Archives mensuelles : juillet 2011

Le rayon H

Avant de m'endormir, je décide (contrairement à mes plans de départ) de mettre mon réveil à 8 heures 8 minutes du matin pour profiter de la journée et aussi savoir ce que je fais de cette dernière. En me levant, après moult hésitations, je décide d'aller manger chez mes parents. Gaëlle doit arriver dans l'après-midi. Callys, comme tous les matins, poste de très bonne heure son fameux "GoooOOOOOOOOooooooood MooooOOOOooooooorning, tête de livre !!!". Tout ce que j'arrive à me dire pour ma part, c'est que dans "morning", il y a "morne". Oui, mais il y a aussi "orni" (comme dirait Callys) et pire que morne : "mort" (comme dirait Léandra) !

Dans son journal (quel journal ?), Léandra trouve que je faisais la sourde oreille hier quand elle me parlait de Jonas. J'aimerais dire que je me souviens très bien du moment et que c'était une stratégie hautement réfléchie pour l'énerver, la secouer, mais il n'en est rien : hier, j'étais tellement d'humeur solitaire, pour ne pas dire solipsiste, que rien ne comptait plus à mes yeux que de trouver un stupide titre pour mon stupide blog de science-fiction (c'était une façon pour moi d'échapper à une certaine réalité, en fait). Léandra m'a d'ailleurs bien aidé et j'ai fini par trancher aujourd'hui pour "Le rayon H". "H" comme Hamilton. "Rayon" comme rayon de bibliothèque. "Rayon H", ça fait aussi un peu "Blake et Mortimer" (ça me fait une belle jambe, tiens : je les déteste) ou "physique nucléaire" comme dans "rayon gamma". "Rayon X" (encore une idée de Léandra), je le réserve pour un éventuel futur blog sur la pornographie.

Chez mes parents, c'est le branle-bas de combat (aucun rapport avec la pornographie) : mon père refait entièrement la salle de bain. Ne reste plus dans la pièce que des tuyaux, une baignoire ainsi que des vieilles briques et des vieilles planches de bois posées il y a plus d'un siècle. Les briques humides et difformes de la salle de bain rappellent l'histoire de la maison ; le passé suintent des murs... La maison familiale, c'est une vieille ferme du XIXe siècle achetée par mon arrière-grand-père et transformée en logements.  Depuis mon enfance, mes parents habitent l'étage du dessus, ma bobonne l'étage du dessous et ma tantine la maison mitoyenne d'à côté. Mon cousin, la quarantaine, habitant à 500 mètres de là, a décidé il y a peu de revendre sa maison et de construire une annexe à la maison familiale, pour y vivre à nouveau. C'est symptomatique de ma famille : tous ceux qui ont vécu là-bas ont de bons souvenirs de la maison, de la propriété, des jardins fleuris, du saule pleureur, des bouleaux, de l'érable... Ce sont les souvenirs de la vie familiale en compagnie de trois générations qui reviennent à chaque fois en mémoire... Haaa, ces parties de belotes avec ma mère, mon oncle italien (la clope au bec) et feu mon Nono, sur la cour, durant les chaudes soirées d'été, avec l'espresso ou la sambuca ! Moi-même, aujourd'hui sur les lieux de mon enfance et de mon adolescence, je refais le plein d'énergie et je parle à nouveau normalement, sans prise de tête, sans me poser trop de question. Cette maison, c'est une thérapie à elle toute seule.

Maïté amène Gaëlle à 16 heures pile. Elle est venue seule avec ma fille (enfin, "notre" fille) et prend une eau pétillante mélangée à de la grenadine. Gaëlle est en forme, elle court directement vers ses jouets de jardin abandonnés il y a quinze jours dans son bac à sable. Elle nous prépare également un spectacle avec des éventails (qu'elle ne peut s'empêcher de prononcer "épouvantails").  Malgré des erreurs de mots, son vocabulaire s'enrichit (elle pourra bientôt prononcer "triacontakaihenagone" sans flancher). Lorsque je repars pour Bruxelles, Gaëlle, captivée par Bob l'éponge, me lance à peine un "au revoir". C'est bien ma fille : j'étais comme elle à l'époque. La chose ne me dérange pas le moins du monde ; elle me fait même rire intérieurement.

