Tu ne sais pas trop si tu dois utiliser le tutoiement ce soir, dans ce journal. Le tutoiement, tu le réserves pour les soirées où tu es saoul... Es-tu saoul ? Tu devrais l'être en tout cas. Depuis trois heures de l'après-midi, vous n'avez fait que boire et manger. Ta famille, branche paternelle, est une bande de fieffés soiffards. Tu peux tout comptabiliser : un picon/vin blanc en apéro, huit verres de vin rouge durant le repas, trois Orval en terrasse ; cinq Orval au bowling, et pour terminer une... Bofferding (argh !). Tu n'as pas dépensé un seul centime de cette journée : tu es le plus jeune dans un cercle composé uniquement de cinquantenaires. Ils ne te donneront pas l'occasion de sortir la moindre pièce de ta poche. Au final, tu décides que tu n'es pas du tout saoul. Et en plus, c'est vrai !... Et ça fait peur. Exit la deuxième personne du singulier, donc.
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Cet après-midi donc, je me rends avec ma maman, mon papa et son meilleur ami Lazlo au repas familial biannuel. La réunion a lieu au "Lodge", un restaurant en bord de Meuse, du côté de Wépion, avec une belle vue sur les falaises (marrant : je suis passé devant en vélo la semaine dernière). Sont également présents au restaurant quatre autres personnes : mon oncle Vilppu et sa femme Rabarama ; ma tante Gigi et son mari Jean-Paul.
La famille n'est pas au complet : ma grand-mère paternelle, un de mes oncles et une de mes tantes ne sont pas là, car ils sont morts. Mon grand-père est mort depuis 23 ans : il triche, ça ne compte pas. Une de mes tantes, celle qui fait toujours des scandales et qui a déjà passé quelques nuits "au poste", bien vivante elle, n'est pas là non plus, pour d'obscures raisons. Mon oncle/parrain l'a suivi dans sa décision de ne pas venir. Parmi les nombreux cousins que je possède sur la plan paternel, aucun n'est là non plus. Personne n'est là, c'est cool, wahaaaa ! Plus sérieusement, j'ai la chance de me retrouver avec ceux que je préfère dans la famille de mon père.
Le repas est du genre "gastronomique". Le chef signe ses plats à la crème de vinaigre balsamique (copieur !). Je mange un très bon cannelloni à la mousse de bœuf en entrée et un saltimbocca de volaille en plat principal. Je suis assis à côté de Jean-Paul, mon "oncle par alliance" préféré du côté paternel. Après avoir mangé, on passe deux heures en terrasse. La table est divisée en deux parties égales : buveurs de bières/buveurs de cafés. La fin de la discussion est intéressante : elle tourne autour du cours de math à l'école secondaire. Mon père considère qu'on devrait le supprimer du cursus car il "casse des vies" (ma mère, par exemple, est du genre à avoir mis un terme à ses études secondaires simplement parce qu'elle ne supportait pas les mathématiques). Je suis de l'avis opposé : les maths, c'est comme le français ; c'est très important. Apprendre les maths, plus que d'apprendre une matière, c'est apprendre une logique. Je suis intransigeant mais tout le monde s'en fout (y compris moi sur la fin).
La famille est partante pour aller jouer un bowling en fin de soirée. Nous allons donc au bowling. Je joue très mal, j'ai trop d'alcool en tête (c'est à ce moment que je m'en rends compte). Je joue aussi au billard avec ma mère. Une chouette soirée : tous ces gens ont l'air heureux de casser une certaine monotonie qui s'est installée dans leur vie.