père me répond par la négative : « Pas de trace de ton passeport chez nous ! Désolé. » Je me mets donc à retourner tout mon appartement : les armoires remplies de brol, les étagères, tous mes classeurs, dossiers, enveloppes, vieux sacs, etc. Lors de cette fouille en règle, je redécouvre énormément de choses : des affiches, un CD contenant des cartes forestières que j'avais réalisées dans le cadre d'une conférence, de vieux textes, une vieille photo en noir et blanc de Maïté à 18 ans — qu'elle était belle ! —, de vieilles cartes postales, des notes de cours, des photocopies de textes médiévaux aux graphies variées, etc. J'arrive par ailleurs à m'entailler le petit doigt avec je ne sais quel objet coupant. Mais toujours pas de passeport, gottferdom ! (Allez, allez, on se calme, Hamilton, ça va aller... Regarde un épisode des Simpson !)

Blog à vitesse réduite IV

Je n'ai rien à raconter aujourd'hui. Ce n'est donc pas ma faute si ce journal ne ressemble plus à rien. (Mais a-t-il déjà ressemblé à quelque chose, de toute façon ?)
Ce matin, dans le train vers Liège, je m'assieds devant deux femmes qui dorment. Je me fais la réflexion suivante : « Une inconnue qui dort, c'est un peu comme un Kinder Surprise : tant qu'elle n'ouvre pas les yeux, on n'en connaît pas la couleur. » (C'est une réflexion bancale, mais étant donné que mon ordinateur est allumé, je la note, au cas où je n'aurais rien d'autre à raconter. — Bingo !)

Mon train arrive pile à l'heure aux Guillemins. Une idée : me rendre à l'accueil de la gare et demander, au lieu d'un justificatif de retard, un justificatif de ponctualité. Mais je remets la plaisanterie à plus tard car celle-ci ne ferait rire que moi, et encore !
Passeport, épisode I. — Pour partir au Canada fin août, j'ai besoin d'un passeport en règle. Point positif : j'en ai un qui est valable jusqu'en juillet 2013. Point négatif : je ne sais pas où il se trouve. Je me mets donc à fouiller superficiellement dans quelques étagères, classeurs de documents et anciens portefeuilles... En vain ! Je n'ai pas du tout la tête à ce genre de fouille ce soir et remets donc la recherche à plus tard : demain, je dévaliserai tout mon appartement pour retrouver cette connerie de passeport. Au pire, j'irai en recommander un nouveau. (Allez, allez, on se calme, Hamilton, ça va aller... Regarde un épisode des Simpson !)
Les concepteurs des Simpson mettent le paquet dans les génériques et les introductions... Un exemple : dans le 16e épisode d'Halloween (Treehouse of Horror XVI, 2005), Kodos et Kang, les hideux extraterrestres, afin de rendre plus palpitant un match de baseball terriblement ennuyeux, décident de l'accélérer à l'aide d'un de leurs rayons. Mais cette action tourne à la catastrophe pour l'Univers et même pour Dieu, qui disparaissent tous les deux dans un « pop » insignifiant. On y découvre aussi que, pour les concepteurs du dessin animé, le néant est blanc et non noir.

Vacances sépias

Disposant à nouveau du petit ordinateur de Léandra, je peux reprendre mon rythme de croisière, bien que je n'aie pas grand chose à raconter en ce moment et accuse en outre toujours un gros retard en matière de mises à jour. (Bientôt, ce blog ne sera plus qu'une longue plainte monotone dans laquelle j'avouerai constamment prendre un retard que je n'arrive pas à combler.)

Autre problème : dans le train vers Liège de ce matin, je relis une dizaine d'articles que j'ai écrits ces derniers jours et j'y découvre d'énormes fautes de pluriel ainsi que quelques oublis de mots. Je profite du Wi-Fi de la gare des Guillemins pour corriger rapidement ces horreurs mais le mal est fait ! Tout fout le camp !

