Questions existentielles sur l'Orval

Aujourd'hui, c'est une journée peinarde chez mes parents et je n'ai pas grand chose à raconter. Je pourrais décliner une nouvelle fois mon après-midi sous forme de "je-joue-avec-Gaëlle-au-petit-train-au-vélo-ou-à-chat-perché" mais ce serait une redite. Ayant un verre d'Orval devant moi (comme souvent), je décide donc, pour passer le temps pendant que ma fille regarde Rio, de me lancer dans une série de questions existentielles sur la célèbre bière gaumaise. 
Dit-on un ou une Orval ? Sur le site Web de l'abbaye, ces petits chenapans de moines trappistes éludent presque toujours la question en parlant de "la bière d'Orval", sauf à un endroit : "(...) l'art d'un bon service que l'amoureux d'Orval apprécie lors de sa dégustation : choix entre un Orval frais ou tempéré, utilisation d'un verre propre et sec (...)". Certains internautes ont même apparemment été jusqu'à envoyer un courriel à l'abbaye et ont reçu pour réponse : "On dit un Orval". Dans la même logique, un Gaumais dira à coup sûr un Orval aussi (la plupart du temps, ces gens-là sont un peu susceptibles et deviennent même rouges lorsqu'on ose parler d'une Orval : c'est très marrant à voir, d'ailleurs).

L'explication de ce curieux masculin résiderait dans la légende d'Orval et correspondrait à un "mot" de la comtesse Mathilde qui en 1070 aurait retrouvé son anneau nuptial grâce-à-une-truite-sortie-d'une-source-etc.-etc. (j'aime bien les tirets aujourd'hui) : "Désormais et pour toujours, je voudrais qu'on appelle [cet endroit le] Val
d'or". Un val d'or = un Orval ; des vaux d'or = des Orvaux. Mouais... Autant pour Orval, je me dis que oui, "pourquoi pas ?" (on dit bien un Lambic et un Faro), autant pour "Orvaux", ça me semble tiré par les cheveux : Orval étant un nom propre, j'aurais tendance à dire : un Orval, des Orval. Bref, la question reste en suspens.

Conclusion : face à un Gaumais, par esprit de contradiction, je dirai une Orval. Et devant les autres, je dirai un Orval, juste pour faire le malin. Bah oui, dire "un Orval" autre part (à Bruxelles, par exemple), c'est un peu faire l'intéressant et montrer qu'on ne fait pas partie du commun-des-mortels-qui-prononce-une-Orval-mais-quelle-honte-mon-bon-Monsieur. C'est un peu comme ces gens qui nous reprennent parce qu'on dit "à Avignon" alors-qu'il-faut-dire-en-Avignon-ouaip-c'est-comme-ça-moi-je-sais-et-c'est-tout. Bref, tout ça n'a pas beaucoup d'importance, en fait.

N'empêche (j'en rajoute une couche), lancer devant un membre de la Confrérie des Sossons d'Orvaulx, fier et heureux du goût unique de la noble bière trappiste de son "pays" : "Une Orval, quand même, c'est un peu comme une jup' mais en un peu plus ambré", ça doit faire son petit effet...

Pourquoi a-t-on eu du mal à trouver de l'Orval ces derniers mois ? Grand mystère ? En tout cas, tous les buveurs d'Orval en Belgique se sont sans doute rendu compte de cette pénurie. Aucun Orval dans les magasins, difficile d'en trouver aussi dans les cafés... Lors de mon séjour à Stavelot, un cafetier a avancé le fait qu'ils avaient "raté un brassin". Est-ce possible ?

Une réponse différente se trouve dans le magazine Café Revue de février 2011 et semble plus proche de la réalité, vu qu'elle prend pour source d'information les brasseurs eux-mêmes. La principale explication avancée par Frère Xavier (administrateur délégué) et Francis de Harenne (directeur commercial) tient dans l'augmentation de la demande de ce type de bière spécifique (une bière trappiste de très haute qualité) et aussi dans la volonté des moines brasseurs de ne pas augmenter la production, leur "chiffre d'affaire" convenant parfaitement au mode de vie de l'abbaye...

Toutes ces questions ne m'empêcheront pas de clamer haut et fort  que cette bière d'Orval, avec son amertume si particulière, sa faible teneur en alcool, sa belle robe et son vieillissement très particulier, est une des meilleures bières que j'ai jamais eu l'occasion de goûter (et Dieu m'est témoin – façon de parler : j'en ai dégustées, des bières).

* * *

Je retourne en train à Bruxelles pour une nuit. Je passe la soirée au Verschueren avec un Andrew totalement crevé de sa semaine. Je bois quatre Orval (Orvaux ? Orvaulx ? Orvals ?) en un peu plus de deux heures... C'est trop. D'après Andrew, les bières belges sont fortes si on les compare avec celles d'autres pays... Y compris l'Orval, avec ses petits 6,2% d'alcool – une valeur intermédiaire, qui dépend du temps passé en bouteille, si l'on fait confiance à ce site. En écrivant cela, je repense à cet article du Soir : "Le Belge boit 78 litres de bière par an". En moyenne, c'est déjà pas mal, considérant ceux qui n'en boivent pas du tout, etc. Et puis, je pense à ma consommation personnelle... Combien, sans mentir ? Cinq bières spéciales par jour, en moyenne, on va dire ? 5x33x365=60.225 centilitres, soit 602 litres de bières par an. Mon dieu – façon de parler, encore une fois –, ayez pitié de moi !

Un rêve d'amateur d'Orval, esquissé par Andrew : avoir mon propre verre, en cristal, avec un "Hamilton" gravé dessus et l'anneau en or incrusté... On se dit que ce serait un beau cadeau de mariage. Ne reste plus qu'à trouver la mariée...

Deux voitures de police passent, empruntant des routes différentes. Discussion : comment interprète-t-on le code de la route dans le cas d'un accident mettant en scène deux voitures de police faisant marcher leur gyrophare ? Elles ont clairement la priorité sur les autres véhicules mais... entre elles ? Une voiture avec gyrophare doit-elle céder la priorité de droite à une autre voiture avec gyrophare ? Toutes ces questions se perdront dans l'oubli, comme les larmes dans la pluie (j'adore la ressortir dès que j'en ai l'occasion, celle-là).

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