Poils de chat

Printemps précoce. — Un ciel entièrement bleu, près de 20 degrés Celsius, une esplanade noire de monde, en mars, à Bruxelles, est-ce unique ou banal ? En tout cas, c'est déjà arrivé il y a environ deux ans. En témoigne ce passage daté du vendredi 16 mars 2012 : « J'arrive à la Maison du Peuple en fin d'après-midi. Il fait délicieusement bon dehors pour une journée de mars et la terrasse est pleine à craquer. Je m'en vais chercher une Chimay blanche au bar pour ensuite aller m'installer à l'intérieur, près d'une fenêtre, avec mon PC... Et je me rends compte à ce moment — ô miracle ! — qu'une table est libre dehors. Donc me voilà à la terrasse du café, en tee-shirt, à écrire mon mercredi. Le soleil décline lentement sur fond de ciel bleu et termine sa course derrière l'église Saint-Gilles. » — Et il y a un an ? C'était le blizzard, comme le montre très bien cet autre extrait daté du mardi 12 mars 2013 : « Il aurait sans doute été plus sage de travailler chez moi aujourd'hui. Trop tard : je suis déjà dans un train qui roule à toute allure à travers la campagne flamande pour rattraper son retard. Après Leuven, le paysage est grandiose, proche du "blanc dehors" (whiteout), ce phénomène météorologique des régions froides du globe durant lequel l'horizon se noie complètement entre un sol d'un blanc immaculé et un ciel qui possède les mêmes tons laiteux. » — Ainsi la grande loterie de la météorologie belge daigne-t-elle à nouveau repaître notre esprit d'un enseignement capital : parfois le mois de mars est délicieux, parfois il ne l'est pas. Amen.

Secrets de petite fille. — Léandra me rapporte les deux curieux « secrets » que Gaëlle a confiés à Léah lors de la soirée du samedi 22 février chez Andrew. Premier secret : Gaëlle trouve que « normalement, une femme, c'est fait pour sortir avec un homme et un homme pour sortir avec une femme ». Second secret : elle pense que Léandra devrait sortir avec moi et qu'elle, Gaëlle donc (huit ans et demi), devrait sortir avec Andrew (35 ans). Le plus drôle est que ma fille a raconté tout cela à... la copine d'Andrew. — Quel rapport entre ces deux secrets ? Léandra a ébauché une théorie : Gaëlle a peur que je sois un jour en couple avec un homme, donc elle a dès à présent imaginé une sorte de contre-proposition bizarre. Quant au fait qu'elle-même veuille sortir avec Andrew et le dise directement à sa copine, mystère ! Difficile d'y voir autre chose qu'une sorte de déclaration de guerre à peine occultée par le velours de l'innocence enfantine.

Entretien d'embauche pour informaticiens. — Début de soirée. Léandra est partie. Coraline, Bob et Fabien aussi. C'est la première fois que je bois un verre seul avec Jonas. Il me parle entre autres de l'entretien d'embauche téléphonique pour Google qu'il a passé en 2013. Il m'explique que lorsqu'on passe un entretien avec cette société, il faut toujours s'attendre à une question étrange comme par exemple : « Comment feriez-vous pour estimer le nombre de poils que possède votre chat ? », question à laquelle il faudrait répondre par quelque chose comme : « J'estimerais d'abord en centimètres carrés la surface du pelage d'un chat mort (après l'avoir dépecé pour obtenir une surface plate) de la même race, taille et corpulence que mon chat et je multiplierais ce résultat par une estimation du nombre de poils présents sur un centimètre carré de ce même pelage. » (Ils ne veulent évidemment pas recevoir une réponse précise, mais seulement déterminer le degré d'adaptabilité et de créativité d'un candidat par rapport à une situation nouvelle.) Bien sûr, ils n'ont pas posé à Jonas la question sur les poils de chat mais plutôt celle-ci : « Comment feriez-vous pour calculer une valeur approximative du nombre Pi sans disposer d'une calculatrice ? » La question l'a déstabilisé et il a pris trop de temps pour y répondre. Apparemment, il fallait faire intervenir les probabilités, comme dans l'expérience de l'Aiguille de Buffon. Mais n'y a-t-il pas plus simple ? Par exemple : prendre un cylindre quelconque (un pneu, un rouleau vide de papier WC...), appliquer une substance tachante (encre, peinture, goudron...) à un point de sa surface et le faire rouler sans dévier le long d'une règle graduée inscrite sur une surface blanche, où chaque graduation principale (0, 1, 2, 3...) correspondrait exactement au diamètre du cylindre choisi ? Si la première tache sur le papier démarre pile à 0, la seconde tache s'arrête à Pi. Le résultat sous forme de nombre serait beaucoup plus imprécis mais l'expérience serait par contre beaucoup plus facile à mettre en œuvre.

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