Nous ne sommes que trois au bureau cette semaine. À la pause café, Charlotte raconte que son compagnon, informaticien de formation (encore un !), lui a comme chaque année préparé une énigme à l'occasion de son anniversaire. Face à ce type, mon ami FBsr, pourtant déjà très balaise, est un petit joueur. Le concept est le suivant : pour recevoir son cadeau, Charlotte doit déchiffrer un mot codé à l'aide de plusieurs clés assez simples (comme, par exemple, le chiffre de César). Le mot, une fois déchiffré, donne quelque chose comme « MAIL ». Elle va donc jeter un œil à ses courriels et tombe sur un code QR (!) qui, une fois activé, renvoie vers une page Web diffusant la mélodie faite par les touches d'un clavier de téléphone (!!). En plaçant cette combinaison de sons devant un vrai combiné téléphonique, le numéro, dit-elle, se compose tout seul (ha bon ?). Le portable de son compagnon se met alors à sonner et à jouer un message en alphabet morse (!!!). C'est à ce moment que Charlotte abandonne : « Les "bip bip" étaient tellement rapprochés que je n'arrivais même pas à faire la différence entre un trait et un point... Et en plus, nous avions rendez-vous au restaurant... »

Ce midi, une passionnante discussion entre Charlotte et Wynka sur le maquillage, les faux ongles, l'épilation définitive et les diététiciens. Je suis complètement largué.

Je passe la soirée tranquillement chez moi. Je n'ai pas envie de sortir, je n'ai pas envie d'écrire... Pour tout dire, je n'ai envie de rien faire du tout, si ce n'est me reposer les neurones devant une série télévisée. N'importe quelle série. Je m'ouvre un Orval et j'opte tout simplement pour quelques épisodes d'une des récentes saisons des Simpson, saisons à propos desquelles j'ai un jugement assez négatif, que l'on pourrait résumer par : « À partir de la septième saison, Les Simpson, c'est de la grosse daube sans queue ni tête ! »

Je tombe néanmoins sur une belle scène, au début de l'épisode The Wife Aquatic (Les Aqua-tics en français, 2007)... L'histoire : Marge se souvient, nostalgique, de ses vacances sur une île merveilleuse du nom de Barnacle Bay, lorsqu'elle n'était encore qu'une gamine. Mais lorsqu'elle y revient plus de vingt ans plus tard, l'île est complètement métamorphosée à cause de la pêche intensive d'une espèce de poisson et la magie du lieu n'opère plus. Le reste de l'épisode est un peu idiot mais ce passage, sur fond de Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns et de vieilles vidéos aux couleurs légèrement délavées, est particulièrement bien foutu...
... Tellement bien foutu qu'il va jusqu'à faire revenir à la surface mes propres souvenirs de vacances estivales enfantines. Enfant et adolescent, je passais une partie des mois de juillet et d'août dans une énorme propriété boisée détenue par la Centrale des Métallurgistes FGTB... Le Domaine de la Reine Pédauque, que ça s'appelait... C'était à Melreux, en Province de Luxembourg, au bord de l'Ourthe, à deux pas du joli village de Hotton [lien Google Maps]. De temps en temps, avec d'autres délégués syndicaux, mon père y suivait des formations... Et l'été, nous y allions en villégiature. Il y avait une plaine de jeu, un mini-golf, un château faisant office d'hôtel et de restaurant, un parc, un étang et des bungalows. C'est là, à douze ans, que j'ai vécu mes premiers petits bisous (un truc très, très soft) avec une fille du nom de Sylvie, qui était amoureuse de moi. C'était il y a... euh... vingt ans, bordel ! (Le jour où ce joli coin de nature a été liquidé pour devenir un centre de réfugiés, tout un pan de mon enfance très heureuse a disparu d'un seul coup.)
En soirée, Léandra, assez angoissée, me contacte pour savoir si je suis à la Maison du Peuple de Saint-Gilles, car je lui avais affirmé hier que j'y passerais une grande partie de mes soirées cette semaine. Je n'y suis pas : je me suis ravisé et, au moment où elle m'écrit, je stagne déjà, telle une larve, emmitouflé dans mes draps.

