Journée sans voiture & avec bières californiennes

Ce dimanche, c’est la journée sans voiture à Bruxelles : presque aucun véhicule ne circule dans la capitale. Seuls les transports en commun (légèrement renforcés) et les taxis peuvent rouler, ainsi qu’évidemment les ambulances, les pompiers, les forces de l’ordre... Quelques automobilistes aussi, qui ont réussi à dégoter une dérogation spéciale.

À chaque journée bruxelloise sans voiture, c’est le même cinéma du côté des réacs frustrés. C’est plus fort que moi : en ce dimanche mi-ensoleillé/mi-pluvieux, je ne peux pas m’empêcher d’aller lire leurs messages de haine sur les forums et sur les sites de presse, de les voir s’exciter tout seuls devant leur écran face à cette "abominaaaable privation de liberté" montée de toutes pièces par quelques "écolo-bobo-gauchistes-qui-n’ont-que-ça-à-foutre". Après correction des fautes d’orthographe, le message qu’ils veulent faire passer est à peu de chose près celui-ci : "À chaque journée sans voiture, on a droit à des embouteillages monstres à l’entrée de Bruxelles : ça nous fait perdre du temps et la pollution est encore plus forte que d’habitude. Tout ça pour quelques allumés en patins ou quelques jeunes cons à vélo, qui feraient bien d’aller étudier ou bosser".

Pour ma part, adorant marcher, n’ayant pas de voiture (ne sachant même pas conduire, pour tout dire), faisant tous mes déplacements en transport en commun et étant sans doute catégorisé par les râleurs ci-dessus – à tort ou à raison ; je m’en contrebalance en fait – dans cette catégorie imaginaire dite des "écolo-bobo-gauchistes", je me réjouis de cette journée...

(La description qui suit fera sans doute un peu fleur bleue mais elle est néanmoins globalement exacte.) À la sortie de mon appartement en ce tout début d’après-midi, le bruit habituel des voitures est remplacé par celui des enfants qui jouent dans les rues, avec leur ballon ou leur skateboard, ou par les discussions de quelques familles à vélo. Ça ressemble presque à un album de Quick et Flupke : les rues de Bruxelles avec seulement quelques voitures, ça fait forcément un peu rétro. 

Plus qu’une lutte contre la pollution, cette journée est surtout celle de la réappropriation de la voie publique par d'autres types d’usagers, une journée où la ville est métamorphosée, revêt d'autres habits. Bref, c’est lors de cette journée sans voiture qu’on se rend réellement compte de l’omniprésence de la bagnole durant les journées avec voitures (presque tout le temps donc).

* * *


Je rejoins Léandra à la Maison du Peuple de Saint-Gilles (repère de bobos ?) vers 13 heures. L’idée n’est pas de rester plantés là ce dimanche, mais plutôt de profiter de la ville exceptionnellement piétonne. Léandra doit juste, avant de partir pour le Centre-ville, préparer sa leçon de demain (elle donne bénévolement un cours de français le lundi soir dans une asbl d’alphabétisation, la même que Charles-Henri). Quant à moi, je dois écrire ma journée d’hier. C'est un peu loupé et pour Léandra et pour moi (nous ne sommes pas très concentrés). Léandra rentre rapidement se changer chez elle. Je reste un peu seul à ma table puis la rejoins vers 15h30 à l'entrée du métro de la Porte de Hal. Pas de chance : il commence à pleuvoir plus ou moins à ce moment-là (du genre "grosses gouttes automnales qui mouillent bien").

Nous allons faire un tour Place Poelaert. Léandra se souvient que l’année dernière, ils avaient installé une pelouse, là-bas. Rien de tout ça cette année-ci devant le Palais de Justice : juste un peu de musique FM, un stand de prospectus et quelques trucs à bouffer. Nous ne nous éternisons donc pas et décidons de nous rendre dans le Centre-Ville à pied. Plein de gens attendent à l’ascenseur des Marolles. Bruxelles, ce n’est ni Londres, ni Montréal : la plupart des habitants sont des gros bœufs impolis pour qui le concept de file d’attente n’existe pas. Comme dans les métros, c’est donc "premier entré, premier servi". Évidemment, comme d’habitude, ça m’énerve de voir que des gens tentent de nous dépasser par la gauche et par la droite.

