Clarification

C'est le genre de réunion qui commence le matin et qui continue l'après-midi, mais ça ne suffit pas : il faut fixer d'autres rendez-vous, encore et encore, parce que le projet est nébuleux et qu'une journée complète de travail ne permettra d'éclaircir que quelques aspects du problème, lentement mais sûrement. Parfois, nous restons bloqués une heure sur un concept, voire sur un terme (au fait, sait-on vraiment désormais ce que l'on entend par « type de document » ?). C'est aussi le genre de réunion qui entretient un rapport avec le cuir chevelu : autour de la table, on coupe les cheveux en quatre et on se les arrache. Pour une fois, ce n'est pas comme si j'étais extérieur à la démarche : je me considère comme un élément actif (qui a son mot à dire) à l'intérieur de ce groupe de travail ; j'y trouve ma place. — Aujourd'hui cependant, une certaine lassitude marque presque tous les visages : ne serait-on pas en train de travailler pour rien, de tourner en rond, de ne pas avancer ?

Lorsque personne ne se lance, il reprend le problème à bras-le-corps. Peu importe la difficulté : c'est quelqu'un qui n'élude jamais. C'est le profil typique — presque exemplaire — de la personne qui n'a pas spécialement envie de prendre la direction d'une tâche, mais qui la prend malgré tout, par souci du travail bien fait. C'est aussi quelqu'un qui clarifie, autrement dit qui a la capacité de transformer une pensée confuse et difficilement exprimable en une parole claire, précise et organisée. C'est, sur ce point, quelqu'un d'impressionnant.

Il y a non loin de moi un thermos de café qui me sert de ravitaillement permanent, presque de transfusion. Sam et son « Café, boss ? » me reviennent en tête. En ai-je déjà parlé ? Oui.

D'où vient donc ce tic de faire « entre guillemets » avec ses doigts ? Ils le font, je le fais aussi. Il faudrait que je m'en débarrasse de toute urgence, car c'est ridicule : si tout le monde se mettait à mimer de la même manière avec ses doigts (ou avec tout autre membre mis à l'honneur pour l'occasion) des parenthèses pour chaque incise, un deux-points pour chaque explication ou un point d'exclamation pour chaque surprise, le monde deviendrait rapidement un enfer — à considérer qu'il ne le soit pas déjà, pour d'autres raisons.

Un sentiment curieux, qui semble venir du fond des âges, mais qui ne trouve son origine que dans les années 2010 : je suis à jour dans mon journal.

Qui a dit que je devais écrire quotidiennement des tartines sur le monde, la vie et moi-même ? Personne ! J'ai repris un rythme journalier et non un martyre ! (Et quand il ne se passe pas grand-chose, il ne se passe grand-chose.)

Un ajout de dernière minute, maintenant que je suis à nouveau un adepte de la complétude : assis à ma droite depuis une heure (à la Maison du Peuple donc, ai-je encore besoin de le préciser ?), se trouvent trois benêts, dont un expert en flatulences discrètes et un surexcité qui se prend pour John Bonham : il frappe constamment la table des mains en essayant de suivre un rythme de sa propre composition, mais ce n'est pas John Bonham, donc c'est tout simplement horrible. Pourquoi n'est-ce pas plutôt les médiocres qui meurent étouffés dans leur vomi ?

Laisser un commentaire