L'adjoint du grand détective

Gaëlle ne parle plus de Dieu aujourd'hui. À la place, elle s'intéresse brièvement au futur : « On n'est jamais certain de ce qui se passera dans le futur. Si je dis : "Demain, je serai chez maman", c'est vrai que je serai sans doute chez maman mais, par contre, je ne sais pas ce que j'y ferai. C'est comme ça : on ne peut pas connaître le futur ! »

Plus grande est la projection dans l'avenir, plus difficile est la prévision. Les temps lointains se perdent dans une improbable brume. C'est vrai en météorologie comme en sciences politiques... C'est ce qui rend les bons romans de science-fiction si impressionnants : comment des auteurs comme John Brunner ou George Orwell ont-il réussi à entrevoir avec tant de précision ce monde futur dont ils ne pouvaient observer, en leur temps, qu'une mince ébauche ?

« Ouvrant la porte au médecin, prête à s'excuser d'avoir les mains enfarinées — elle était en train de faire son pain — Mrs. Byrne fronça les narines. De la fumée ! Et si elle la sentait avec le rhume de cerveau qu'elle avait, il fallait que ce soit un gigantesque incendie !
— Il faudrait prévenir les pompiers ! s'exclama-t-elle. Est-ce que c'est une meule de foin ?
— Les pompiers auraient du chemin à faire, lui dit le médecin gravement. Ça vient de l'autre côté de l'Atlantique. Le vent souffle fort, aujourd'hui. »
(La fin du Troupeau aveugle de John Brunner [1972] donne envie de le lire, n'est-ce pas ?)
Une figure récurrente de nombreux romans policiers : celle du candide qui accompagne le grand détective dans tous ses déplacements, à la recherche de « la vérité »... Hercule Poirot a son capitaine Hastings, Sherlock Holmes son docteur Watson, etc. Même si ce personnage secondaire est très souvent limité dans ses mouvements, il apporte quelque chose d'essentiel à l'enquête, à savoir un autre point de vue, beaucoup plus naïf mais néanmoins déterminant. Combien de fois n'entend-on pas Hercule Poirot s'écrier : « Mais bien sûr ! » après qu'une remarque apparemment anodine du capitaine lui a fait découvrir une pièce capitale du puzzle ?

C'est comme ça aussi chez W. ! Car le philosophe a souvent vécu exactement à la manière d'un grand détective : il lui fallait la présence d'un ingénu (Pinsent, Skinner...) à ses côtés pour stimuler sa pensée.

Afin de tromper ses adversaires, Poirot — c'est lui-même qui l'explique dans Drame en trois actes — se fait passer pour plus bête qu'il ne l'est. Une de ses stratégies préférées est de mal parler anglais, de manière à être grandement sous-estimé par le meurtrier. Dans les derniers chapitres, c'est à chaque fois le coup d'éclat et la balance s'inverse d'un seul coup !

On l'aura compris : je traverse en ce moment une phase « vieux romans policiers ». En fait, on pourrait dire que je ne change jamais de centre d'intérêt : romans policiers, science-fiction et philosophie traitent exactement de la même chose, avec des mots sensiblement différents.

On pourrait aussi ajouter le Western dans cette liste, tout comme la pratique de l'Histoire. Tout est lié ! La différence entre une enquête policière, une investigation philosophique, une recherche historique, un récit de science-fiction et un duel de six coups est beaucoup plus maigre qu'on ne le croit !

Léandra, Jonas et moi arrivons presque au même moment au Parvis de Saint-Gilles. Elle et moi sommes là pour l'échange : elle me passe son petit netbook et je lui rends son grand portable sans batterie et à la ventilation plus que douteuse. Que deviendrais-je sans le soutien logistique de mon amie ? (Pas grand-chose, je le crains.)

