Archives mensuelles : avril 2012

« Like a noose around my broken neck »

Non-rencontres. — Cette journée de congé est constituée de rencontres qui n'ont pas eu lieu. J'aurais ainsi dû voir Léandra aujourd'hui, mais les circonstances en ont décidé autrement. J'aurais peut-être pu voir Mary et « une fille qu'elle héberge » au Potemkine, mais la rencontre est restée lettre morte... (Le café était-il seulement ouvert ce lundi ?)

Je passe donc la journée seul à me remettre de ma soirée d'hier (je me suis endormi à 7 heures du matin). Histoire de ne pas rester enfermé chez moi, je me rends à la Maison du Peuple en fin d'après-midi. — Oh comme c'est original ! Le bar est assez tranquille avant de se remplir brusquement aux alentours de 22h30.
Pluie. — Le retour chez moi se fait sous une pluie qui ressemble à une pluie chaude d'orage. Je suis en tee-shirt. Hasard de la lecture aléatoire sur mon baladeur MP3 : de la station Albert jusqu'à chez moi, j'écoute la chanson « Forgiveness » de Robin Foster, guitariste anglais installé en Bretagne... La pluie qui me tombe dessus, l'odeur des arbres mouillés... L'environnement humide se prête particulièrement bien à la chanson... (Si j'avais écouté « Tata Yoyo » d'Annie Cordy, qu'aurais-je pu inventer comme argument ?) 
 

I’ll carry this rock
This old dead weight
Like a noose around my broken neck 
Won’t fall down to the crowd 
This will be my lonely end 
My Soul time 
My time 
I won’t hide away 
Won’t run away 
Won’t hide away 
Won’t run away

« HOUit »

Intervention chirurgicale sur un tiers. — 16h55, gare de Tamines. Le train vers Charleroi ayant été supprimé, je prends celui en direction de Namur. À hauteur de la gare d'Auvelais, coup de fil de Léandra... 
Elle m'apprend que Jonas va se faire opérer beaucoup plus tôt que prévu, à savoir demain. Elle me dit aussi qu'il a mal, qu'il se plaint beaucoup et qu'il ne voit pas une intervention chirurgicale, même minime, de la même manière que moi : « Je lui ai parlé du fait que toi, tu trouvais l'expérience intéressante... Mais il n'a pas eu l'air rassuré. » C'est vrai que j'aime particulièrement les opérations chirurgicales lorsqu'elles sont pratiquées sur moi-même (un peu comme le sexe, haha !  — Mon dieu, elle est vraiment nulle, celle-là). J'en parle d'ailleurs déjà dans ce blog, de manière presque émerveillée, en date du 7 octobre 2011.
L'expérience humaine a un début et une fin. Dans l'intervalle : plaisirs et découvertes, mais aussi douleurs et pertes. C'est la vie ! Mieux vaut regarder cette vérité en face plutôt que de l'enfouir sous le tapis. C'est comme ça : au cours de cette échelle de temps ridiculement courte (une absurdité) durant laquelle il semblerait que je sois en vie, la douleur (au même titre que le plaisir) et les expériences corporelles extrêmes (dont font partie l'anesthésie et l'opération chirurgicale) sont pour moi intéressantes à vivre en tant que telles. Nul enseignement on n'apprend pas à avoir mal ni morale dans cette histoire... Des expériences brutes, tout simplement, sur le tiraillement du corps.
Le retour du café brûlant avec glaçons. — Gare de Namur, AMT Coffee. Je commande un café noir à la préposée du jour. « Avec du lait ? — Ni lait, ni sucre ! — Vous voulez des glaçons pour refroidir votre café ? — Oui, mais UN seul glaçon s'il vous plaît ! » (Aujourd'hui, je gère comme un chef !) 
Un jour, j'écrirai un article entier sur la difficulté de commander un café dans ces enseignes modernes (Starbucks, AMT et autres). Vous y commandez un honnête café noir et vous vous retrouvez avec un café au lait avec glaçons, accompagné d'un brownie et d'une tarte... (Ça s'appelle avoir le sens des affaires !)
Gare de Bruxelles-Luxembourg. — Je suis pour ainsi dire en transit vers l'appartement de Flippo et Bastien, où je vais passer la soirée. Je suis en avance d'une heure et m'installe donc sur un des bancs à l'intérieur de la gare, profitant du réseau Wi-Fi pour publier l'article consacré à ma journée de vendredi. 
Cette gare est la plus aseptisée de toutes les gares que j'ai jamais visitées. Toute forme de vie a été bannie de ce lieu morne et blanc. À l'extérieur, même constat : de grands bâtiments froids et propres qui font penser au quartier de la Défense à Paris ; une esplanade traversée par quelques humains, écrabouillés par l'immense structure du Parlement européen... — Ont-ils voulu créer ici le même sentiment d'écrasement que celui voulu par Poelaert avec son Palais de justice mégalomane ?

Quelle place pour le grouillement ici-bas ? Aucune. Les cinq jeunes qui jouent au football sur l'esplanade ne semblent d'ailleurs pas à leur place, même s'ils s'amusent (car ils s'en foutent). Vus de l'extérieur, eux aussi semblent écrasés. Leurs cris résonnent puis se perdent le long des murs.