De retour à Bruxelles, errant dans la Gare du Midi, quelqu'un me touche le dos, je sursaute et me retourne : c'est mon ami Fred Jr ! M'enfin, qu'est-ce qu'il fout là ? En fait, il revient seul de la mer et a raté sa correspondance. Conséquence : on a le temps de prendre un café/thé et de discuter un peu. On parle notamment d'une des dernières BD de Lewis Trondheim, Ralph Azham, parue chez Dupuis. Je ne l'aime pas trop, cette BD : ça ressemble à une redite de Donjon, en moins bien.

Je termine la soirée au Parvis de Saint-Gilles en compagnie d'Emily, Andrew et Walter qui sont déjà en terrasse quand j'arrive. Léandra est absente. Emily et Andrew racontent qu'ils ont passé la soirée d'hier avec le Dr Nanash et la Dr Phasia.  Apparemment, les deux médecins étaient en désaccord sur une question cruciale : "Peut-on attraper le SIDA via la salive ?". Nanash, théorique, disait que c'est possible. Phasia, plus sur le "terrain", disait que ça n'arrive jamais. J'imagine très bien Nanash défendre bec et ongles son point de vue. 

Les serveurs de la Maison du Peuple, qui s'emmerdent au bar, font des blagues assez trash. Du genre : "Quel est le point commun entre des choux de Bruxelles et un fist-fucking ? Réponse : les enfants n'aiment pas". Oui, oui, ça vole très haut ce soir (et ce n'est pas la pire). À la table, plusieurs discussions sont lancées. Walter veut amorcer un débat sur les injustices durant le cursus académique (en résumé : avec simplement de l'argent, des parents peuvent envoyer leur fiston dans une école élitiste, ce qui aura forcément une répercussion sur leur emploi futur).

L'arbre grenat de la dépression

Aujourd'hui, c'est la journée du Contrevent : à l'instar de la Horde du même nom dans le second roman d'Alain Damasio (en cours de lecture), j'ai l'impression d'être totalement à contre-courant, de devoir lutter constamment contre un vent contraire. Je dois faire des efforts surhumains pour me lever, pour marcher, pour parler : tout est lourd, tout est difficile à mettre en place. J'ai des idées noires qui me traversent le crâne et je n'arrive pas à mettre le doigt sur le malaise. J'ai le cœur qui bat beaucoup trop vite et j'ai aussi beaucoup trop de tension (je sens clairement l'oppression constante dans ma poitrine). J'ai mal au dos. J'ai mal au crâne. Bref, j'ai compris le message de mon corps : ce samedi 30 juillet sera une journée de merde qui va durer un certain temps, à moins d'un événement secouant.

Ce midi, je me traîne jusqu'à Jette pour manger avec le vieux Lewis dans son restaurant italien préféré ("chez Vincenzo", comme il dit). Sur le chemin je croise deux chats noirs totalement identiques, qui adoptent exactement la même pause et qui me suivent du regard. Lorsque je passe devant eux, un des chats se précipite sur moi avec un miaulement strident (je ne sais si c'est pour me menacer, pour quémander un câlin ou encore demander de la bouffe – à moins qu'il m'ait reconnu et qu'il désirait avoir l'honneur d'être lancé par un champion du monde de lancer de chat ?). La scène me fait également penser à Matrix.
Lewis me paie le repas. Il me dit qu'il est très heureux de parler avec moi car la discussion est toujours équilibrée : "Nous avons tous les deux nos problèmes et nous nous écoutons mutuellement", dit-il (je suis d'accord avec lui, du moins pour cette fois-ci). L'observation de Lewis me rappelle les discussions avec Léandra, durant lesquelles chacun observe un peu le "temps de parole" de l'autre, enfin la plupart du temps.
Lewis en a marre, marre, marre de la solitude. Il parle beaucoup de son fils César qui est en Indonésie pour le moment avec sa copine. Chaque coup de fil de César (59 secondes par jour) lui donne une bouffée d'air frais. Il me parle du moment où il a eu une grosse dépression, il y a dix ans de cela. Je lui pose la question : "Comment voit-on que l'on fait une dépression ?". Sa réponse, donnée après au moins quinze secondes de silence et de réflexion, est intéressante : "Vois-tu le bel arbre rouge, là-bas, Hamilton ? Plusieurs personnes regardant ce même arbre auront chacune une interprétation différente, comme : 'C'est un bel arbre dont la couleur grenat resplendit' ou : 'Sous ce beau soleil, sa couleur n'est pas grenat mais plutôt vermillon'. Personne ne dira par contre que l'arbre est bleu et laid, parce que ça va à l'encontre des sens les plus rudimentaires, sauf quelqu'un qui est en dépression nerveuse et qui n'arrive plus à se connecter à la réalité, à la beauté de l'existence". L'arbre est une métaphore de la vie, pour Lewis : quelqu'un qui est en dépression a une vision totalement déformée (et négative) des humains et des relations humaines. "L'arbre de la vie", ça fait presque mystique, curieux.

