Une soirée chez tantine Gigi

Ce soir, je suis invité avec mes parents à un souper chez une de mes tantes du côté paternel : tantine Gigi. C'est ma tante préférée dans ce coin-là de la famille. Comble de chance, j'adore également son mari, Jean-Paul : un gars très calme, réfléchi, du genre "bricoleur habile", qui aime bien vivre, boire du vin et de la bière. Ils vivent dans une belle maison à la campagne, qu'ils ont aménagée avec beaucoup de goût (et pourtant, "Dieu" sait que je suis très difficile en la matière). Gigi et Jean-Paul ont le souci du détail, jusqu'aux plats qu'ils nous proposent (des bruschetta à la tomate et à l'huile d'olive de Toscane ; du melon frais au jambon de Parme et au parmesan, assaisonné avec la même huile délicieuse ; de très bons spaghetti à la bolognaise).
Au sujet de Jean-Paul, une anecdote qui m'a marqué durant la soirée : sur ses 63 ans d'existence, il n'a lu en tout et pour tout que 4 [quatre] livres, dont Le Petit Prince. La raison invoquée est curieuse et originale : il est incapable de se concentrer longtemps sur une intrigue car dès qu'un mot le frappe, son esprit quitte le livre et vagabonde dans un paysage mental constitué de concepts purement pragmatiques en rapport avec le mot ; ainsi, s'il lit le mot "plomberie" – simple exemple –, il va se souvenir qu'il doit travailler à la plomberie de sa salle de bain et réfléchir à la meilleure solution à mettre en œuvre. C'est un esprit éminemment pratique (un peu comme mon père) et ça m'impressionne dans la mesure où c'est un domaine dans lequel je suis un véritable branque, incapable de clouer quelque chose sans m'écrabouiller un doigt – et j'ose à peine évoquer ici mon légendaire ennemi : la scie, chien fidèle (t'en as encore beaucoup en stock, des aussi pourraves, Hamilton ?)

Ce soir est une soirée-test pour moi : c'est la première soirée, depuis mon opération, durant laquelle je vais devoir rester assis ou debout pendant quelques heures. Conclusion : ça ne s'est pas trop mal passé. J'ai juste dû aller me reposer sur un divan, à un moment. En fin de soirée, test également avec l'alcool. En sirotant pendant une heure mon seul et unique Orval du jour (pour le reste, ce sera de... l'eau et de... l'Ice Tea pêche), je repense à cette histoire invraisemblable de gars incapable de boire un seul verre de vin après son opération de la vésicule, sous peine d'aller irrémédiablement vomir ses tripes. Conclusion : l'Orval m'assomme un peu à cause des médicaments, a un goût légèrement différent qu'à l'accoutumée (j'ai beaucoup plus rapidement en bouche le goût de l'alcool), mais je ne vais pas rendre visite à la cuvette des WC. Au contraire : comme d'habitude, ça m'aide à digérer.

Un des sujets de la soirée tourne autour de feu ma tante Popo, décédée il y a presque un an. La raison : les frais de son enterrement, ou plutôt de sa mise en mer... Tante Popo vivait seule à Ostende et n'était pas riche : elle possédait juste de quoi payer ledit enterrement. Cependant, l'argent présent sur son compte bancaire les jours suivant le décès a mystérieusement disparu. Les pompes funèbres n'ont pas été payées et envoient des lettres de menaces en néerlandais (oui, oui !) à mon père ; le notaire refuse de répondre aux lettres qu'on lui envoie. Conséquence : les frères et sœurs en vie vont peut-être devoir sortir leur porte-monnaie... Et qui dit fric dit friction : coups de fil, énervements, stress, etc. 

La discussion vire ensuite aux considérations sur la mort (en général) et sur les morts dans la famille. Mon père est sans doute celui qui, au sein de sa fratrie, a la plus forte personnalité (avec tantine Gigi) : il a des idées très arrêtées sur tout (qui a dit : "Un peu comme son fils" ?) et donc aussi sur la mort, forcément. Mon papa est un matérialiste radical, un athée jusqu'au bout des doigts de pied (mais un doigt de pied peut-il être athée ?) : après la mort, plus rien, le néant ; ça ne sert donc à rien de pleurer pour des gens qui ne sont plus là : il faut être avec eux – et les aider – quand ils sont encore en vie. C'est une pensée simple et pleine de bon sens mais qui n'est apparemment pas si évidente que ça à mettre en pratique dans le reste de ma famille paternelle.

Demain, pour continuer sur cette lancée funèbre, comme je n'ai rien à raconter en ce moment (convalescence monotone oblige), je ferai un petit panorama des morts de la famille... Youpie !

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