Prononciation. — Trois personnes sont présentes à la soirée chez Flippo et Bastien, en plus de ces deux-là et de moi-même : Thibaut (un ami français de Bastien), Amy et Zapatta... Le repas est végétarien : des légumes et des pommes de terre au curry, accompagnés de naans (pains indiens) de différentes natures : normaux, au beurre (à la demande de Flippo qui en a fait une fixation), à l'ail et au fromage.
« Comment prononcez-vous le nom du groupe de Freddie Mercury ? demande Thibaut en début de soirée.
— Queen, répond Flippo.
— Ben oui... Queen, surenchéris-je.
— Voilà ! Vous dites QOUeen alors que c'est Queen...
Queen... C'est ce que j'ai dit !
— Non, non, tu dis QOUeen à la place de Queen... Mais vous, les Belges, n'êtes pas capables de faire la différence entre "oui" et "ui".
— Ha ! C'est comme pour le chiffre "huit" qu'on prononce "HOUit" ? À force de fréquenter des Français, j'ai fini par comprendre la différence, mais je dis toujours "HOUit" quand même... »

Un peu plus tard...
« Quand vous dites : "J'aurai" au futur simple, vous le prononcez "J'auré" alors qu'il faut le prononcer "J'aurè", comme au conditionnel présent.
M'enfin, mais non !
— Les professeurs de français doivent rectifier le tir tout le temps.
— Non, non... Si je dis : "J'irai à Montréal en septembre", ça ne se prononce pas de la même façon que : "J'irais bien à Montréal en septembre". Et c'est tant mieux, d'ailleurs : ça permet de faire la distinction entre le futur simple et le conditionnel présent. Même chose avec le passé simple (j'allai) et l'imparfait (j'allais)...
— C'est une erreur... »

(L'attitude un rien paternaliste de la « métropole » française vis-à-vis de ses « frontières » : la Belgique mais aussi la Suisse et, plus loin, le Québec...)

Lu sur le site de l'Académie française : « [Grevisse] recommande la prononciation "é" pour le passé simple et le futur simple à cette même personne (je mangeai, je mangerai), afin d’éviter la confusion avec l’indicatif imparfait ou le conditionnel présent dont la terminaison se prononce "è" (je mangeais, je mangerais). » — Maurice Grevisse le grammairien était-il aussi dans l'erreur ? Il était Belge, soit dit en passant.

Aventuriers du Rail « Asie » et Colons de Catane. — En seconde partie de soirée, nous jouons aux Aventuriers du Rail « Asie », une des nombreuses extensions du jeu de société à succès d'Alan R. Moon. La différence majeure avec le jeu de base réside dans cette règle : nous jouons en équipe (Flippo et moi ; Amy et Bastien ; Zapata et Thibaut) et certains des objectifs-destinations à réaliser sont communs. Amy et Bastien nous atomisent, atteignant tous leurs objectifs et dépassant allègrement les deux cents points.

Un peu avant minuit, Thibaut repart chez lui et Flippo et Bastien s'en vont dormir. Amy, Zapata et moi continuons à jouer, aux Colons de Catane. J'ai envie de leur montrer un des scénarios les plus prenants, un de ceux qui comprennent les deux extensions (« Villes et chevaliers » et « Marins »). Dans ce scénario, déjà joué en partie chez Walter et de nombreuses fois en ligne, deux uniques petites îles sont visibles et une terre inconnue traverse le plateau de jeu en son centre, comme la Voie lactée dans un ciel sans lune. 

Je gagne la première partie ; Amy remporte la seconde. Lorsque nous rangeons les différents morceaux du plateau, il est presque cinq heures du matin... Mon retour se fait d'abord en métro, puis en tram, très rapidement. Sur le quai du métro, à l'arrêt « Trône », peu avant 6 heures du matin, déjà des centaines de personnes...  — Impression de décalage.

Être ou ne pas être à la ligne

Espaces insécables. — Une horreur sans nom : je me suis rendu compte il y a peu que les textes de ce blog s'affichaient différemment selon l'ordinateur (ou le smartphone) depuis lequel on les consultait. Logique, me dira-t-on : question de mise en page Web, de polices de caractères fluctuantes, etc. Oui, mais voilà : il y a le problème des espaces insécables. Une espace insécable est un caractère typographique particulier que l'on place, entre autres, avant ou après certains signes de ponctuation pour éviter que ces derniers se retrouvent orphelins en fin ou en début de ligne. 

Par exemple, si j'écris un truc comme : « Diantre ! Le chat que j'ai lancé hier n'est pas mort sur le coup... », il convient de faire en sorte que le premier guillemet ne se retrouve pas seul en fin de ligne. Il faut donc que l'espace entre ledit guillemet et le mot qui le suit (Diantre en l'occurrence) soit une espace insécable. Idem pour le point d'exclamation : il ne peut se retrouver seul en début de ligne. Idem enfin pour le guillemet de fermeture : il ne peut se retrouver orphelin... Et c'est la même chose pour les deux-points, points-virgules, points d'interrogation, etc. que compte un article.

En HTML, il existe une représentation particulière permettant au navigateur d'interpréter une espace comme insécable. Il s'agit de «   » (non breaking space) : insérer cette suite de caractères entre deux mots ou ponctuations dans un code HTML les oblige à rester sur la même ligne. 

En conséquence, à chaque fois que je repérais un signe orphelin sur mon blog, j'intégrais manuellement une espace insécable dans le code HTML pour remettre ce petit récalcitrant à sa place. Mais pauvre de moi ! , je ne le faisais que pour ceux que je voyais... Et aujourd'hui donc, je me rends compte que ce blog peut contenir en substance des centaines de caractères orphelins, en début ou en fin de ligne, selon le terminal utilisé pour le lire. Que faire ? Deux solutions : intégrer manuellement, de manière systématique et compulsive, des espaces insécables dans les quatre cents et quelques articles de ce blog ; ou bien trouver un logiciel qui transforme le code automatiquement, en remplaçant certaines espaces en espaces insécables (ça ne doit pas être trop difficile à trouver).

