Vaudou

Lavette souffrante. — Je suis une lavette ce matin, une lavette souffrante. Je suis malade. Incapable de parcourir les trop nombreux kilomètres qui séparent mon domicile de mon bureau, je ne bouge pas de chez moi. Comme hier, mon esprit est confus, mon nez coule, j'ai des difficultés à parler et ma gorge me fait très mal dès que je tousse ou que j'avale ma salive. Mes pensées sont morbides, macabres et cyniques. Pourquoi donc ? Je viens de l'écrire un peu plus haut, parbleu : parce que je suis malade. Par contre — ô joie ! —, grâce à ce stupide et récent poisson d'avril qui a mis en émoi des dizaines de milliers de personnes parmi mon immense parterre de lecteurs quotidiens, je suis parfaitement à jour dans mon journal. J'ai vaincu le temps qui passe, pour un temps du moins.

Hamilton's Diary's Voodoo. — Le mercredi 6 mars 2013, je poste en prélude de l'article du jour une chanson de Songs: Ohia, l'ancien groupe de Jason Molina. Dix jours plus tard, le samedi 16 mars, Jason Molina meurt. Le vendredi 22 mars 2013, j'échange des bandes dessinées de la série Philémon avec Doëlle et j'en parle dans ce blog. Onze jours plus tard, le mardi 2 avril, le dessinateur Fred meurt à son tour. — Bon sang, si j'avais su que je disposais de pouvoirs aussi sombres, je me serais clairement abstenu de mentionner dans mon journal ces sympathiques humains dont j'admirais le talent ! Mais, j'y pense, ai-je déjà mentionné ici-même les noms de Margaret Thatcher, Henry Kissinger, Marine Le Pen, André Léonard, Bono, Phil Collins, Marc Levy, Alain Delon, Christian Clavier, Dora l'exploratrice, Peter Griffin et Dudley Puppy* ? Non, je ne pense pas, ou alors pas assez souvent ! Voilà qui fera office de rappel ! Ne reste plus qu'à invoquer le Baron Samedi et à patienter encore une dizaine de jours...

Tisane. — « 16/10 de tension, Monsieur Evenvel ! Et 117 pulsations par minute ! Votre tension et votre pouls sont beaucoup trop élevés. Cela ne va pas du tout, Monsieur Evenvel ! Vous devriez manger la moitié de ce qui est bon, et le double de légumes ! Et aussi boire de la tisane. C'est bon pour ce que vous avez, de la tisane, vous savez, Monsieur Evenvel, hmmm ? » — De la... tisane ? Si je suis les conseils de mon médecin généraliste, c'est moi que le Baron Samedi enterrera dans dix jours !

To the fiery deeps. — Lorsque je suis malade, le meilleur remède pour me réchauffer un tant soit peu les tripes n'est certainement pas une infusion aux huit plantes mais plutôt de la bonne vieille musique nord-américaine, celle qui plonge ses racines en Irlande et en Afrique de l'Ouest. Old-time music, bluegrass, folk, country... Peu importe le nom qu'on lui donne : je fais référence à cette musique qui semble toujours être jouée dans un relais de camionneurs enfumé ou dans une fête de village au milieu du désert ; cette musique qui parle de femmes et de whisky, de Satan et de perdition, de Bible et de rédemption, de meurtres et d'amours déchus, de voyage et de retour au pays. De trains aussi. De trains et de wagons... Un machin qui sent bon la grange et la boue — qui sent bon le Sud profond, avec juste ce qu'il faut d'écriture, de talent et d'auto-ironie. Pour tout dire, j'ai des exemples très concrets en tête, des exemples de musique que j'écoute pour me remettre d'aplomb quand mon corps me laisse tomber comme une vieille chaussette. Je n'ai jamais vraiment réussi à partager ce goût avec qui que ce soit, mais ce n'est pas une raison pour ne pas le partager dans mon journal. 

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* Je sais que les trois derniers sont des personnages imaginaires et qu'ils ne peuvent donc techniquement pas mourir, mais je tente tout de même ma chance.

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