C'est un petit garçon des États-Unis d'Amérique. Cheveux blonds, casquette vissée sur la tête, accent américain, plus ou moins le même âge que Gaëlle. Il se trouve dans le même groupe que nous, celui de six heures, au sixième étage de l'Edinburgh's Camera Obscura and World of Illusions, une attraction touristique créée en 1853 sur les hauteurs du Royal Mile par Maria Theresa Short, une entrepreneuse issue d'une famille spécialisée dans la fabrication d'instruments d'optique.
Le principe de l'attraction est très simple, c'est celui de la chambre noire : dans une pièce isolée de toute pollution lumineuse, un membre du personnel manipule à l'aide d'une longue tige un périscope situé à quelques mètres au-dessus de nous, sur le toit de la tour. Par un jeu de miroirs, un panorama en temps réel de la ville d'Édimbourg est projeté sur une grande table concave blanche placée à notre hauteur. L'optique est d'origine et les images mouvantes observées (bâtiments, drapeaux flottants au vent, mouettes, voitures, personnes en contrebas, etc.) sont fantomatiques, un peu comme si Nicéphore Niépce s'était essayé à la vidéo avec les moyens de son époque.
Notre guide du jour est très comique : elle fait plein de plaisanteries sur le (ridiculement gigantesque) monument érigé en l'honneur de Walter Scott, sur la cathédrale toute proche qui bouche la vue, sur les passants qu'on peut ramasser à l'aide d'une simple feuille de papier... Elle pose aussi un tas de questions, auxquelles le petit Américain répond la plupart du temps. Gaëlle est très énervée et au bord des larmes. Je lui demande pourquoi. Réponse : « Je ne comprends rien ! Les gens rigolent et je ne comprends pas pourquoi. Et puis, moi aussi, j'aimerais faire la maligne comme l'autre garçon, si seulement je comprenais l'anglais ! »
Pour notre malheur, « l'autre garçon » fera en même temps que nous la visite des autres étages du musée, consacrés en grande partie aux illusions d'optique. C'est une sorte de « Britannique inversé ». Tout ce que ne ferait a priori pas un enfant britannique, il le fait : dépasser tout le monde pour essayer une attraction en premier, bousculer sans s'excuser, faire le gardien devant un couloir pour avoir un espace réservé pour lui et ses parents (!)... Son comportement énervera encore plus Gaëlle, à juste titre cette fois-ci.
La dernière attraction du musée (le Giant vortex tunnel) est extrêmement troublante pour les sens : elle consiste à traverser une passerelle statique en métal grillagé entourée d'un cylindre très coloré en rotation constante. En la traversant, impossible de ne pas avoir la sensation que la passerelle est en mouvement et qu'on va finir tomber. Comme dirait notre petit États-Unien, à qui je laisse le mot de la fin : « That's creepy! »