Gaëlle & le jeu des énigmes. — Le soleil revient en ce début d'après-midi et Gaëlle s'en va jouer dehors. Le jeu de ce samedi : chacun à notre tour, nous devons cacher une petite figurine en plastique quelque part dans le jardin. (Est-ce un Pokémon ? — Gaëlle m'a dit à plusieurs reprises le nom de la bestiole, mais je ne l'ai pas retenu.) Celui qui cache la figurine doit donner des indices aux chasseurs, comme par exemple « vert-jaune-bleu » pour indiquer que l'objet est caché pas loin de quelque chose composé de ces trois couleurs.

Je cache la figurine dans la serre de ma maman et donne comme indice, à l'exemple d'un Père Fouras de pacotille : « Où le soleil chauffe le plus, dans un gant, tu me trouveras. » Mais ma mère comprend de travers et pense que l'objet se trouve au Sud de la propriété. Gaëlle la suit dans cette logique et, toute contente de maîtriser un concept (sud-chaud ; nord-froid), elle construira la plupart des autres énigmes sur ce modèle.
 
De l'utilité d'un blog. « À quoi sert ce blog ?  », me suis-je déjà demandé à divers endroit (comme ici). À chaque fois que j'ai donné une réponse personnelle à cette question, je n'en étais nullement satisfait. Et voilà qu'aujourd'hui, je reçois une preuve — et, en y réfléchissant, ce n'est pas la première — que ce blog peut réellement être utile à autrui. 

Voici une des réponses à la question de l'intérêt de ce blog : que quelqu'un, l'ayant lu, en retire quelque chose pour sa propre vie. Proclamer que c'est bien/mal écrit, intéressant/inintéressant a somme toute peu d'effet sur moi. Par contre, me dire que ça aide est un très beau compliment, car cela casse, du moins un tout petit peu, la vanité du projet dans son ensemble.

Des glaçons dans le café noir

Quelques événements à raconter aujourd'hui, mais rien de saillant. 

Train Bruxelles-Namur. — À Ottignies, le wagon se remplit d'étudiants de Louvain-la-Neuve qui repartent chez papa-maman pour le week-end. Une pensée : « Comme ils sont jeunes ! » (C'est le début de la fin, mon petit Hamilton !) Une étudiante en droit (très moderne, cheveux blonds courts, voix grave, d'un genre qui plairait — enfin, façon de parler ! — à Léandra) s'installe sur la banquette en compagnie d'un autre étudiant. Le gars est du genre « jeune homme avachi qui parle d'un ton égal, sans passion ». Je me dis qu'il est tellement mou qu'on pourrait, à l'instar de l'adolescent trouvé au détour d'une bande dessinée de Midam et Clarke*, le replier complètement et le mettre dans un petit bocal rempli de formol. Le contraste avec la jeune femme aux yeux marron pétillants qui lui sert d'interlocutrice est assez frappant.
Ils parlent des amours, ceux des autres surtout, comme s'ils commentaient la trame d'une série télévisée américaine à l'eau de rose : « Thibaut, il est sympa, mais il est quand même très bizarre. Il fait peur, parfois. Sandra m'a expliqué qu'un jour, il lui a offert un bouquet de fleurs en la regardant avec ses yeux de taré. Elle était vraiment gênée, car elle ne comprenait pas ce qu'il lui voulait... » Ou encore, plus tard : « Cindy a fini par le quitter, forcément. Elle était amoureuse, mais il n'arrêtait pas de la tromper, ce salaud ! C'est le style "tombeur", lui, hein... » (Pourquoi ai-je l'impression d'avoir entendu ces conversations de très nombreuses fois ?)

Café brûlant avec glaçons.  — Stand AMT Coffee, gare de Namur. Dans une sorte de cagibi ridiculement petit, un serveur me demande ce que je veux boire. Le monsieur, fin de quarantaine, cheveux grisonnants bien rangés (je m'intéresse beaucoup aux cheveux aujourd'hui), a plus le look d'un agent secret britannique que d'un préposé « cafés & milk-shakes » dans un hall de gare.

« Je vais prendre un simple café, s'il vous plaît.
— Avec du lait ?
— Non, noir.
— Du sucre ?
— Non, non, surtout pas de sucre ! Un café noir de noir...
— Je vous mets des glaçons dedans ?
Pardon ? Pourquoi des glaçons ?
— Le café, lorsqu'il est servi, est à environ 80 degrés. Les glaçons, c'est pour le refroidir afin d'éviter que vous ne vous bruliez...
— Ha... Euh... D'accord !
— Combien j'en mets ?
Hein ?
— Je vous en mets combien, de glaçons ?
— Je ne sais pas, moi, euh... 
— Deux glaçons, c'est bien !
— Ha ! Eh bien va pour deux glaçons alors !
— Un café noir, avec deux glaçons ! Bien, Monsieur... »

Résultat : quand je le bois, le café est presque tiède. Misère ! — Il est à la solde de la Perfide Albion, j'en suis sûr, maintenant... Car seuls des Britanniques seraient capables d'une telle ignominie. Je m'en vais avant qu'il ne sorte son révolver.

Soirée. — De retour chez mes parents, avec Gaëlle. Pas grand-chose à signaler. Ma fille est adorable. Elle regarde des dessins animés, dessine, écrit. Elle a fait de fabuleux progrès dans ces deux domaines : les corps humains ressemblent désormais vraiment à des corps humains et les lettres, les mots sont beaucoup plus précis, moins gros, plus droits. — Et voilà : ils ont réussi à la formater ! 
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* Durant les travaux, l'exposition continue. (Je pense que c'est la première histoire du deuxième tome, mais je n'en suis plus certain... — Impossible de vérifier car je les ai prêtées.)