Lorsqu'il s'intéresse à mes problèmes, Lewis joue un rôle qui se situe entre le coach et le psychologue. Il essaie d'établir des stratégies à ma place. Il parle un peu comme Léandra. Il n'a sans doute pas lu The Game (le roman sur la drague dont Léandra parle sans arrêt) mais il énonce les mêmes préceptes. Il me dit : "Si tu aimes une femme, tu dois penser à elle comme à un objectif et élaborer une stratégie valide pour arriver à ce que tu veux : la conclusion" (je lui dis que je n'élabore jamais de stratégies dans les contacts humains : c'est donc mal parti). Il pense aussi curieusement que je devrais passer plus de temps seul dans les musées pour rencontrer des gens qui aiment les mêmes choses que moi (pourquoi pas ?), m'inscrire dans des tournois bruxellois de badminton pour rencontrer de nouvelles personnes (c'est une bonne idée), partir en vacances seul (encore une bonne idée) et que je devrais aussi m'inscrire à un site de rencontres sur Internet (hors de question). 

Je passe l'après-midi seul à la Maison du Peuple à boire principalement du thé (gné ?), d'abord pour écrire le compte-rendu de ce rendez-vous avec Lewis, ensuite pour développer d'autres projets Web personnels. Derrière moi, à la table du coin, une fille rigole toutes les quatre minutes de manière ridiculement stridente pour des conneries (c'est très énervant). Par ailleurs, je me fais encore une fois ce constat : il n'y a pas grand monde de sympa dans ce café (c'est une bulle d'égoïsmes, à laquelle je participe, ceci étant dit).

Emily tente de me téléphoner en début de soirée mais quand je me rends compte de l'appel en absence, il est déjà un peu tard : Léandra, de retour à Bruxelles après un début de week-end en famille, m'a invité à manger chez elle, un peu à l'improviste, des pâtes à la sauce bolognaise préparée par sa maman. Je décide de ne pas ennuyer Emily à 10 heures du soir (elle nous avait par ailleurs dit qu'elle se reposait ce week-end)... Je suppose qu'elle a dû aller boire un verre avec Walter et Andrew près de chez elle.

La sauce, très bonne au demeurant, manque néanmoins cruellement de sel. Léandra me montre le mur de sa chambre rempli de moisissures : ce n'est pas très beau à voir ; on se croirait un peu dans un dépôt d'archives en manque de déshumidificateurs. Durant toute la soirée, j'ennuie mon hôte avec mes histoires de science-fiction. Je cherche désespérément un bon titre pour un énième blog traitant de ce genre littéraire. Léandra finira par trouver quelques bonnes idées (elle est forte pour les associations de mots, mon amie), meilleures que les miennes en tout cas (des idées un peu "nunuches" de gamin rêvant de ciels étoilés).

La libération de Zapata

Aujourd'hui 29 juillet 2011, mon ami anarchiste Zapata a terminé son travail. Non pas pour un week-end, non pas pour une semaine, non pas pour un mois, mais pour un an ! Amy et lui partent bientôt faire "le tour du monde", en commençant par l'Amérique du Nord. 

Pour fêter sa "libération", Zapata propose sur Facebook de nous payer un verre du côté de la place Flagey "vers 15h-16h". Je me rends donc à ladite place aux environs de 15h30. J'avais oublié que c'était Zapata et que l'horaire indiqué sur Facebook était juste... une vague indication. J'essaie de l'appeler, je mange des frites, j'essaie de l'appeler... Pas de réponse. Je n'ai pas pensé à appeler Amy, comme cette dernière me le fera d'ailleurs remarquer plus tard dans la soirée. Du coup, sans nouvelle, je m'en vais faire un tour dans le Centre-ville (hors de question de patienter dans l'horrible Belga).

