Glouglou

Rêve de poissons d'argent. — Chez mes parents. Ma chambre et celle de ma fille sont toutes les deux infestées par des lépismes, ces petits insectes qui ressemblent à des vers et qui se faufilent d'habitude dans les pièces humides des maisons. Ils grouillent par milliers... Les écraser ne sert à rien car dès qu'un vide se forme sur le parquet après y avoir posé et relevé un pied, d'autres de ces bestioles le comblent aussitôt. Ma mère nous explique qu'on ne peut rien y faire et qu'il va falloir que nous dormions dans nos lits respectifs en compagnie des poissons d'argent. « De toute façon », m'assure-t-elle, « ils sont inoffensifs ! », et je me réveille !

« Moi, je crois en Dieu ! » — Gaëlle n'en démord pas : elle croit en Dieu et en Jésus : « Maman m'a mise au cours de morale mais moi, je voudrais aller en religion catholique ! » Dans une famille athée depuis au moins deux générations, tant du point de vue paternel que maternel, la déclaration a de quoi surprendre ! — Ma fille va à contre-courant, elle incendie déjà ses aînés : c'est une très bonne chose. D'ailleurs, si elle s'était déclarée mécréante d'emblée, je me serais méfié.

Repas de Noël. — Ma grand-mère et Lazlo (le meilleur ami de mon père) participent à ce repas de Noël chez mes parents. Au menu : un simple velouté de tomates, des chaussons au potiron et à la feta (très bons et très simples à réaliser, je le note) ainsi que, en plat principal, la traditionnelle dinde. — Pourquoi ? Pourquoi faut-il donc qu'il y ait à chaque fois ce « gros poulet » répugnant (esthétiquement parlant) ? Arrivé à ce moment du repas, je n'ai déjà plus très faim et ce pauvre dindon m'achève complètement ; il me nargue avec ses os à décortiquer et la complexité de son corps jadis glougloutant... Un blanc pour moi, merci, comme ça je suis certain de ne pas tomber sur de l'immangeable ! — Enfin, arrive le dessert : des choux à la crème garnis de framboises et de chocolat fondant, préparés par mon père. Retour à la délicieuse simplicité !

Belote. — Bobonne est partie se reposer ; Gaëlle regarde la télévision. Nous sommes quatre adultes ; le moment rêvé pour une belote ! Ha, que j'aime ce jeu de cartes ! À chaque fois que je joue à la belote, j'ai envie de partager tout ce qu'elle représente pour moi (j'ai déjà essayé), mais c'est peine perdue : seule une personne qui a connu elle aussi ces veillées nocturnes estivales avec huit cartes en main pourra sans doute appréhender ce que je veux dire. — Dès qu'on cerne ce jeu et qu'on sait quelle carte jouer (autrement dit dès que c'est un tant soit peu automatique), la partie se déplace ; elle trouve son intérêt ailleurs : dans la complicité des partenaires et dans la bulle sociale formée par ce groupe de quatre joueurs. Le jeune Schopenhauer considérait le jeu de cartes comme une des manifestations les plus visibles de l'ennui en ce monde, mais en ne focalisant sa pensée que sur cet aspect-là du jeu, il en a sans doute loupé un autre, primordial... Oui, peut-être joue-t-on aux cartes pour passer le temps (pour ne pas succomber à l'ennui), mais on y joue aussi pour se retrouver.

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