Hamilton super-héros

Souris hypersonique. — Charlotte, durant le repas, au boulot : « On peut occuper le poste de travail de n'importe qui ici, sauf celui de Hamilton, car sa souris est tellement sensible qu'il est impossible de double-cliquer ! » Elle mime avec son index une série de doubles-clics très rapides : cliclic-cliclic-cliclic... « Même en s'appliquant, impossible d'ouvrir un dossier ! » (Elle exagère !) Lodewijk est content, presque soulagé : « Ha ! Je croyais être le seul idiot à ne pas y arriver ! » (N'importe quoi !)
Hem, oui, je l'avoue, c'est un fait : mon ordinateur est configuré d'une manière qui tient compte de mes super-pouvoirs bioniques : doubles-clics supraluminiques, écran 256 bits d'une définition de 20.480 x 15.360 pixels, imprimante A0, etc.

Dans le train avec Yama. — Ça faisait longtemps, tiens... Elle me demande ce que je pense de la série d'émissions radiophoniques des « Nouveaux chemins de la connaissance » consacrée à [celui dont il faut taire le nom*]. Je lui dis que la présentatrice m'a tapé sur les nerfs en posant toutes ses questions à rallonge qui montrent qu'elle n'a clairement fait que survoler le sujet (d'ailleurs, comment faire autrement quand on tient une émission presque quotidienne ?).
Elle me dit aussi qu'elle continue à lire mon blog à raison d'une à deux fois par semaine, via Netvibes, un outil de veille pour les médias sociaux. Comme d'habitude, je me (et lui) demande pourquoi mes lecteurs ne désertent pas. Elle me répond que, pour sa part, elle trouve intéressant de suivre la pensée de quelqu'un d'autre. Et puis, de manière plus générale, tout cela (suivre la vie de quelqu'un au jour le jour) a un petit côté « Téléréalité ». — Je ne sais pas si je dois m'en réjouir...
C'est tout pour aujourd'hui !  — Oui car, après de nombreuses hésitations, je suis resté tranquillement chez moi ce soir. Si j'étais sorti, de toute façon, c'eût été en solitaire et je n'aurais sans doute pas eu grand chose de plus à raconter.
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* Chtulhu ?

Ricotta & pancetta

Cuisine. — Je continue la série des « repas italiens »... Ce soir, après les simples penne à la sauce tomate du 4 avril, je propose à Mary des pâtes à la ricotta et à la pancetta. La sauce ressemble à de la carbonara mais ce n'en est pas : plutôt un mélange de cuisines italienne et belge, à base de beurre et de crème fraîche. — Digression : d'après ma famille, avant l'arrivée en masse des Italiens en Belgique (principalement pour travailler dans les charbonnages et les industries), les Belges ne connaissaient que les macaroni à la sauce blanche (beurre, jambon, béchamel et noix de muscade). Après l'arrivée des Italiens, la gamme s'est considérablement élargie : les Belges ont découvert qu'il existait au bas mot une centaine de types de pâtes différentes... et autre chose que de la sauce blanche pour les accompagner !
Sentiments. — En début de soirée, Mary parle assez longuement au téléphone avec une amie. Elle doit discuter avec elle de questions relationnelles... Elle finit par raccrocher et me raconte l'histoire dans les grandes lignes... À la question : « Un homme/un ami peut-il développer des sentiments après une bête relation intime circonstancielle ? », ma réponse est : « Oui ! » (C'est tellement évident.)

Plus tard, Mary me conseille :
« Franchement, ça ne veut pas dire grand chose !
— D'accord... Je m'en doutais un peu mais je voulais avoir un avis extérieur. 
— Tu sais, Hamilton, les femmes ne draguent pas, hein.
— Ha bon ?
— Elles ne vont pas se compromettre... Elles vont peut-être montrer à la limite qu'elles sont intéressées et laisser planer un double sens, mais ne vont jamais risquer de paraître ridicules en déclarant ouvertement leur intérêt pour une personne.
(Pensée : si l'on se basait uniquement sur ce modus operandi pour caractériser une femme — chose ridicule, j'en conviens , alors JE serais une femme.)
— Pffff...
— Maintenant, ça a peut-être un peu changé... Mais fondamentalement, c'est à l'homme de faire la démarche...
Et dans ce cas-ci, c'est quoi ?
— Voilà comment je vois la chose... Cette fille, elle est très jolie et se fait donc draguer des dizaines de fois par jour, au bar, majoritairement par des gros lourds... Elle voit quelqu'un de différent, qui n'est, c'est un fait, pas dans ce genre-là : un type poli, discipliné, qui n'essaie rien avec elle. Elle se dit alors : "Il est différent, il est gentil, etc. Je vais lui offrir un verre..." Mais ça ne veut rien dire d'autre. »
(Mary a sans doute raison... C'est tellement rare en ce moment que quelqu'un me montre de l'affection que je monte en épingle une banale affaire de sympathie.)

Lectures. — Une constat de Mary : « Tu ne te laisses pas aller malgré tes longues journées de travail. Après le boulot, tu continues à lire des trucs vraiment pas évidents... » Je suis sur la défensive : « Il faut bien que je fasse quelque chose de ma vie ! Alors pourquoi pas ça ? » Mary me répond : « Hé ! Ce n'était pas une critique mais un compliment ! »
TLMVPSP. C'est difficile de lire beaucoup, parce qu'il y a les jeux. Au centre de ma vie ludique en ce moment : les Colons de Catane en ligne, évidemment. Cependant, aujourd'hui soir, point de colonisation, mais plutôt « Tout le monde veut prendre sa place » en ligne, le jeu fétiche de Mary. Pour jouer plus longtemps, nous créons un nouveau compte. J'essaie de faire en sorte que notre avatar du moment ressemble trait pour trait à un philosophe bien connu dont je dois désormais taire le nom. Il lui ressemble pas mal, mais nous perdons beaucoup de parties quand même (l'habit ne fait pas le moine). Mary repart chez elle à pied, un peu avant minuit. Crevés tous les deux... Pas question aujourd'hui de veiller jusqu'à deux heures du matin...

