Les hésitations d'un pauvre historien

1. Toujours plus haut ! L'air chaud monte toujours plus haut ! Je n'ai rien contre cette loi physique si ce n'est que le « toujours plus haut » en question correspond en l'occurrence au dernier étage d'un immeuble au toit plat. Mon appartement.
J'ouvre la fenêtre de la salle à manger et, à l'opposé, celle de ma chambre. Cela créera-t-il le salutaire courant d'air que Mister Hamilton attend dans la moiteur de ses draps ? Que nenni ! La seule différence consiste en ce minuscule mais néanmoins horrible claquement de porte, d'autant plus horripilant que ledit Hamilton ne perçoit aucunement le mouvement d'air qui l'actionne. C'est un fantôme, pardi ! — Vite, vite, appeler le Docteur Sangsue !
Voilà-t-y pas qu'Hamilton commence à parler de lui à la manière d'Hercule Poirot : à la troisième personne du singulier ! Ce n'est pas la première fois, ni sans doute la dernière. — Va te faire soigner, Hamilton ! (Ça n'a pas l'air de s'arranger : il parle désormais de lui à la seconde personne.)
2. Depuis deux nuits, je me réveille toutes les heures ou presque. La chaleur y est pour quelque chose mais ce n'est pas le seul élément déclencheur. Il y a aussi les cauchemars. Je rêve constamment que je réorganise le texte que je dois rédiger sur le syndicat des employés : dans mon songe, je déplace des paragraphes, j'en supprime d'autres et je réécris des parties entières... Puis je me réveille en sursaut : ce que j'ai écrit ne va pas du tout ! Chaque matin donc, après une nuit agitée, je rallume mon ordinateur pour déplacer des paragraphes, en supprimer d'autres et réécrire des parties entières, avant que le réarrangement rêvé ne s'efface à tout jamais de ma mémoire. Ensuite je me relis et je me dis que ça ne va toujours pas du tout ! — Et je refais des cauchemars la nuit suivante, etc.
J'ai l'impression, en relisant mon texte, d'être dans le constat général, de dégager de très grandes tendances, de faire dans l'induction (à la manière d'un philosophe raté)... Où se trouve l'histoire, les anecdotes — la vie ! — dans cette vue globalisante, bordel ? Je suis bien incapable de retracer l'existence de qui ou de quoi que ce soit : tout ce que je peux faire, c'est condenser à l'extrême, encore et toujours, et donc raconter quelque chose de faux, comme d'habitude.
Exemple : je lis que des employés du Commerce sont en difficulté et lancent une grève pour préserver leur emploi. Ce qui m'intéresse au plus haut point dans ce genre d'histoire, ce n'est pas la description détaillée et chronologique des faits, mais bien la tendance générale et structurelle : déclin des centres-villes ; mouvement centrifuge (déplacement des magasins et des habitations du centre vers la périphérie) ; perte de vitesse des petites structures au profit des grosses ; accroissement de la polyvalence et de la flexibilité... — J'ai l'impression de brasser plein de concepts sans entrer le moins du monde dans l'histoire concrète.
(C'est d'autant plus bizarre que dans la vie de tous les jours, j'adore me concentrer au contraire sur les tout petits détails, comme les manies des gens ou le vent dans les arbres. — C'est faux, évidemment : dans la vie de tous les jours, je suis également un putain de généraliste !)

