Ombre & lumière

Au réveil, toujours cette envie de reprendre mon souffle, comme si j'émergeais à la surface d'un océan après une longue balade sous-marine sans oxygène. Faire de l'apnée, alors que je ne sais même pas nager, quelle ironie !

Je suis déjà fatigué avant même de commencer la journée et j'ai le plus grand mal à décoller de mon lit. Il faut pourtant que je sorte, que je m'aère, que je quitte l'environnement vicié de ma chambre... Les météorologues ont — enfin ! — annoncé l'arrivée du soleil cet après-midi. Hamilton, bordel, lève-toi et va faire un tour !

À la Maison du Peuple, en début d'après-midi, je fais semblant d'être en forme, mais j'ai évidemment la triste impression de tricher sur toute la ligne. Je demande au nouveau serveur : « Alors, t'as bien fêté le 21 juillet ? », comme si cette question et sa réponse avaient la moindre importance à mes yeux. Il me répond : « Non, non, je ne suis pas Belge ! » Vu son accent, il est Français, mais il aurait tout de même pu faire la fête !

Une autre serveuse, nouvelle elle aussi, dira par contre un peu plus tard à l'une de ses collègues : « Moi, je n'ai pas dormi du tout cette nuit ! »

Je rédige sans conviction la journée d'hier avant de m'installer en terrasse, en compagnie de Tous à Zanzibar de John Brunner. Je relis les passages du roman où le sociologue de génie Chad Mulligan, un rien alcoolique tout de même, livre sa vision pessimiste et désabusée de l'humanité.
À ma droite, trois anglophones ; derrière moi, des anglophones ; partout, des anglophones. Je me rattache à l'une des seules conversations francophones à portée d'oreilles, tenue par deux jeunes femmes : « Il y avait un monde fou au feu d'artifice, hier... Et les gens couraient pour trouver une bonne place... C'était la folie ! »

Le Parvis de Saint-Gilles a la particularité d'être extrêmement bien positionné par rapport à l'ensoleillement. Le matin, le marché est plongé dans l'ombre rafraîchissante des bâtiments et ce n'est qu'en milieu d'après-midi que le soleil, pas trop éloigné du Zénith, fait sa flamboyante apparition sur le rebord de la façade du café « Le Louvre ». Ensuite, il suit lentement sa courbe descendante pour finir par se cacher derrière la tour de l'église Saint-Gilles et ne réapparaître que subrepticement. En soirée, par beau temps, le mélange d'ombre et de lumière est magique ! — Magique sauf qu'en l'occurrence, l'astre du jour me brûle les yeux... Je repars donc à l'intérieur du café pour quelques heures.

Andrew me rejoint en début de soirée. Il fait délicieusement bon et il y a, curieusement, de la place en terrasse. Nous buvons deux verres de rosé désaltérants. Un élément de discussion : l'émission Noms de dieux, présentée par Edmond Blattchen, dont Andrew regarde en ce moment des rediffusions. — Noms de dieux : une émission que je devais presque visionner en cachette la nuit quand j'étais adolescent, tellement papa et maman ne pouvaient pas la blairer. De nombreux illuminés sont passés par là et je crois que c'est ce qui énervait mes parents au plus haut point, en plus de l'aspect extrêmement formel de l'ensemble. Moi, au contraire, j'adorais ce genre de dialogue, parce que la plupart des invités proposaient une vision opposée ou très différente de la mienne, et aussi parce que le présentateur les laissait parler avec respect, sans aucune coupure intempestive. Blattchen est là pour mettre en valeur ses invités, et non l'inverse. (Regard méprisant vers Ruquier, son humour potache et sa clique de m’as-tu-vu.)

Nous rejoignons Léandra au bowling du Centre-ville vers 21 heures. Jonas n'est pas là : il a mal, il n'est pas bien, il se repose. Deux parties jouées de manière inconstante, une piste à problèmes (quilles coincées dans la rigole, caoutchouc qui pendouille...) et puis nous voilà déjà repartis vers nos domiciles respectifs.

J'ai envie de suivre des cours de bowling et également — mais alors rien à voir ! — de me mettre au dessin, avec pour objectif ultime de faire de l'animation (oui, oui, ne pas rigoler, merci...). Ça fait des années que je dis que je vais me lancer dans l'aventure (Léandra confirmera), en autodidacte évidemment. Et puis je postpose, je postpose... à l'infini. Car il faudrait, pour ce faire, que j'achète de bons bouquins d'apprentissage, du bon matériel de dessin (feuilles, crayons...) et surtout que je passe des centaines de soirées de travail à mon appartement, coupé du monde... Ça ne me refroidit nullement, mais je postpose quand même.

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