1. Univers-sablier

1.0. Soudain, j'ai convenu d'un commun accord avec... euh... moi-même que je numéroterais tous les paragraphes à l'aide d'une cote unique. Le numéro le plus à gauche correspondrait à la journée (ici « 1 », car c'est la première journée réellement numérotée) ; le suivant à une thématique (ici « 0 » car il s'agit de l'explication du concept) ; le troisième à un aspect plus particulier de cette même thématique ; le quatrième... Nul besoin d'aller plus loin dans l'explication car tout le monde a compris.

1.0.1. Dans dix ans, je pourrai fièrement affirmer : « Oui, cette pensée, je l'ai déjà eue au point 619.8.5.3 ! »32

1.0.2. Rien de bien original. On dirait le Tractatus, mais en beaucoup plus con.

1.0.3. Je ne tiendrai pas dix jours ! 
1.0.3.1. J'entends presque Léandra soupirer : « Tant mieux ! » (...)
1.0.3.2. (...) et aussi penser : « C'est l'idée la plus idiote qu'il ait eue depuis longtemps ! »
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1.1. Ce dimanche après-midi — chose rare —, j'ai décidé de travailler... pour mon boulot ! Non pas que je sois un fanatique du travail du dimanche (je suis même farouchement opposé à cette abomination dans de nombreux secteurs), mais il s'agit ici d'écrire un article, et quand il est question d'écriture, il faut se laisser guider par l'humeur du moment et non par de ridicules contraintes horaires. Aujourd'hui, mes pensées s'agencent avec aisance et ce serait une grossière erreur de ne pas en profiter.

1.1.1. Qui donc a décidé que travailler du lundi au vendredi de 8h30 à 17h constituait une norme ? Car de manière générale, pour ma part, je suis beaucoup plus performant la nuit. Et de manière particulière, je suis plus performant... quand je suis plus performant. Point.

1.1.1.1. L'idée même que la production (manuelle comme intellectuelle — mais y a-t-il une différence ?) doive se faire selon un créneau horaire fixe pendant un nombre donné d'heures par semaine est complètement ridicule. Pire : c'est une aberration.

1.1.1.2. Rectification : autant je peux concevoir que cela puisse être une forme de routine réconfortante pour certains, autant je trouve que c'est une aberration pour moi (et sans doute pour de nombreuses autres personnes).

1.1.2. Aujourd'hui, je m'intéresse entre autres à l'évolution du secteur « Commerce » en Belgique. Depuis les années 1960, qui marquent la suppression de la « loi de cadenas » (empêchant l'expansion des grandes surfaces), l'appareil commercial belge a évolué d'une manière explosive. Cette évolution a été retracée dans une épaisse monographie signée Nicolas Coupain (ULB) intitulée La distribution en Belgique. Trente ans de mutations (Éditions Racine, 2005).

1.1.2.1. C'est bien foutu, c'est synthétique et ça retrace les grandes évolutions du secteur commercial, principalement de 1975 à 2005, en plongeant néanmoins certaines racines plus loin dans le passé, jusqu'à l'immédiat après-guerre.

1.1.2.2. J'y apprends notamment quelques éléments de définition, comme la différence entre grand magasin, supermarché et hypermarché (oui, je sais, ça peut paraître évident...). Alors que « grand magasin » signifie, du moins à l'origine, une grande surface à dominante non-alimentaire, s'étendant sur plusieurs étages en plein cœur des centres-villes (comme l'Innovation), les termes « supermarché » et « hypermarché » se réfèrent davantage à ces formes de distribution en libre-service à dominante alimentaire (avec souvent des composantes non-alimentaires) en pleine expansion à partir des années 1960. J'apprends par ailleurs que la différence fondamentale entre supermarché et hypermarché est avant tout une bête question de surface (respectivement moins ou plus de 2500 m²).
1.1.2.3. Autre concept intéressant : celui du déclin des centres-villes au profit de la périphérie... Une sorte de force centrifuge qui entraîne une partie de la population vers la banlieue, loin des loyers chers et de l'engorgement automobile. Fort logiquement, les commerces suivent cette tendance et les années 1970 seront celles du déclin des grands magasins de l'hypercentre au profit des magasins « à succursales multiples » faisant partie d'un réseau décentralisé alimenté par une maison-mère (l'exemple en or, du moins en Belgique, étant les supermarchés Delhaize).

1.1.2.4. (Ne pas faire attention à cette partie. Écrire cela ici me permet tout simplement de digérer cette putain de matière.)
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1.2. Andrew me rejoint à la terrasse de la Maison du Peuple dans le courant de l'après-midi. Il m'a envoyé un message pour me signaler qu'il arrivait mais je ne l'ai pas reçu. Il doit lui aussi travailler pour son boulot... Écrire une étude... Lire un énorme tas de notes en anglais écrites par un think tank spécialisé dans l'information stratégique.

1.2.1. « Tu as entendu parler de cette histoire de physicien indien qui a développé la théorie d'un univers en forme de sablier ? » — Non seulement je n'en ai pas entendu parler, mais en plus je n'ai pas réussi à retrouver sa trace sur Internet, et enfin je ne suis même plus certain qu'on ait réellement discuté de cela ce dimanche soir.

1.2.2. Toute cette vie ne ressemble à rien, mais cela ne nous empêche pas de boire ce verre de bière en terrasse ! — Je ne place pas cette phrase d'Andrew entre guillemets car, à nouveau, je ne suis plus du tout certain de sa formulation, ni même qu'il l'ait réellement prononcée.

1.2.3. Rentrer quand le ciel se couvre est parfois une bonne idée, et particulièrement aujourd'hui. Est-ce moi où le vent s'est levé d'un seul coup, accompagné de pluie et de gros nuages noirs ?

1.2.4. Andrew s'en va et je retourne dans mes grands magasins. Le déclin du Grand Bazar de Liège était-il inéluctable ?
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1.3. Putain, qu'est-ce que je m'emmerde !

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