Léandra a amené Jonas pour tenter de lui changer les idées. Le pauvre stresse parce qu'il a mal et parce qu'on va peut-être bientôt devoir l'opérer. Et il n'est pas content parce que certains médecins lui disent qu'il n'a... rien du tout.

C'est vrai qu'il n'a pas l'air dans son assiette. Il veut rentrer chez lui mais nous arrivons tout de même à le convaincre de venir manger un paquet de frites en notre compagnie, chez Léandra. L'occasion de tester à nouveau Nonsense, le jeu de société qui consiste à insérer un ou plusieurs mots à l'intérieur d'une histoire improvisée sur un thème déterminé. — Ce jeu a tendance à nous stresser, Léandra et moi. Par contre, Jonas semble à l'aise. Sur le chemin du retour, il m'avouera d'ailleurs avoir passé une agréable soirée, qui lui a permis de « penser à autre chose ».

Le Centre sous la pluie

Le ciel est gris lorsque je descends du train, en gare de La Louvière-Sud. Zapata a loué une voiture pour la journée et doit passer me chercher d'un instant à l'autre. Il est le joyeux organisateur d'une excursion d'un jour dans la région du Centre... Un événement plus que réussi malgré le mauvais temps puisqu'il réunira treize personnes réparties au sein de trois véhicules : Zapata, Amy, Tom, Ophely, leur bébé Sophia, Ophely II, Bastien, Pietro, Ismerie, Sandro & Sandra (un couple d'Espagnols que je ne connaissais pas) et moi.

Il est avant tout question de montrer à ce groupe un des fleurons du patrimoine industriel de la région du Centre reconverti en Écomusée, à savoir le charbonnage et la cité du Bois-du-Luc, dans la périphérie de La Louvière. Le site vient d'être inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Il s'agit d'un exemple unique et extrêmement bien conservé d'habitat ouvrier qui fonctionnait en autarcie sous la direction d'un patron paternaliste. À Bois-du-Luc, les gueules noires et leurs familles n'avaient nul besoin de sortir de leur environnement clos, car ils avaient absolument tout ou presque à portée de la main : leur (petit) logement, une épicerie, une salle des fêtes, une école, un hôpital, un hospice, une église, etc.

J'ai travaillé plus d'un an et demi comme guide dans cet écomusée et, se disent mes amis, je vais pouvoir leur faire une visite personnalisée de l'ancien site charbonnier. Ils se trompent et c'est tant mieux ! Car nous sommes accueillis par mon ancien collègue Alan, qui se fera un plaisir de nous guider à travers l'ancien charbonnage, en compagnie de Florentin, son fils de huit ans, qui connaît la visite par cœur (le pauvre). Alan est le meilleur des guides. Il exerce ce métier depuis tellement d'années qu'il connaît tout sur le bout des doigts : la législation sociale, l'histoire de la société charbonnière (qui s'étale sur plus de trois siècles) ainsi que des milliers d'anecdotes...

Alan nous explique que la visite ne durera qu'un peu plus d'une heure, car « une partie du parcours a été réquisitionnée pour une exposition réalisée par la ville ». Je ris intérieurement : une visite de seulement une heure avec Alan, c'est impossible ! De fait, deux heures plus tard, nous sommes toujours en sa compagnie à l'intérieur du puits d'extraction : « Cette partie de la visite ne durera qu'un petit quart d'heure », nous lance-t-il à nouveau. Tu parles ! (Comment diantre fait-il pour parler aussi longtemps devant la lampisterie ?) À plusieurs moments de la visite, il lâche au groupe : « Mais Hamilton vous expliquera sans doute tout cela mieux que moi ! » ou bien : « Hamilton, tu confirmes ? », alors qu'il est vachement plus calé que je ne le serai jamais. (C'est son côté humble à l'excès.)