Sur la forme comme sur le style, mon texte a sans doute — toute proportion gardée — une certaine gueule (suite de phrases simples allant à l'essentiel, le moins possible de propositions subordonnées, une impression de précision). Cette maîtrise de la forme, bien qu'imparfaite, entraîne un semblant de contenance quant au fond, mais cela ne veut absolument pas dire que tout cela a un sens. Je suis incapable de bluffer, sauf par écrit.
3. Voilà ! Je dispose de l'autorisation de la grande famille « MonLeg » pour poster une de leurs plus fabuleuses réalisations sur Minecraft. C'est là que ça se passe :
4. J'arrive aux « Apéros Saint-Gilles », place Van Meenen, un peu avant 19 heures. J'attends Léandra en compagnie de deux Carlsberg (ça se boit vite, ces saloperies). — Probably the best beer in the world... but certainly not! La meilleure bière du Monde, c'est l'Orval et ce fait n'est absolument pas soumis à l'appréciation des publicitaires — ni de quiconque d'ailleurs !
Léandra arrivée, c'est à son tour de me montrer un petit livret contenant les descriptions que nous avions faites d'elle à l'occasion d'un (pas si) lointain anniversaire. Beaucoup d'amis avaient alors tenté de la décrire. « Ce n'est pas très bien écrit », me lâche-t-elle à plusieurs reprises. Puis : « En plus, vous me considérez tous comme une personne joviale pour qui tout va bien ! »
Je relis rapidement l'ensemble et je tombe sur ce que j'avais écrit, à savoir une série de courts paragraphes sans lien. Deux constatations : en premier lieu, je n'ai absolument pas changé de style d'écriture entretemps (j'en veux pour preuve la présence d'une double incise, faite de tirets cadratins à l'intérieur de parenthèses !) ; en second lieu, je n'avais déjà plus à l'époque une idée très nette de l'endroit et de la date de notre première rencontre. — C'est tout de même terriblement frustrant !
Les transats installés sur le site des Apéros saint-gillois sont des attrape-trentenaires : il est aisé de s'y laisser choir mais bien plus complexe de s'en relever. — C'est le début de la déchéance !
5. Chez Léandra, avec Andrew. Ils regardent la pharaonique cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Londres pendant que je feuillette tranquillement et avec attention deux livres traitant de « l'analyse transactionnelle » (ou « l'art d'être un gagnant »). D'après l'un des livres, « être gagnant » signifie entre autres (si mes souvenirs sont bons) ne pas avoir peur de développer une pensée et une façon propre d'exister, ne pas douter de son mode de pensées personnel, vivre le moment présent, être honnête avec soi-même et avec les autres, accepter ceux-ci tels qu'ils sont, sans les culpabiliser... Je pensais que ce livre allait complètement démolir ma façon d'être, mais ce n'est pas entièrement le cas. Car malgré mon pessimisme à toute épreuve, j'ai au moins le mérite de ne pas tricher ! (Je suppose qu'ils aiment ça, les analystes transactionnels.)
Dans l'autre livre, une sorte de test de « profil émotionnel ». Après l'avoir complété, j'essaie de comparer mon graphique aux grandes tendances générales esquissées dans les pages suivantes (les équivalents simplifiés d'une courbe ascendante, d'une courbe de Gauss et d'une courbe descendante). Conclusion : mon profil en dents de scie ne ressemble à rien
À la fin de l'ouvrage, une série de « notes philosophiques » (vers lesquelles je me précipite, évidemment), où il est question de Nietzsche mais aussi de Jésus de Nazareth, dont l'auteur reconnaît l'enseignement comme primordial. — D'accord, mais quel enseignement ? « Aimez-vous les uns les autres » [Jean 13:34] ou bien « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée » [Matthieu 10:34] ? — Ceci étant dit, ces deux phrases ne sont peut-être pas si contradictoires, car elles ne semblent pas se situer sur le même niveau (la première commande un comportement alors que la seconde explique que ce nouveau comportement va créer une rupture entre les humains).

Voilà-t-y pas qu'Hamilton se met à défendre le christianisme... Non, mais faut arrêter l'Orval, hein ! — Eh bien justement : il n'y en a plus ! (Voilà donc qui explique bien des choses.)

Dans un autre chapitre, une référence à une technique de travail sur soi appelée « Radical Honesty ». Développée par un certain Brad Blanton, elle consiste à être le plus honnête possible, prélude à une relation plus intime et plus heureuse avec les autres. — Sans trop m'avancer, j'aurais tendance à considérer que l'exercice consistant à devenir honnête à l'âge adulte doit être très compliqué à mettre en pratique. On est éduqué dans l'honnêteté ou on ne l'est pas.
(Haaaa ! — TILT ! — En lisant différents articles sur le Web à ce sujet, je viens de faire un putain de rapprochement : dans l'épisode des Simpson intitulé « Bart enfant modèle » [« Bart's Inner Child », 1993], un agaçant psychologue/conférencier, gourou du développement personnel, porte le nom de Brad Goodman. Peu de chance que ce nom soit une coïncidence car il est le mix parfait entre Brad Blanton et Paul Goodman, un autre psychothérapeute féru d'analyse transactionnelle et de « Gestalt-thérapie ». — Je suis content de ma découverte. [Il ne me faut pas grand-chose, je sais.])

(Franchement, que signifient tous ces tirets, crochets et parenthèses ?)
(Et puis, pourquoi mettre la ligne précédente en italique ?)

Sur l'honnêteté. Souvenir marquant de ma mère, à l'époque où elle travaillait dans un magasin de fleurs, dans les années nonante... Un ami lui demande de réaliser une série de montages floraux pour une fête (une communion ? Un mariage ? — Je ne m'en souviens plus...). Chaque montage nécessite la présence de quelques épis de blé. Je me rends donc avec elle et ma tante, en voiture, au bord d'un champ pour cueillir quelques ridicules morceaux de blé. Le champ s'étend sur des hectares à perte de vue. Après avoir cueilli trois épis, ma maman nous a demandé de remonter dans la voiture : « Ce blé ne nous appartient pas. C'est malhonnête de le cueillir. Je me débrouillerai autrement. »

Je m'en suis encore bien sorti !

6. Bon, c'est pas tout ça, hein, mais il commence à se faire tard... Ils sont en train de forger le cinquième anneau olympique à la télévision... Ce n'est pas comme si ce genre de spectacle mégalomane m'intéressait particulièrement, mais je vais faire comme si c'était le cas...

7. Aujourd'hui, Léandra apparaît dans 256 articles de ce blog. Un nombre pas mal, même s'il ne vaut pas 512 ou 4096 !

8. Comme le Lapin blanc, je n'ai pas le temps de dire au revoir, je suis en retard, en retard ! 

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