Arrivés du côté d’Anneessens, nous allons manger chez... McDonald's™ (ha bon ?), puis nous marchons jusqu’à la Place De Brouckère pour voir s’il s’y passe quelque chose. Réponse : non, il ne s'y passe rien. Demi-tour vers la Place Fontainas et le Moeder Lambic, où ce week-end la brasserie propose un festival de bières. Le concept : une vingtaine de pompes contenant de la bière produite par une micro-brasserie californienne du nom de Stone Brewing Co. (5 euros la consommation : ah ouais, quand même !). En réaction aux bières commerciales de plus en plus sucrées et/ou fruitées, les brasseries "artisanales" proposent des bières de plus en plus amères. La preuve avec la première bière que j'ai goûtée, portant le doux nom d'Arrogant Bastard Ale, une "presque brune" à 7,2% d'alcool, très originale mais à l'amertume prononcée. Léandra prendra une "ale" blonde, amère également mais quand même vachement moins que la mienne. Deuxième verre pour ma part : La Stone Cali-Belgique IPA (IPA signifie "India Pale Ale" dans le jargon de la bière anglo-saxonne), une bière extrêmement houblonnée, qui sent délicieusement bon, brassée à partir de malt d'orge d'origine belge. Le serveur, qui aime bien parler avec les clients et expliquer les différentes sortes de bières (c'est clairement le genre de la maison) me dira que l'orge vient de la brasserie Dupont (les producteurs de la fameuse "Moinette" et "Saison").

Si Léandra et moi sommes au Moeder Lambic, c'est aussi pour y voir Daniel, son nouveau "grand pote". C'est la première fois que je vois ce type. C'est un grand gars du genre barbu et cool, qui frime un peu en arrivant en rollers (bon, d'un autre côté, c'est la journée sans voiture, alors pourquoi pas ?). Daniel travaille dans l'infographie. Sur Foursquare (je ne sais même pas ce que c'est ; je dois passer pour un abruti), il est maire du Moeder Lambic Fontainas, ce qui signifie qu'il est, d'après ce jeu, celui qui a cumulé le plus de "check-ins" à cet endroit durant les derniers mois. Il connaît tous les serveurs de la maison (normal : c'est le maire). Dans la vie, en plus de son boulot de graphiste, Daniel photographie des groupes musicaux. Ce dimanche, il revient des Fêtes de Wallonie à Liège (et se fout d'ailleurs un moment de l'accent liégeois en racontant l'histoire – vraie – d'un gars bourré à qui son ami voulait absolument faire manger un "routier"). À Liège, il a notamment assisté au concert du groupe bruxellois Great Mountain Fire. (Ça commence à faire beaucoup d'hyperliens, tout ça...)

Andrew arrive en début de soirée, un peu en retard : il croyait que nous étions à l'autre Moeder Lambic, à Saint-Gilles. Daniel s'en va, Léandra s'en va (plus tard), Andrew et moi rejoignons Walter à Saint-Gilles. L'idée d'Andrew : aller manger dans le restaurant italien près de Louise où le patron s'est "plaint" auprès de ses parents (des habitués de l'endroit) de ne plus voir leur fils. Ce sera, à coup sûr, le dernier restaurant que je ferai ce mois-ci. Le resto est très "italien", et très fréquenté. Nous devons attendre pour avoir une table, dans un coin. Certains serveurs ne parlent pas français, ou très peu. Un de ceux-ci est du genre Roberto Benigni ou Pierre Richard, dans le sens où il a l'air complètement paumé, se plante dans les commandes, raconte n'importe quoi. Bref, du grand burlesque. Le patron, quant à lui, ressemble curieusement au Juge Phelan dans The Wire.

La discussion tourne à un moment autour de Leslie Nielsen et des films de ZAZ (Zucker-Abrahams-Zucker) : la fameuse scène de sexe avec les préservatifs géants ou celle de la poursuite en voiture d'auto-école dans Naked Gun ; ou encore la scène où le lieutenant Rex Cramer lutte contre des Témoins de Jéhova et d'autres sectaires dans Airplane! Je finis par parler de Top Secret, un film méconnu des mêmes auteurs, qu'il faut absolument voir !

La soirée se termine tôt. Walter me reconduit en voiture. Je veux écrire et puis, euh, non. Pas le courage. Ce sera pour demain dans le train !

Laisser un commentaire