Le réel qui suinte

Légère révision de mon questionnaire de Proust. — Après réflexion, je me rends compte que « l'écoute » n'est certainement pas une des réponses correctes à la question de la qualité que je préfère chez un être humain. Il faut que je change cette réponse par « l'investissement ». L'investissement... Voilà une qualité que j'adore : s'investir pleinement et sérieusement dans quelque chose (relation humaine, projet, idée...), ne pas le faire avec je-m'en-foutisme, et ce même si le projet peut paraître de l'extérieur totalement ridicule. (Pour en finir avec la superficialité.)

Déjà-vu & rêve combinés. — Aujourd'hui, je me relève en pleine nuit, vers quatre heures du matin, assez agité. J'ai fait un cauchemar très réaliste dont j'ai hélas oublié la teneur deux heures plus tard à mon second réveil. J'aurais bien voulu m'en souvenir car, sur le coup, je me suis dit que je devais absolument m'en souvenir. Tant pis... Mais il y a autre chose : quand je me suis dit que je devais m'en souvenir, j'ai eu une sensation de déjà-vu assez étrange... L'impression que j'avais déjà vécu cette situation particulière (jusque là, rien de plus « classique »), à savoir entre autres : revenir de la Maison du Peuple où la gentille serveuse m'a offert un verre, me poser plein de questions sur moi-même avant de m'endormir et me réveiller quelques heures plus tard en pleine nuit à cause d'un cauchemar dont je devais me souvenir et... avoir une sensation de déjà-vu. Car — et c'est là que ça devient d'une certaine manière original — dans cette fugace sensation de déjà-vu était contenue ma sensation de déjà-vu. Curieux : cela forme comme un sorte de cycle sans fin... — En fait, à y réfléchir, non, ça ne forme rien de ce genre.

Prise de contact. — Sous-sol de la gare de Bruxelles-Midi. Je prends un café à mon endroit habituel. Le vendeur : « Salut, M'sieur ! Un café noir à emporter, comme d'habitude ? ». Ouaip. (Le besoin de repères.) La jeune femme au sac Quechua rouge que j'ai mentionnée hier soir est là, justement, en compagnie d'une autre dame que je ne connais pas. (Note : je l'appelle de cette manière alors qu'elle ne porte plus de sac Quechua rouge depuis longtemps, que je sache...) Elle me salue, et j'en profite pour lui demander :

« Vous étiez à la Maison du Peuple hier soir, non ?
— Ha. Euh. Mais oui ! C'est pas loin. On habite le même quartier, je crois. Toi aussi, tu habites Saint-Gilles, non ?
— Oui ! Enfin, non : Forest. À la lisière entre Forest et Saint-Gilles, en fait.
— Et comme Fríðr et moi, tu fais la navette Bruxelles-Liège tous les jours...
— Hé oui... Depuis six ans...
— Six ans ! Moi ça n'en fait que trois...  Enfin, là, j'ai de la chance, je ne travaille pas à Liège aujourd'hui.
— Il en a fallu du temps pour qu'on s'adresse la parole.
— Oui, en effet.
— Fríðr, c'est celle avec ses longs cheveux châtains, à qui je dis bonjour aussi et qui prend son tram à Albert ?
— Oui, c'est elle. À force de prendre le même train, on a fini par faire la navette ensemble, parfois...
— Et tu travailles dans quoi ?
— Dans les archives audiovisuelles.
— Ha ! Marrant. Moi, c'est les archives tout court.
— Ha tiens...
— Et Fríðr, elle travaille où ? Dans les archives audiovisuelles aussi ?
— Non, rien à voir. Elle est dans l'écologie, elle.
— OK. Moi, c'est Hamilton. Et toi ?
— Epiphany. »

Son café et le mien sont prêts. Je lui souhaite une bonne journée et la laisse avec sa collègue car mon train va bientôt arriver en gare. Sur le quai, je dis bonjour à la petite dame un peu ronchonne, dont je parlais ICI notamment. Elle répond, comme souvent, par un sourire et un clin d'œil.

Gare de Liège-Guillemins. — Je vois un inconnu monter dans mon train en correspondance, le premier tome du roman Dune en main. J'ai la fibre sociale aujourd'hui, et je ne peux m'empêcher de lui lancer, souriant : « Un des plus grands romans de tous les temps... Dune. » Il me répond par un simple oui entre l'enthousiasme et la surprise. — Fin de la partie consacrée au microcosme ferroviaire.

Constat. — Je me trouve dans un de ces jours durant lesquels, sans raison, « le réel suinte ». J'ai l'impression de réintégrer momentanément le giron de l'humanité. Je suis vivant. Je pourrais m'émerveiller devant, au hasard, quelque chose d'aussi banal (du moins en apparence) qu'un bourdon butinant une fleur ou bien la trajectoire d'un groupe d'oiseaux dans le ciel. J'ai le (faux) sentiment de tout comprendre, beaucoup plus rapidement que d'habitude, et je souris béatement dans le tram qui me ramène chez moi. (Je dois passer pour un taré.)

Chez Flippo et Bastien. — J'arrive chez eux vers 21h10. Seules présentes, dans la cuisine : Amy, qui prépare des boulettes de poulet à la ricotta et Ismerie, assise sur un tabouret près de la fenêtre ouverte, au bord de laquelle elle fume de temps à autre. Flippo, Zapata et Pietro sont encore au badminton ; Bastien est à une soirée « football ». Amy et Ismerie me demandent comment je vais et je leur réponds : « La routine... Mais ça me fait plaisir de vous voir...» Ce qui est vrai, sauf que d'habitude, je ne le dis pas. Aujourd'hui, je suis dans une journée où tout va bien, où je souris aux gens et où je lance tout ce qui me passe par la tête...

