(La description qui suit fera sans doute un peu fleur bleue mais elle est néanmoins globalement exacte.) À la sortie de mon appartement en ce tout début d’après-midi, le bruit habituel des voitures est remplacé par celui des enfants qui jouent dans les rues, avec leur ballon ou leur skateboard, ou par les discussions de quelques familles à vélo. Ça ressemble presque à un album de Quick et Flupke : les rues de Bruxelles avec seulement quelques voitures, ça fait forcément un peu rétro.
Plus qu’une lutte contre la pollution, cette journée est surtout celle de la réappropriation de la voie publique par d'autres types d’usagers, une journée où la ville est métamorphosée, revêt d'autres habits. Bref, c’est lors de cette journée sans voiture qu’on se rend réellement compte de l’omniprésence de la bagnole durant les journées avec voitures (presque tout le temps donc).
Je rejoins Léandra à la Maison du Peuple de Saint-Gilles (repère de bobos ?) vers 13 heures. L’idée n’est pas de rester plantés là ce dimanche, mais plutôt de profiter de la ville exceptionnellement piétonne. Léandra doit juste, avant de partir pour le Centre-ville, préparer sa leçon de demain (elle donne bénévolement un cours de français le lundi soir dans une asbl d’alphabétisation, la même que Charles-Henri). Quant à moi, je dois écrire ma journée d’hier. C'est un peu loupé et pour Léandra et pour moi (nous ne sommes pas très concentrés). Léandra rentre rapidement se changer chez elle. Je reste un peu seul à ma table puis la rejoins vers 15h30 à l'entrée du métro de la Porte de Hal. Pas de chance : il commence à pleuvoir plus ou moins à ce moment-là (du genre "grosses gouttes automnales qui mouillent bien").
Nous allons faire un tour Place Poelaert. Léandra se souvient que l’année dernière, ils avaient installé une pelouse, là-bas. Rien de tout ça cette année-ci devant le Palais de Justice : juste un peu de musique FM, un stand de prospectus et quelques trucs à bouffer. Nous ne nous éternisons donc pas et décidons de nous rendre dans le Centre-Ville à pied. Plein de gens attendent à l’ascenseur des Marolles. Bruxelles, ce n’est ni Londres, ni Montréal : la plupart des habitants sont des gros bœufs impolis pour qui le concept de file d’attente n’existe pas. Comme dans les métros, c’est donc "premier entré, premier servi". Évidemment, comme d’habitude, ça m’énerve de voir que des gens tentent de nous dépasser par la gauche et par la droite.
Si Léandra et moi sommes au Moeder Lambic, c'est aussi pour y voir Daniel, son nouveau "grand pote". C'est la première fois que je vois ce type. C'est un grand gars du genre barbu et cool, qui frime un peu en arrivant en rollers (bon, d'un autre côté, c'est la journée sans voiture, alors pourquoi pas ?). Daniel travaille dans l'infographie. Sur Foursquare (je ne sais même pas ce que c'est ; je dois passer pour un abruti), il est maire du Moeder Lambic Fontainas, ce qui signifie qu'il est, d'après ce jeu, celui qui a cumulé le plus de "check-ins" à cet endroit durant les derniers mois. Il connaît tous les serveurs de la maison (normal : c'est le maire). Dans la vie, en plus de son boulot de graphiste, Daniel photographie des groupes musicaux. Ce dimanche, il revient des Fêtes de Wallonie à Liège (et se fout d'ailleurs un moment de l'accent liégeois en racontant l'histoire – vraie – d'un gars bourré à qui son ami voulait absolument faire manger un "routier"). À Liège, il a notamment assisté au concert du groupe bruxellois Great Mountain Fire. (Ça commence à faire beaucoup d'hyperliens, tout ça...)
Andrew arrive en début de soirée, un peu en retard : il croyait que nous étions à l'autre Moeder Lambic, à Saint-Gilles. Daniel s'en va, Léandra s'en va (plus tard), Andrew et moi rejoignons Walter à Saint-Gilles. L'idée d'Andrew : aller manger dans le restaurant italien près de Louise où le patron s'est "plaint" auprès de ses parents (des habitués de l'endroit) de ne plus voir leur fils. Ce sera, à coup sûr, le dernier restaurant que je ferai ce mois-ci. Le resto est très "italien", et très fréquenté. Nous devons attendre pour avoir une table, dans un coin. Certains serveurs ne parlent pas français, ou très peu. Un de ceux-ci est du genre Roberto Benigni ou Pierre Richard, dans le sens où il a l'air complètement paumé, se plante dans les commandes, raconte n'importe quoi. Bref, du grand burlesque. Le patron, quant à lui, ressemble curieusement au Juge Phelan dans The Wire.
La discussion tourne à un moment autour de Leslie Nielsen et des films de ZAZ (Zucker-Abrahams-Zucker) : la fameuse scène de sexe avec les préservatifs géants ou celle de la poursuite en voiture d'auto-école dans Naked Gun ; ou encore la scène où le lieutenant Rex Cramer lutte contre des Témoins de Jéhova et d'autres sectaires dans Airplane! Je finis par parler de Top Secret, un film méconnu des mêmes auteurs, qu'il faut absolument voir !
La soirée se termine tôt. Walter me reconduit en voiture. Je veux écrire et puis, euh, non. Pas le courage. Ce sera pour demain dans le train !