Après un coup de fil de Zapata, retour vers 18 heures au Murmure. Sont juste présents Amy, Zapata et un de ses collègues geek : le gars a notamment joué à WoW première version, le "WoW Vanilla", comme on dit dans le jargon. J'évoque avec lui Braid, Minecraft ainsi que la plate-forme de jeu Steam. Il ne semble pas connaître Dwarf Fortress. Yama nous rejoint pendant deux verres (dans Le monde inverti de Christopher Priest, les protagonistes comptent en kilomètres, moi je compte en verres). De temps en temps, la moitié de la tablée se casse pour aller fumer à l'extérieur (obligation liée à cette nouvelle loi débile sur l'interdiction de la cigarette dans les café). Je discute pas mal avec Amy. Je bois beaucoup d'Orval. Plus tard, Andrew et Walter nous rejoignent. 

On termine la soirée dans un restaurant de couscous à Flagey. Flippo nous rejoint. Le couscous royal n'est pas terrible : pas assez de couscous et pas assez de viande. En plus, la serveuse refuse de nous servir une carafe d'eau (je la cite, en résumant : "vous devez prendre la bouteille, j'en peux rien, c'est pas moi qui décide, c'est la loi du marché").

Zapata propose de boire un "dernier verre" chez lui et de manger des fourmis de Colombie. Je suis d'abord tenté par la proposition, puis, m'imaginant le trajet de retour à pied (long) ou en taxi (cher), je finis par décliner. De toute façon, à quoi cela sert-il de retarder à outrance l'inévitable retour chez soi ? (J'assume ma trentaine, c'est nouveau, tiens...) 

Lorsque je m'en vais, Zapata me fait deux doigts d'honneur et me lance : "Libération !" (dans le sens : "Fini le boulot !"). Je lui réponds affectueusement, le sourire aux lèvres, par un "connard" bien mérité. Il est libre, Zapata.

Rêve d'équerres et de compas

Lorsque le réveil sonne, tôt ce matin, je me souviens d’une bribe du rêve que je viens apparemment de faire. Je profite du trajet en train pour essayer de le retranscrire le plus fidèlement possible avant d’en oublier la teneur, d’autant plus qu’il est assez comique :
Je me trouve dans une petite pièce remplie de monde. Il s’agit d’un mélange entre une réception (des groupes discutent, un verre à la main) et un déménagement (en tout cas, j’ai l’impression que le véritable but de la réception, c’est de vider la petite pièce). Je ne me souviens pas des gens qui sont présents, si ce n’est le père de Maïté (mon ex-beau-père donc). Il me parle et se plaint qu’en vieillissant, le temps passe beaucoup plus lentement. Il me dit : "Il me faut 1096 années pour traverser une seule année. Je m’ennuie". Je ne réponds rien. Les gens commencent à quitter la pièce pour retourner chez eux, me laissant seul. Lorsque mon ex-beau-père (toujours lui) passe devant moi, il ne me regarde pas, mais attrape mon avant-bras fermement (un peu à la manière de Lewis) et place ses doigts sur ma peau dans une curieuse configuration. Toujours sans me regarder, il dit : "Je me suis toujours demandé, Hamilton, si tu en étais ou pas". Je comprends immédiatement qu’il me parle de la franc-maçonnerie. Il ne s’attarde pas et sort de la pièce. Je le poursuis dans la rue. Il est déjà loin et je crie très fort à son intention : "Pas du tout ! Absolument pas !". Il se retourne, me regarde d’un air entendu (le genre d’air de celui qui a tout compris d’un message très complexe) et fait un petit signe d’approbation de la tête avant de partir pour de bon.
C’est la seule scène dont je me souviens, hélas ! Certaines parties contextuelles sont "faciles" à expliquer : la référence au temps qui passe beaucoup plus lentement est au moins liée à ma lecture récente du Monde inverti de Christopher Priest (dans lequel le temps et l’espace se comportent de façon très curieuse, hyperbolique) ; la référence à la franc-maçonnerie est un souvenir de la discussion d’hier avec Léandra et Fred Jr, où l’on a abordé ce sujet (et plaisanté sur les francs-maçons).
La matinée, je travaille au dépôt d’archives en compagnie de ma collègue Charlotte. Certaines archives sont très abîmées : leur conservation pendant parfois plus de quarante ans dans des conditions humides et poussiéreuses a donné à certaines pages un aspect légèrement moisi ; des attaches-trombones et des agrafes  (une des terreurs de l’archiviste) ont rouillé et déchiré certains feuillets. Je nettoie le tout, dossier par dossier ; je reconditionne chaque dossier dans une nouvelle chemise ; je place chaque chemise dans des boîtes AGR au ph neutre, mais j’ai l’impression que tout cela est vain. Je lutte contre le temps, contre ce vent temporel qui emporte tout (y compris les vieux papiers, y compris nous, y compris les atomes). L’archiviste, qui croit pouvoir préserver le patrimoine dont il a la charge de la destruction, ne fait rien d’autre que de retarder l’inéluctable. (Suis d'humeur optimiste, aujourd'hui.)