« Dis donc, Hamil, il a l'air de bien t'aimer, ton ancien collègue... » (Bastien)
« Les visites sont toujours aussi bien ou c'est parce que t'es là ? » (Ophely)
« "Hamilton, tu confirmes ?" Haha ! » (Bastien)

Je serre chaleureusement la main d'Alan en guise d'au revoir. Je lui donne un bon pourboire — « Pour ton professionnalisme ! », lui dis-je — qu'il refuse plusieurs fois (évidemment), avant de le donner à son fils vu mon obstination. Sur le chemin du parking, je croise mes anciens collègues Giuseppe, qui a l'air très content de me voir (« La fifille va bien ? », « T'es séparé, c'est ça ? T'as retrouvé quelqu'un ? »), et Fatima (« Alors ? Ça va bien ? T'es revenu parce qu'on a eu la reconnaissance Unesco ? Haha ! »). Quoiqu'on en dise et malgré les anciennes petites tensions, le courant passe toujours aussi bien avec elle, je trouve...

Il est presque deux heures de l'après-midi lorsque je rejoins les douze autres au kiosque à musique pour le pique-nique. Ils ont emmené de quoi très bien manger : Sandro a préparé une délicieuse tortilla ; il y a de la baguette à volonté, de l'houmous, de la charcuterie, du fromage ; et pour le dessert, Bastien a même apporté des petits chocolats et de la compote. Pendant le repas, je reçois un coup de téléphone de Fred Jr : « Il paraît que t'es à Bois-du-Luc ? Je voulais y aller cet après-midi, j'ai téléphoné à Giuseppe et il m'a dit que tu venais de passer ! » (Les nouvelles vont vite dans cette région.)

Le pique-nique terminé, direction la brasserie Saint-Feuillien au Roeulx. Alan nous a gardé trop longtemps et il n'est hélas plus possible d'en faire la visite. Nous décidons donc d'aller nous poser dans un café du village. Oui, mais lequel ? Tous les bars sont curieusement fermés. Après avoir tourné un quart d'heure, nous finissons par trouver, à deux pas de la brasserie, un petit bistrot de quartier, avec ses éternels jeux d'argent et ses quatre ou cinq habitués.

« Hamilton, tu confirmes ? »


L'excursion dans la région du Centre se termine par la visite des ascenseurs à bateaux. Nous faisons tout d'abord un crochet par le nouvel ascenseur de Strépy-Thieu — le plus grand ascenseur à bateaux du Monde s'il vous plaît, avec ses 73,15 mètres de dénivelé ! — qui permet de relier le bassin de la Meuse à celui de l'Escaut en une seule fois.

« Hamilton, tu confirmes ? »

Nous sortons de la voiture éclairés par un timide soleil.
Nous observons le transfert de deux bateaux sous la pluie drue.
Nous revenons à la voiture éclairés par un timide soleil.
(Impression d'être à la page 54 des Sept boules de Cristal.) 

Après ce passage par Strépy-Thieu-le-léviathan, nous rendons visite aux quatre anciens ascenseurs à bateaux. Ces derniers, construits entre 1888 et 1917, ont exactement la même fonction que le nouvel ascenseur (à savoir relier les deux bassins fluviaux), tout en s'avérant évidemment beaucoup moins performants. Ils sont néanmoins beaucoup plus jolis et pittoresques que leur homologue moderne. Alors que ce dernier ressemble à un bâtiment LEGO très (trop) propret, entouré d'arbustes ridicules plantés avec une linéarité consternante, les vieux ascenseurs donnent ce sentiment de château fort abandonné recouvert de végétation. (C'est d'un romantique !)

« Hamilton, tu confirmes ? »

De retour à la gare de La Louvière-Sud, j'observe à nouveau la pluie remplir mon champ de vision. Il pleut tellement que les personnes sur le quai se montrent très réticentes à monter dans le train. Le contrôleur descend du wagon et crie à la cantonade : « Il pleut beaucoup pour un mois de novembre, hein ? » — Un classique qui fait toujours sourire !

