Alerte !

Retour sur le §II. — ... Ou peut-être que l'Univers ne disparaît pas malgré l'absence de tout observateur ? — Quand bien même, à quoi bon tisser cette fausse histoire du futur ? Pas besoin d'aller aussi loin : je meurs et l'Univers disparaît soudain ! (Vu de cette façon, l'Univers est une sacrée dépense d'énergie pour une et une seule personne.) — ALERTE ! ALERTE ! Alerte au solipsisme !
Exterminateurs. — Je devrais installer des exterminateurs à chaque recoin de mon cerveau : contre le solipsisme, contre le pessimisme et, avant tout, contre le romantisme ! — C'est qu'il revient au galop, ce cheval corrompu : j'observe un champ de blé et il y installe des corbeaux et des nuages sombres ; je regarde une mer paisible et il transforme la scène en un pénible naufrage ! (Il y a certes quelque chose de beau et d'attirant à considérer la nature comme un tourment ; à contempler un ciel d'orage et se dire : « Voilà : l'apothéose de la vie se trouve dans les éclairs et la destruction ! »)
Duels permanents. — Enfant, même si je ne le savais pas, j'étais d'un classicisme et d'un optimisme patentés : sûr de moi, sourire en coin, confiant dans l'ordre du monde (un esprit très sain, à n'en pas douter). Et puis voilà qu'arrivent l'adolescence et sa succession de défaites émotionnelles et de replis en tout genre... Que faire si ce n'est continuer à lire et à apprendre (et à jouer aussi) ? Que faire si ce n'est me fondre dans la science-fiction et dans les étoiles ? — Aujourd'hui encore, ce sont ces deux êtres-là qui se partagent une part substantielle de ma conscience : d'un côté, ce petit gamin très éveillé, très mature et très confiant qui avait été choqué que son institutrice de deuxième primaire lui reproche de ne pas avoir bien tracé un cercle à la craie au tableau (pourquoi ce souvenir remonte-t-il à la surface aujourd'hui ? Mystère !) ; de l'autre, cet adolescent dont l'image n'était plus que l'ombre de l'image du premier, mais qui continuait à réfléchir de la même manière malgré tout. — Aujourd'hui donc, face à chaque événement, l'enfant en moi me dit d'être optimiste et analytique quand l'adolescent en moi me crie d'être pessimiste... et tout autant analytique. — Et l'adulte en moi ? Il n'a jamais existé, ce cuistre sans intérêt ! L'adulte, c'est purement et simplement la résignation de l'idéal et du rêve ! (ALERTE ! Au romantisme cette fois ?)

Venus.
— Profil altier, cheveux blonds (comme la Venus de Botticelli), et puis ces yeux bleus singuliers en amande et ce terrible sourire évasif, entre l'amusement et le mystère... Il est possible que les trois paragraphes précédents soient intimement liés à cette furtive apparition dans ce tram que j'ai pris au retour du travail. — Une apparition qui arrête pour un temps le flux des pensées pour se focaliser sur un seul constat persistant : Dieu que les femmes sont belles !

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