Les trois badistes reviennent vers 21h30. Zapata reparle de Seashack, mais aussi de différents projets qui consisteraient, l'un à habiter une maison à plusieurs pendant un temps, l'autre, plus vaste, à fonder une auberge alternative à la campagne. Il s'est déjà renseigné à ce sujet auprès de banques. C'est une constante chez lui : le travail de salarié l'emmerde et il se voit mal passer le restant de sa vie dans un schéma de type métro-boulot-dodo. (Moi aussi, mais contrairement à lui, je n'essaie pas de m'en sortir : je suis piégé et regarde passer les jours, les semaines, les années...) De leur côté, Pietro et Ismerie sont à la recherche d'un appartement à acheter.

Amy déteste l'utilisation spéciale qui est faite, par les Français principalement, de la préposition « sur » quand elle est utilisée pour remplacer « à » : « Je vais sur Paris » au lieu de « Je vais à Paris »... Les Belges de la Capitale commencent à l'utiliser aussi, par pur mimétisme. « Pourtant, dit Amy, il n'y a aucune raison d'utiliser un "sur" dans ce cas... On ne marche pas dessus quand on s'y rend ! »

La soirée a commencé tard et se termine donc assez vite. Après le souper (soupe, riz, boulettes et gâteau), pas le temps de jouer à un jeu de société. Il est minuit. Avant que je m'en aille, Zapata me propose de partager un joint. — Ce dernier, combiné au vin rouge que j'ai bu un peu plus tôt, passe mal : je ne suis pas malade, mais la clarté intellectuelle dont je me vantais ci-dessus n'est plus qu'un lointain souvenir. Un peu plus tard, à la Porte de Namur, j'ai mal aux yeux et j'ai la plus grande difficulté à prononcer ma destination au taximan. — Je vais être frais demain, tiens !

[Intermède] Univers clos

J'imagine le tronc d'arbre en amont, et non plus en aval, de la rivière — ou bien du flume, pour reprendre une référence plus en phase avec l'univers de Lucky Luke... (En fait, je me rends compte maintenant que la métaphore, dans la mesure où elle est censée représenter une sorte de "fleuve du temps", devrait carrément être inversée : les troncs en amont devraient représenter le passé et ceux en aval, le futur... Cependant, si je procède de cette manière, le sens de mon précédent article se perd. — C'est parce que je considérais alors les troncs d'arbre en amont comme étant non pas des événements passés mais au contraire des événements dont je n'avais pas encore eu connaissance...)

Mais peu importe, nom de Dieu !
Un jour, elle (ou une autre) viendra finalement s'asseoir à ta table et finira par te poser la question, évidente : « Pourquoi restes-tu donc seul devant ton ordinateur, l'air tracassé et soucieux, en te rongeant les ongles et en te prenant la tête dans tes petites mains ? »  — Et tu lui répondras que tu écris un blog journalier, que ça prend une assez grande partie de ton temps libre, et aussi que ça te crée quelques ennuis... Tu lui diras qu'elle est dedans... mais ça ne l'impressionnera pas.

(« Pourquoi ne vis-tu pas ta vie ? »)

(Combien de personnes se trouvent répertoriées dans ce blog sans qu'elles le sachent ?)
À force d'écrire tout ce qui se passe dans ta vie, tu ne vis rien.
À force d'imaginer des situations qui pourraient se passer, il ne se passe rien.
À la moindre tension ou au moindre étalage d'un quelconque intérêt pour ta personne, pour ce que tu es en propre, tu te replies sur toi-même, dans tes livres, dans ton univers clos.

— Bordel !

Vous ne vous en sortirez jamais, toi et ton univers à la con ! 
Vous allez créer le vide autour de vous, encore, encore et encore !
Vous allez finir seuls ! — 
Hamilton !
Paradoxe. Tout ce que j'écris, chaque mot, chaque ligne, chaque paragraphe, ne m'aide en rien : pour tout dire, cela ne fait que m'enfoncer... Mais je m'enfoncerais encore plus si je n'écrivais pas. Quoi que je fasse, je suis foutu, sans vraiment l'être. 

(Voilà l'effet qu'engendre, à minuit passé, une minuscule preuve d'attention. — Et quand je dis à mes collègues que je suis romantique à un stade avancé de non-retour, elles me rient au nez.)

"Save and continue"

Publicité. — « Tes relations avec les autres laissent à désirer ? Tu es timide, complexé et maladroit dans tes contacts sociaux ? Tu ne comprends pas pourquoi d'aucuns te laissent de côté et te tirent la gueule ? Tu es célibataire depuis longtemps et tu ne sais pas comment rompre cette solitude qui te ronge ? Nous avons LA solution à tous tes problèmes ! — OUI ! Tu as bien entendu ! — LA solution ultime ! Cela s'appelle... la philosophie allemande. Avec la philosophie allemande, tu découvriras un monde fait d'exaltation de soi, de sentiments de supériorité et de misanthropie. Tu comprendras également que tu te poses de très mauvaises questions et que la vie ne peut être vécue que dans le stoïcisme le plus complet et le repli du Monde. Alors, toi aussi, parcours sans plus tarder cette huitième merveille de l'humanité qu'est la philosophie allemandeuh ! Premier pack à 18,89 € seulement, les suivants à 19,51 € ! (Les parenthèses, tirets cadratins et autres ponctuations superflues sont en option.) »

Pendant ce temps, hier soir... — Avec toutes ces conneries d'anniversaire, je n'ai pas du tout parlé de mon week-end, que j'ai passé en compagnie de mes parents et de ma fille. (Rien à signaler de ce côté, si ce n'est que cette dernière a reçu son troisième bulletin de première primaire — très beau — et qu'elle est de plus en plus éveillée.)

