Roses

Présidentielle 2012. — Je suis à la Maison du Peuple (pour ne pas changer) lors de la publication des premiers résultats fiables... Un secret de Polichinelle car peu après 18 heures, les sites Web du Soir et d'autres journaux belges annoncent clairement la couleur : le nouveau président de la République française sera François Hollande.

C'est là que je me rends compte de ce que c'est d'être émotionnellement de gauche. Car être d'un bord politique, quoi qu'on en dise, c'est avant tout une question de tripes : l'émotion d'abord, la raison ensuite. (Si je devais utiliser pour l'occasion un langage Western, je dirais : « On pend d'abord, on juge après. ») Donc, lorsque je vois la bouille joviale du candidat socialiste sur tous les sites de presse, ma première réaction est un accès de joie, voire de larmes de bonheur (je suis un grand sensible) : « Ha putain, mais c'est pas possible... Ils l'ont élu ! La droite est enfin éjectée de l'Elysée ! » Finies les dérives sécuritaires ! Finis les discours xénophobes à peine cachés !
« Bon, OK, me dis-je, le type n'est pas de gauche radicale, peut-être n'est-il même pas de gauche du tout, mais au moins ce président de la République-là aura un discours beaucoup plus tempéré, plus raisonné que l'opportuniste qui quitte la fonction... Et il sera à la tête d'un gouvernement social-démocrate. C'est toujours mieux que rien. »
Et puis... Et puis la raison reprend le dessus. Je me dis que, comme Elio Di Rupo en Belgique, ce président socialiste sera à coup sûr, à moins d'isoler l'Hexagone du reste du Monde, porteur de nombreuses réformes d'essence néolibérale, imposées par les marchés... Des réformes qui auraient dû être menées par un gouvernement de droite, et non par un socialiste, qui y perdra ses plumes et deviendra impopulaire. — À moins que... Mais non !

Et puis je me dis que ce n'est pas parce qu'une forme molle de socialisme* a repris le pouvoir exécutif en France que le jeu va forcément changer... La donne est la suivante : mesures d'austérité voulues par la Finance internationale, paupérisation de l'Europe, montée en flèche de l'extrême droite, qui brise de plus en plus le cordon sanitaire qui l'isolait de l'espace de décision depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. (Voir, et ce n'est qu'un exemple, la toute récente arrivée des néo-nazis de l'Aube dorée au Parlement grec. — Voilà ce qui se passe lorsque les seules solutions modérées proposées sont des mesures d'austérité ! — Voir aussi, en passant, la direction prise par l'Allemagne après la Première Guerre mondiale.)

En toute raison, et en dehors de la moindre émotion, dois-je vraiment me réjouir de voir François Hollande arriver au poste de président de la République au moment même où, à travers la fenêtre orientale de mon appartement, je vois l'Europe prendre feu ?

C'est toujours mieux que rien, oui, oui...


Soirée. — Ce dimanche, je passe la soirée en solitaire. Je prends tout mon temps pour écrire un article à rallonge, celui consacré à la journée de vendredi, sur les pneus à crampons, les collègues de Léandra, la soirée chez Tom, La Nef des fous, etc.

Seul contact : un coup de fil d'Emily. Il y a beaucoup de bruit dans le café et j'ai du mal à la comprendre. Condensé : elle est à la librairie Filigranes avec Andrew ; les deux cherchent des guides touristiques ; leur idée est de se rendre, durant le long week-end de l'Ascension, en Allemagne, « plutôt du côté de la Pologne Cologne »... Suis-je intéressé ? « Non, non, ça ne va pas être possible pour moi. » (Mon voyage au Canada sera a priori la seule incursion en dehors de la Belgique cette année.) Emily ne me rejoint pas ce soir, Andrew se rend apparemment à un drink électoral... Et moi, je continue à écrire...
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* Aucun rapport avec l'homme : c'est le socialisme du PS qui est mou, en général.

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