« Hamilton, tu confirmes ? »

Blog à vitesse réduite III

Lorsqu'elle n'a plus accès à Internet avec son vieux PC sans batterie (dont j'ai la garde cette semaine), Léandra dispose d'un tour de passe-passe personnel pour faire revenir le Saint Wi-Fi : elle chipote quelques secondes au câble d'alimentation de l'ordinateur. Le plus incroyable dans cette histoire, c'est que ça marche (alors que ça ne devrait pas marcher).

Ma fille Gaëlle traverse en ce moment ce que l'on pourrait appeler une crise mystique. Elle croit en Dieu. Elle me montre une tasse et me dit : « Dieu, c'est tout, même cette tasse ! » ou encore : « Je sais que vous, vous ne croyez pas en Dieu, mais moi, j'y crois ! » Que faire ? Bah, rien ! La seule chose qui m'ennuie dans cette histoire, c'est le fait d'y percevoir forcément une influence extérieure, qui a priori ne peut être que l'école. Soit ce sont ses camarades de classe qui lui en parlent, soit c'est une de ses institutrices. Le premier cas serait anecdotique, le second terriblement inquiétant à l'intérieur d'une école publique. (À suivre...)

Un des potes syndicalistes de mon papa est de passage à la maison cet après-midi. J'en profite pour lui poser quelques questions sur le syndicat des employés, qu'il connaît bien : « Et lui, tu l'as connu ?  
— Ha oui, lui, il n'était pas bien. Il n'a jamais rien foutu, sauf quand il était question de voyage à l'étranger... Là, tu le voyais pointer son nez... » (Ça a le mérite d'être clair.) Plus tard, mon père lui explique brièvement cette histoire de délégation syndicale tombée « par hasard » dans un bordel (voir en date d'hier). Le copain se contente d'esquisser un sourire, mais c'est un sourire qui veut tout dire.

Mon père raconte que dernièrement, une nouvelle adjointe de direction est descendue dans l'atelier où il travaille : « Elle est allée voir untel et lui a dit : "Tu vois le ventilateur qui est là ? Eh bien dans la nouvelle chaîne de production, il n'y en aura plus !" » C'est le genre de comportement hautain et condescendant que mon papa déteste : « C'est quoi pour vous, ça, à votre avis ? C'est de la provocation, un point c'est tout ! Si j'avais été là à ce moment, j'aurais donné un coup de sifflet et hop : "Allez les gars, c'est bon, on arrête de travailler !" Qu'elle se prenne un arrêt de travail sur le dos, celle-là, pour qu'elle comprenne qu'on ne traite pas les gens de cette façon ! » — Et il aurait bien eu raison. 


Dans Drame en trois actes, l'épisode télévisuel des « nouvelles aventures » d'Hercule Poirot, cette peur de la part d'une des protagonistes d'être jugée par Poirot. Mais ce dernier lui répond quelque chose comme : « Je n'ai nul besoin de juger, Madame. Moi, j'enquête ! » — C'est une remarque beaucoup moins banale qu'on pourrait le croire de prime abord : il s'agit de mettre sur un piédestal la recherche de la seule vérité, sans jamais prendre en compte les conséquences (le jugement qui s'ensuivra) ni la morale. Vu sous cet angle, le commentaire de Poirot apparaît comme une jolie petite saillie philosophique. 

Les dernières lignes du livre : « Sapristi ! s'écria [Monsieur Satterthwaite]. J'y pense. N'importe lequel d'entre nous aurait pu boire le cocktail empoisonné de ce gredin ! Moi par exemple.
— Une autre catastrophe plus terrible encore et à laquelle vous n'avez pas songé aurait pu se produire.
— Quoi donc ?
— Tiens, parbleu ! Cela aurait pu être MOI ! répondit Hercule Poirot. »
(Poirot, l'ultime solipsiste : encore et toujours de la philo !)

Léandra est revenue de Marseille et me demande quand nous procéderons à l'échange, car son ordinateur au ventilateur très bruyant lui manque. L'échange... Cela signifie-t-il que je pourrai récupérer son petit PC ? Alléluia ! La période de vaches maigres est passée ! Je vais recommencer à écrire dans le train de longs articles inintéressants !