Âge d'Or

Deux heures de sommeil... — Ce n'est pas assez, et je le sais très bien. Mais que veux-tu ? Que je rentre chez moi à onze heures du soir, après une longue journée de travail, et que je me mette directement au lit, sans prendre un bon bain chaud, sans écouter de la musique, sans me détendre devant une série, sans jouer, sans lire, sans écrire ? — Tu me demandes l'impossible, et tu le sais très bien !

Quel est le lien entre ces trois citations ? — « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire. » (Voltaire) ; « Je crains le jour où la technologie dépassera l'homme. Le monde aura alors une génération d'idiots. » (Albert Einstein) ; « Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu'au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis. » (Thomas Jefferson). Réponse : elles n'ont jamais été écrites ou prononcées par les personnalités placées dans les parenthèses ; elles font partie de ces nombreuses phrases apocryphes qui pullulent sur la Toile et, tristement, au-delà. — Il s'agit au mieux d'un manque de renseignement, au pire d'une flagrante malhonnêteté intellectuelle. C'est la raison pour laquelle, face à toute citation inconnue, le réflexe devrait rester inchangé : vérifier, vérifier et vérifier encore que le texte est authentique, autrement dit qu'il n'est ni tronqué, ni augmenté, ni simplement créé de toutes pièces dans le but de convaincre.

Le déclin de la civilisation. — « Durant l'Âge d'Or, nous vivions en harmonie avec notre environnement : nous respirions un air pur, nous batifolions dans l'allégresse de notre enfance par trop naïve. Nous voletions tels de jeunes papillons tout juste sortis de leur chrysalide. Nous avions un faible pour les coins sombres et chauds. Avides de nourriture, nous passions notre existence dans les céréales, que nous croquions avec l'insouciance renouvelée d'êtres qui n'ont connu ni la privation, ni la sécheresse, ni l'épidémie. Puis un dieu féroce est arrivé. Un rédempteur. Notre Rédempteur. Il nous a appris abruptement que toute nonchalance a un prix ; qu'à une période de faste et de bonheur succède toujours une autre, bien plus triste, aride et funeste. Il a d'abord réduit, d'une simple pression de son immense doigt, nos petits corps fragiles en poudre noire sans vie. Ensuite, il a abattu sur nous le Fléau : un air putride et nauséabond annihilant toute conscience et interdisant à nos ailes de battre. (A-t-on jamais vu pareil phénomène ? À quoi nos ailes servent-elles si nous ne pouvons plus les contrôler ?). L'agonie fut longue et douloureuse pour nombre d'entre nous, et aujourd'hui, je suis la dernière survivante d'une antique civilisation luxuriante : un insecte solitaire, caché dans les recoins de ce lieu devenu tout à coup terriblement hostile ; une pyrale qui a vu ses amis et sa famille s'étioler sous les attaques répétées de ce dieu sans cœur ; une mite terrorisée qui n'attend plus rien de la vie, si ce n'est de décliner et de mourir à son tour, en se souvenant de ces jours heureux pas si lointains, de ce blé abondant, de cette "mine de diamants" devenue en quelques semaines le pire des pièges, le pire des cauchemars éveillés. — "Je me souviens" : telles seront mes dernières paroles quand le Rédempteur abattra son doigt vengeur sur mon enveloppe diaphane... "Je me souviens et je ne regrette rien." »

≠. — Je suis installé à ma place habituelle (dans mon fauteuil de bureau, devant la table bancale, à l'orée de ma chambre) ; Mary est elle aussi installée à sa place habituelle (dans son fauteuil rond et confortable, dos à la cuisine, devant la table de la salle à manger). Nous avons tous les deux un endroit habituel. Nous avons accepté une routine, sans vraiment nous en rendre compte.
« Tu connais le groupe "Fauve" ? », me demande-t-elle en fin de soirée.
« Ha oui, c'est pas mal, en effet... », dis-je un quart d'heure plus tard.
« Je remets "Kané" ? » (Encore plus tard.)
« Mets "Nuits Fauves", pour voir... »
« Tu peux remettre encore une fois "Kané" ? »
« J'adore ce moment où la guitare reprend le dessus... »
« Tu peux remettre "Kané" à nouveau ? »
« C'est vraiment une putain de bonne chanson ! »

Kané by FAUVE on Grooveshark

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