12. Embrouille chez les MacMeasy

Monsieur l'historien,
Camarade Hamilton !

Le Commandant de la Régionale ardente a relu avec la plus grande attention ton texte sur l'histoire de notre Division. Il dit avoir appris beaucoup de choses. C'est un bon travail. C'est bien écrit.
Mais — et il y a forcément un « mais », car pourquoi aurais-je mis en avant tous ces points positifs dans mon préambule si ce n'était pour mieux te faire digérer ce qui suit ? — notre Commandant a eu comme un blocage. Un gros blocage, qui se cristallise autour d'un seul et unique point.

Voilà : il trouve que le nom de « MacMeasy » apparaît à de trop nombreuses reprises dans ton article. Oh, j'ai bien essayé de lui expliquer que Marius MacMeasy fut le glorieux fondateur et l'estimé commandant de notre bien-aimée Division régionale ; qu'il y est resté en poste pendant plus de vingt ans ; qu'au début il a pratiquement tout construit à lui tout seul ; et enfin qu'on le verra moins par la suite puisqu'il sera remplacé par Bastien Durrée, le grand, le magnifique, le terrifiant Général wallon ! Mais il n'a rien voulu savoir.
Il refuse également que la femme de Marius MacMeasy, Nina, qui a pourtant joué un rôle primordial dans notre histoire, soit mise en avant. Je le cite : « Quelle importance qu'elle soit sociologue et patati et patata ? », ou encore : « Rien à battre qu'elle ait fait de la moto pour mettre en place des piquets de grève ! » — Tu l'auras compris : le Commandant est furieux dès qu'il entend parler du Clan MacMeasy... Mais c'est le Commandant, et on ne discute pas l'avis du Commandant.
(Je croyais que la colère de ce dernier allait s'estomper lorsqu'il jetterait un œil au texte de Charlotte consacré à l'histoire plus ancienne, mais je viens moi-même de le relire et, à nouveau, le nom de Marius MacMeasy y apparaît à plusieurs reprises ! Ce bougre de MacMeasy a eu la mauvaise idée d'être un compagnon de route de René Dranard avant et pendant la guerre !)
Bref. Il y a, je pense, au sein de notre Division, un sérieux problème autour du Clan MacMeasy. Un problème tellement énorme que je ne peux à aucun moment imaginer qu'il ne s'agisse que d'une simple question de jalousie d'un nouveau chef envers l'ancien, qui plus est aujourd'hui décédé. Peut-être une histoire d'amour tragique ? Ou un trésor enfoui dans les caves de notre Forteresse ?

Je te demanderai donc, en toute amitié, de revoir ton texte en conséquence.
Je sais que l'on ne peut supprimer complètement toute référence à Marius MacMeasy, mais il y a certainement moyen d'éviter le courroux du Chef Suprême en remplaçant le plus fréquemment possible son nom dans l'article. Par exemple, ne pourrais-tu point utiliser dans ton texte le terme de « commandant de l'époque » ou bien encore tout simplement « il » en lieu et place de « Marius MacMeasy » ?
Il serait sans doute aussi beaucoup plus diplomate de supprimer complètement les parties où Nina MacMeasy apparaît de manière trop importante. Je pense particulièrement à cette charge de cavalerie à Chaudfontaine ou encore à son implication dans le grand combat de l'hiver 1960-1961.

Autre chose : j'ai remarqué que tu utilisais dans ton texte des termes connotés idéologiquement. Nous sommes de gauche, Camarade ! Merci par conséquent de remplacer « acquis sociaux » par « conquêtes sociales », « délégués retors » par « délégués combatifs », et ainsi de suite...
Enfin, il conviendra de revoir tout le système de notes. N'oublions pas que la majeure partie du public-cible est constituée de simples soldats. Il faut donc beaucoup de belles images, un peu de texte et le moins possible de notes de bas de page.

Haut les cœurs ! Je suis certain qu'en supprimant ou en révisant les trois quarts de ton texte, voire plus, nous arriverons à une solution satisfaisante pour tout le monde.

Cordialement,

Cornélius
P.S. : Cette missive pouvant passer pour une demande particulièrement corsée de censure historique, je voulais absolument que tu saches qu'il s'agit en effet d'une demande particulièrement corsée de censure historique.

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