Hier soir, comme tous les dimanches ou presque, je suis allé à la Maison du Peuple. J'avais en vue de travailler en première partie de soirée à une sorte de tableau d'ensemble reprenant les périodes marquantes de ce blog pour l'année écoulée, mais dès mon arrivée, je tombe sur Nanash — un revenant ! — et Andrew. Normalement, eux aussi doivent travailler : Nanash a en effet demandé à son vieil ami de l'aider à traduire en anglais le résumé d'une communication médicale qu'il voudrait donner au Brésil cet été. L'abstract (comme il dit) doit être envoyé aujourd'hui... mais il n'a pas encore terminé le texte en français. 

Personne à la table ne travaille comme il devrait travailler. Nanash s'isole un moment sur son MacBook grâce à ses écouteurs, mais après une petite heure, il revient sur Terre et prend part à une discussion politique, élection présidentielle française oblige. Nanash appartient à ce qu'on pourrait appeler, en gros, la gauche radicale (un communiste, quoi) et soutient donc Mélenchon... Moi aussi. (Comprendre : si j'étais Français et que je devais voter pour quelqu'un à la présidentielle, je voterais pour lui.) Je dis d'ailleurs durant la conversation, sans que je sache moi-même si je suis sérieux ou pas, que dans l'éventualité —  extrêmement improbable — d'une victoire du leader du Front de gauche, je prendrais illico presto le train pour Paris... (À défaut du drapeau noir, je brandirais un drapeau rouge sang. — Mais à choisir, je préfèrerais encore brûler tous ces putains de drapeaux.)

Qu'importe les arcanes de la politique française ! Ça me fait très plaisir d'avoir un gars de gauche à ma table. Je sens comme un souffle d'air frais ce soir (ou plutôt hier soir) : celui de la remise en question du système. Je me sens moins seul, pour une fois : d'habitude, en soirée, à l'exception de celles que je passe en compagnie de Flippo, Zapata, Amy, etc., ou de Léandra en tête à tête, je suis entouré de gens ou bien de droite, ou bien centristes (donc de droite), ou bien encore apolitiques (donc de droite).

Je regarde avec une certaine délectation Nanash s'énerver en tapant du poing sur la table. Sa colère me rappelle un peu celle qui m'a prise d'un coup lors d'une soirée chez moi, le vendredi 17 juin 2011 (de l'intérêt de tenir un journal). Il s'agit ici, pour autant que je puisse en juger, du même genre d'énervement : celui de quelqu'un qui sait ce que c'est, matériellement, de ne pas avoir d'argent du tout, et qui trouve presque déplacée toute discussion bourgeoise, de salon, à ce sujet.

Nanash possède une conscience politique très tranchée. Il a des idées arrêtées sur les salaires et sur ce que devrait gagner les gens : « La rémunération d'un ministre ou d'un parlementaire, à l'origine, c'est pour permettre à tous, y compris aux classes les plus pauvres, d'occuper ce genre de fonction et de s'y consacrer à plein temps. C'est aujourd'hui une somme énorme. C'est moralement inadmissible de gagner autant. C'est une question de principe. Quand autant de gens sont asphyxiés financièrement, les représentants de l'État se doivent, encore plus que les autres, de donner l'exemple. » Ou encore : « Les règles du jeu devraient être exactement les mêmes pour tous. Or, actuellement, rien n'est plus faux. Ceux qui sont les plus capables de s'en sortir financièrement, ce sont les classes les plus aisées, qui peuvent se payer sans problème un comptable, un avocat... La justice ne s'applique pas de manière égalitaire pour tous. Ce sont toujours les plus petits qui ont le plus de mal à s'en sortir... »
Face à lui, Andrew est un peu énervé, pas tant à cause du discours qu'il tient que de son comportement de procureur général. Andrew se dit même inquiet par rapport à un tel ton : il n'aime pas l'attitude qui consiste à délimiter ce que devrait être la vertu en matière de société. Je suppose qu'Andrew considérerait une société économiquement planifiée comme une énorme privation de liberté, voire comme une aberration. — Mais le problème réside aussi dans le fait qu'actuellement, comme souvent (voire toujours ?), beaucoup de personnes sont réellement privées de toute liberté parce que la redistribution des richesses est tristement mal foutue.

Save and continue. — Toujours au cours de la même soirée, Andrew, qui en ce moment joue à un vieux Zelda sur sa console, me dit en substance ceci : « Pouvoir revivre sans cesse une journée passée, comme dans Un jour sans fin avec Bill Murray, c'est le rêve de toute la génération "Jeux vidéo" : sauvegarder sa vie comme on le fait avec une partie de Zelda et pouvoir la rejouer sans problème plus tard...  »  — Du coup, je me demande, si j'en avais le pouvoir, quelles parties de ma vie (quelles sauvegardes) je déciderais de rejouer. C'est impossible : mieux vaut donc ne plus y penser et gagner du premier coup.
Aujourd'hui soir, Maison du Peuple (encore et toujours). — Je suis presque à jour. Sensation étrange que celle d'écrire dans ce blog ce qui se passe à quelques heures d'intervalle. Je vois des troncs d'arbre descendre le cours de la rivière et, pour une fois, un tronc se trouve non pas loin en aval mais presque en face de mes yeux. Je décris, en léger différé, le passage du tronc... J'ai rattrapé mon retard.
(C'est même pire que ça : étant en avance sur la rédaction de mon journal et n'ayant rien d'autre à foutre de mon existence, je suis allé jusqu'à décrire dans le train le passage d'un tronc qui se trouvait en amont : je savais que Léandra serait à la Maison du Peuple ce soir et j'ai donc raconté la rencontre avant qu'elle n'ait réellement lieu. Mais ce genre de chose ne marche pas et je suis maintenant obligé de revoir mon texte. — Il ne peut y avoir de Prédiction sans Avenir.)
Léandra (qui n'est pas un tronc, je tiens à le préciser) est déjà installée à l'une des tables du fond quand j'arrive. Elle a oublié ses clés et s'en ira bientôt passer sa soirée chez Jonas. Nous buvons du vin blanc. Par le plus grand des hasards, Igor est également, en transit, à la Maison du Peuple. Il s'installe avec nous et prend un verre de vin rouge. 
Léandra et Igor partis vaquer à leurs occupations respectives, je reste seul à une table près de la fenêtre. Marrant : je remarque que la jeune dame au sac Quechua rouge, qui prend le même train que moi tous les jours et qui me salue depuis peu de temps, est assise à une autre table avec des amis. Ce n'est pas la première fois que je la vois dans ce café... (Et sur un des murs de celui-ci, plusieurs semaines d'affilée, j'ai cru voir la photo d'enfance d'une autre navetteuse : celle qui ne dit jamais rien, qui a un air très froid, qui lit John Stuart Mill et qui s'intéresse au cinéma.) — Le monde est petit, mais je ne lui parle pas.

