La Norvège sans les Norvégiens

Hier, j’ai testé un nouveau concept : l’écriture
sous l’emprise de l’alcool. J’ai ainsi décidé qu’à chaque fois que je serais vraiment
saoul (au point d’avoir beaucoup de mal à taper correctement sur un clavier ou
simplement de marcher droit), j’écrirais à la deuxième personne du singulier. La
démarche a créé son petit effet quand je me suis relu le lendemain : Hamilton
saoul tutoyant Hamilton qui émerge, c’est sympa et direct. Je repense à
Andrew qui me demandait hier à qui sont destinés mes blogs. Je continue à me dire
que ce journal m'est avant tout destiné (c'est une façon d'ordonner et de mieux comprendre ce que je fais en ce moment) mais la question se pose quand
même : s’il est destiné avant tout à moi-même, pourquoi est-ce que je
l’écris en ligne ?
Même saoul,
je n’ai pas trop mal résumé la soirée d’hier. C’était une chouette soirée,
somme toute, une fois les deux colocataires taciturnes partis je-ne-sais-où. Je
me rends compte néanmoins que j’ai oublié de parler d’un des invités :
Lytle. Lytle est assez discret, ne parle pas beaucoup, mais est d’agréable
compagnie. Il revient d’un voyage en Norvège. Il était à Oslo lors du drame de
l’île d'Utøya. Quand je lui demande s’il a rencontré du monde là-bas, il répond :
"Oh non, je ne suis jamais resté plus de deux jours au même endroit".
Il y est allé en voiture, en amenant sa nourriture et ses boissons. Il garde
néanmoins un souvenir magnifique de son séjour (les fjords, les glaciers, les
lacs...). 

Lytle vit de manière assez simple : il n’a pas besoin de
beaucoup pour être heureux, apparemment. Je me dis que chaque personne envisage ses vacances
différemment. Je me dis aussi que si mon ami Zapata était parti deux semaines en
Norvège, il aurait squatté avec les anarchistes locaux, visité les repères underground du pays et rempli un carnet
d’adresse de gens sympathiques et un peu hors système. Célibataire, il serait
sans doute aussi sorti avec trois ou quatre Norvégiennes, au moins. Mais Lytle
n’est pas Zapata. Je me dis enfin que si j’étais parti en Norvège seul pendant quinze
jours, j’aurais forcément lié connaissance coûte que coûte avec des habitants
ou des touristes. J’aurais goûté les bières locales dans un pub tous les soirs
ou presque, sorti mon anglais le plus basique sans trop de honte et fait des
randonnées avec des amis improvisés... Ou pas. Qui sait ? Je ne suis jamais allé en Norvège.

* * *
En fin de
matinée, émergeant difficilement d’une gentille gueule de bois (se cantonner à
la bière, ne jamais boire de vin, nondidjû
 !), je rejoins Léandra à la
Maison du Peuple. Il y a un beau soleil à l’extérieur mais
force est de constater qu’il ne fait pas très chaud à la terrasse. Léandra préfère rentrer dans le café. Elle mange un bout de quiche et
je l’accompagne avec des boissons : deux cafés et, pour exorciser les bières d’hier... deux
bières (ça fonctionne !). On arrive à parler de plein de choses en assez peu de temps et, après avoir discuté du domaine de Chevetogne, on tombe d'accord sur la relative absence d'intérêt des administrations provinciales en Belgique... Je suis curieusement de très bonne humeur depuis ce matin, sans raison, comme dirait l'autre.

En début d'après-midi, je me dirige vers la gare du Midi en compagnie de Léandra, pour retourner chez mes parents. Je me souviens qu'il faut encore que j'achète un cadeau pour l'anniversaire (passé) de ma "Bobonne" et décide donc de me rendre d'abord au centre-ville pour acheter des savons. Mauvaise idée. Très mauvaise idée : non pas pour les savons, mais pour le train que je prendrai plus tard dans la journée. Accusant dès le départ du retard (c'est assez habituel), ledit train s'arrêtera définitivement à Marchienne-au-Pont, à quelques kilomètres de Charleroi. Après une attente d'une demi-heure, le contrôleur nous donne la raison : alerte à la bombe en gare de Charleroi. Tout le monde reste calme et descend donc à la gare de Marchienne, sauf... un Français (reconnu à son accent, ha !) qui crie au scandale et qui engueule le personnel de bord.

Ambiance surréaliste à Marchienne-au-Pont. Le gars au guichet ne fait pas beaucoup d'efforts et lance constamment à toute personne se présentant devant lui, avec un accent inimitable : "Haaaa, j'n'peux rien faire pour vous, v'savez" ou "J'n'ai pas plus d'information, d'solé"... Je finis par prendre le bus jusqu'à Charleroi mais je ne suis pas plus avancé. La gare est entièrement fermée et le trafic totalement interrompu. Y a des policiers, des maîtres-chiens, et des pompiers partout. Je téléphone à ma maman, qui viendra me chercher en voiture près de Ville2, la grande galerie commerciale à l'autre bout de la ville. 
Pendant ma petite demi-heure de marche pour m'y rendre, j'ai l'occasion de voir à quoi ressemble aujourd'hui Charleroi vers 7 heures du soir : à pas grand chose. Il n'y a presque plus aucune vie, même sur les grandes artères. La plupart des cafés (comme "Les Mille Colonnes" près du passage de la Bourse) sont fermés, les commerces sont vides... Quelques rares travailleurs marchent rapidement dans les rues désertées... La seule activité humaine est constituée de bandes de jeunes qui restent assis à ne rien faire, près de la Foire. Charleroi est la grande ville la plus proche de chez mes parents. Je la connais très bien, cette cité, mais ça me rend triste de la voir comme ça. 

Conclusion du "voyage d'Hamilton" : je devais normalement être de retour chez mes parents vers 18h, et c'est à 21h30 que je reviens. J'ai donc juste l'occasion de voir ma fille une petite heure et de lui raconter quelques histoires...

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