Trois paragraphes sinon rien - II

« L’esprit quitte l’eau du corps lorsque se lève la première lune, dit Stilgar. Ainsi est-il dit. Lorsque se lèvera la première lune, cette nuit, qui appellera-t-elle ? » (Frank Herbert, Dune.)

Funérailles « à la fremen ». — Loin, tellement loin de ces funérailles récemment observées : l'adieu à Jamis dans le roman Dune de Frank Herbert. Les Fremen, habitants du désert, récupèrent l'eau de la dépouille de Jamis avant de procéder à la cérémonie funèbre proprement dite : ils forment un cercle autour d'un amas d'accessoires appartenant au défunt. À tour de rôle, un ami marche vers le centre, s'empare d'un objet et prononce un très court discours, comme celui-ci : « J’étais un ami de Jamis. Lorsque notre eau vint à manquer au siège des Deux Oiseaux, Jamis sut partager. » — Quelle belle façon de rendre un dernier hommage ! Je la verrais bien se dérouler de cette manière, ma propre cérémonie funèbre (puisque apparemment il en faut absolument une) : quelques amis et quelques parents disposés en cercle dans le cadre intimiste d'une grotte, chacun marchant vers le centre de la réunion pour récupérer un de mes rares objets personnels : ma vieille lunette astronomique ; Chronic Town, le premier vinyle « à la gargouille pensive » de R.E.M., et Spiderland de Slint ; Au carrefour des étoiles de Simak et L'Incal de Mœbius et Jodo ; une raquette de badminton et cette toute nouvelle boule de bowling ; des ouvrages d'histoire et des livres de ou sur Wittgenstein... « J'étais un ami d'Hamilton », diraient-ils, mais quelle raison avanceraient-ils ?

Cigarettes. — Petite librairie de la gare des Guillemins. La jeune dame devant moi demande un paquet de « Camel beiges ». Le libraire barbu et bourru s'exclame, pince-sans-rire : « Des Camel beiges ? Des Camel jaunes, vous voulez dire ? » Il semble réellement surpris. La dame partie, il m'explique, en me montrant le paquet : « Elle voulait des Camel beiges. Vous trouvez ça beige, vous ? Enfin bon ! Je n'allais pas la contredire plus que de raison... » Puis il continue sur sa lancée : « C'est la galère avec Camel en ce moment. Pour leur centième anniversaire, ils ont sorti cinq paquets de couleur différente. Mais les gens veulent seulement les paquets habituels, les jaunes... Quand je leur dis que c'est exactement la même chose, que ce sont simplement des éditions "collector", ils ne veulent rien entendre... » Gros silence, puis il fait demi-tour et regarde, les mains posées sur la taille, la publicité proposée par la marque pour l'occasion : « "Fait avec de l'eau, du tabac et du soleil"... Pfff, c'est pas possible ! Ils ne savent vraiment plus quoi inventer ! »

La routine s'installe dans les deux sens. — Lire ce blog aux aurores devant une bonne tasse de café, comme on lirait un journal en papier : aurais-je créé malgré moi une habitude, voire une addiction ? — Prochaine étape : lancer une gamme de tee-shirts « Hamilton's Diary » pour les aficionados ? (L'idée est de Doëlle.)

Laisser un commentaire