La serveuse la plus jolie et la plus souriante du café est présente aujourd'hui. Quand elle me voit, elle me demande comment ça va et me distribue une flopée de tickets Wi-Fi (assez pour tenir quelques jours). J'aimerais être comme elle car elle respire la joie de vivre. Elle accueille tous les clients avec un sourire jusqu'aux oreilles. — Mais comment fait-elle ?

Addendum curieux. (Je jure que le paragraphe ci-dessus ne constituait pas une amorce.) Je m'apprête à partir de la Maison du Peuple, vers 22 heures. J'ai déposé mon verre sur le comptoir, je reviens des toilettes... La serveuse citée plus haut arrive à ma table et me dit : « Je suis un peu déçue. T'es passé devant le bar et tu n'as pas repris de verre. Je comptais t'en offrir un. Tu veux quoi ? ». Euh... « Je veux bien une Chimay blanche, mais en 25, et je vais venir la chercher au bar... » Au bar, elle me dit : « Tu es toujours souriant et de bonne humeur [ha bon ?], alors je t'offre un verre. » Que faire ? Bah rien. Mais je vais juste éteindre mon PC et essayer d'avoir l'air normal, au cas où. (Mon dieu, mon dieu...)

366

Hasard du calendrier. — Pendant qu'en France, les électeurs doivent (ou plutôt peuvent) choisir entre l'extrême droite, la droite dure, la droite molle et la gauche, de mon côté, je fête (c'est un grand mot) le premier anniversaire de ce journal en ligne. 

Mais je triche un peu... S'il est vrai que je traite de ma petite vie à la con à raison d'un article par jour depuis un an, à quelques très rares exceptions près, la nuance est de mise. Car ce n'est qu'à partir de la mi-juillet 2011, lors de mes vacances à Stavelot, en compagnie de ce qu'on appelait alors la "dream team", que le présent journal a pris la forme d'un blog à part entière. Vers le 20 juillet 2012, je pourrai donc vraiment affirmer que j'ai atteint un premier objectif : celui d'avoir écrit, et ce pendant une année complète, un "vrai" article pour chaque jour de l'année écoulée. — Objectif totalement ridicule, j'en conviens.

Au début, il s'agissait d'un journal en ligne "secret" (plus d'informations ICI), qui ne contenait que quelques descriptions sommaires de ma journée. En date du 22 avril 2011, on peut donc lire ici-même le texte fondateur de cet immense patchwork sans queue ni tête, un paragraphe ridiculement inintéressant et on ne peut plus laconique :
Retour de Christelle
Christelle arrive de Lyon en voiture en fin d'après-midi. Je suis content. On passe la soirée au bowling avec FBsr, Alineke, Tom, Ophely et son amie Carmela, puis on va manger à La Fleur en papier doré.
En ces temps lointains, l'objectif était simple : me permettre d'avoir un très bref aperçu de ce que je faisais de mes journées. Le fait qu'il débute avec le retour (très temporaire) à Bruxelles de Christelle (la seule personne ici à garder son vrai prénom, avec Gaëlle et Maïté) n'est pas un hasard : somme toute, sa venue était pour moi un événement marquant et heureux, et l'utiliser comme la pierre angulaire de ce journal n'a donc rien d'étonnant. Depuis lors, je n'ai presque plus (voire plus du tout) de nouvelles d'elle. 

Par la suite, c'est devenu beaucoup plus compliqué : je me suis mis à écrire de plus en plus et j'ai fini par considérer tout ce projet comme une sorte d'atelier d'écriture très personnel, un peu à l'instar de Lewis Trondheim qui, pour apprendre à dessiner, s'est fixé la réalisation d'une BD de 500 pages, le mythique Lapinot et les Carottes de Patagonie... — Sur 500 pages, Trondheim s'est vachement amélioré. De mon côté, je ne peux hélas, et en toute honnêteté, en dire autant : je compare mes textes d'aujourd'hui avec ceux d'il y a dix mois et je trouve que j'écris toujours de la même manière, sans le moindre effet de style (à l'université, mon ami Hamilton II disait que j'écrivais de manière "mathématique", mais ça ne veut pas dire grand chose) et avec beaucoup de fadeur.

Tableau d'ensemble.  — Je voulais, pour mieux comprendre le sens de tout ceci, réaliser, en ce jour d'anniversaire, un tableau d'ensemble un "tableau synoptique" comme dirait l'autre (dont je dois taire le nom dès demain)... Un tel tableau m'aurait peut-être permis de mieux comprendre le sens de ce blog. Mais je n'ai tout compte fait ni le temps, ni l'envie de me consacrer à cette tâche aujourd'hui soir. Le résultat de la bête noire à l'élection présidentielle française, la fatigue mais aussi la morosité qui m'assaille en ce début de nuit y sont pour quelque chose, sans aucun doute...