« Oh, I was in a dark age... »

Mary sort de la Maison du Peuple en me lançant, un peu exaspérée : « T'as remarqué certaines des meufs dans ce café ? On a l'impression qu'elles parlent à un miroir ! » Ce que veut dire Mary, si j'ai bien compris, c'est que la personne avec qui ces dames « discutent » n'existe pas vraiment à leurs yeux. Elles sont en représentation. Elles parlent en faisant des mimiques qu'elles ont sans doute répétées, seules, à l'infini ou presque, devant le miroir de leur salle de bain. Je n'ai pas spécialement remarqué ce comportement aujourd'hui, absorbé que j'étais, avant l'arrivée de Mary, par mon écran d'ordinateur, mais c'est évidemment quelque chose que j'observe de manière récurrente là-bas comme ailleurs, chez les hommes comme chez les femmes : des comportements factices, des visages qui tentent tant bien que mal de cacher la fausseté des sentiments, pour plaire, convaincre, manipuler, etc.
Histoire de changer un peu les habitudes, nous décidons d'aller boire un verre au Bar du Matin, à presque exactement un kilomètre de là. Mary veut absolument prendre sa voiture pour y aller. Résultat : nous tournons, tournons, tournons à la recherche d'une place. Garage, garage, emplacement réservé, garage, emplacement pour handicapé, garage, garage... Mary finit par se garer près de la place Van Meenen. Je ne comprends pas l'intérêt d'utiliser une voiture dans pareille situation, mais elle me lâche : « Hé, Hamil, j'en ai besoin, moi, de cette voiture ! Je n'ai plus d'abonnement STIB, hein... » (Je jure que j'essaie souvent de comprendre cette logique du « tout en voiture » avec des résultats plus que mitigés, je l'avoue.)

« Un ami m'a fait découvrir un chouette groupe hier... Ça s'appelle Other Lives... Tu connais ?
— Putain, Hamil, mais tu me prends pour une débile ou quoi ? Évidemment que je connais ! Je suis même allée les voir en concert avec Gondry !
— Ha bon... Ben moi qui croyais te faire découvrir quelque chose...
— Ils sont connus, hein...
— J'ai écouté en boucle leur clip "For 12" cette nuit, et j'ai adoré...
— Ma préférée sur le dernier album, c'est... Ha merde, je ne me rappelle plus du titre...
— "Desert" ? "Dust Bowl III" ?
— Non. Je sais que c'est la septième...
— Ha.... Attends, suffit de regarder sur mon baladeur. Voilà : "Old Statues"...
— Oui, c'est ça, "Old Statues" ! »

Dans « For 12 » (Tamer Animals, 2011), le chanteur Jesse Tabish joue à l'astronaute solitaire façon 2001. On retrouve même une référence au fameux monolithe, sauf qu'ici il s'agit d'un prisme triangulaire. Musicalement, le groupe est souvent comparé à Fleet Foxes mais il y a aussi, indubitablement, des accents du grandiose Sophtware Slump de Grandaddy ou encore de l'exceptionnel Space Oddity de Bowie : grandes envolées aériennes, évocation mélancolique de la solitude des grands espaces, ce genre de choses... Oh, I was in a dark age, searching for the ones in my mind... I'm so far away...

« Tu veux venir manger chez moi demain soir ? J'ai invité ma copine Béatrice... Celle qui est en couple avec Kevin, l'Australien... Tu vois ?
— Ha oui, je vois très bien. On avait été boire un verre au Corto avec lui, après le concert de ta travailleuse cubaine au Tavernier...
— Tu veux passer ?
Je n'ai absolument rien de prévu ce vendredi soir donc oui, c'est une bonne idée !
— Y aura aussi une copine hongroise, normalement...
— Ha d'accord, super... »
(Si Mary n'était pas là pour l'instant, ma vie sociale serait aussi aride que le désert d'Atacama.)

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