Le soir, je retrouve d'abord Andrew, puis Emily puis enfin Walter au Café de l'Unif pour manger. J'ai également proposé à Vinge de nous rejoindre (il m'avait téléphoné dans ce but en début de semaine). Il nous rejoint donc une petite heure plus tard. Est-il saoul ? Est-il énervé ? Un peu des deux, je suppose... Avec Vinge qui tient des propos totalement décousus et limite paranoïaques sur son honnêteté foncière, son perfectionnisme (sic) et le fait qu'il refusera toujours de contresigner un faux à son boulot (personne ne comprend vraiment ce qu'il raconte), la discussion vire carrément au surréalisme. Pendant ce temps, Emily est toujours plus ou moins déprimée par son plafond de cuisine qui a de gros problèmes d'humidité et Andrew a l'air fatigué, malgré qu'il soit allé se coucher "tôt" hier (3 heures du matin).

Vinge m'inquiète, vraiment. Je ne l'ai jamais vu à ce point sur le fil du rasoir (et pourtant, je l'ai déjà vu sur une pente glissante). Il n'écoute pas du tout ce qu'on lui dit. Il est en mode automatique. Il s'est trouvé un ennemi : les "socialistes", parce qu'un attaché-de-je-ne-sais-quel-ministre est un malhonnête-oui-Monsieur-c'est-la-vérité. Regards interloqués : personne ne voit de quoi il parle.

Durant le dessert (Emily n'a pas de chance avec ses tiramisus : aujourd'hui, c'est de la moisissure sur le dessus), Vinge me dit qu'il veut me parler personnellement plus tard dans la soirée. Je ne comprends pas pourquoi mais j'accepte, après avoir souhaité bonne nuit à tout le monde. Vinge m'avait promis de me payer un verre aujourd'hui (c'est pour cela qu'il attendait jeudi pour me voir, pour pouvoir me payer un verre "sur le premier salaire de son nouveau boulot"). Raté : comme d'hab, il n'a pas d'argent sur lui, pour une obscure raison. Je vais donc lui payer un verre au Corto et lui demande ce qu'il veut me dire personnellement (je m'attends à tout). Il me tient des propos totalement décousus et limite paranoïaques sur son honnêteté foncière, son perfectionnisme et le fait qu'il refusera toujours de contresigner un faux à son boulot. En fait, il voulait me voir seul pour me dire exactement ce qu'il a dit à tout le monde deux heures plus tôt. Son disque est rayé.

Du coup, je lui demande si tout va bien (a priori, pas du tout) et s'il se rend compte de l'aspect extérieur qu'il renvoie aux gens. Je lui dit qu'il avait l'air d'un fou en arrivant tout à l'heure et que, si on ne le connaissait pas un peu, on pourrait prendre peur. Mon propos glisse dans son cerveau comme le piéton sur une banane un soir de pluie et il repart dans sa litanie contre les socialistes. Je décide d'en rester là et de reprendre mon bus. Je suis fatigué, non seulement de ma semaine, mais aussi de ce vieux disque populiste rayé. Je ne sais pas quoi faire pour l'aider, vraiment : il a tellement accumulé de rancœur en lui durant toutes ces années...

Navetteurs au long cours

Dans le train aujourd'hui, je me fais la réflexion que je suis un navetteur depuis environ sept ans. Un navetteur (à ne pas confondre avec "un after", qui se prononce presque de la même façon) est une personne qui fait des trajets réguliers de chez lui à son travail. Après avoir utilisé pendant plus d'un an le train pourri qui fait la liaison Bruxelles-La Louvière pour un travail tout aussi pourri, ça fait plus de cinq ans que je parcours le trajet Bruxelles-Liège, pour un travail un peu plus intéressant. 
Dans le train Bruxelles-Liège le matin, il n'y a jamais grand monde, encore moins durant les vacances (assez rares sont ceux qui habitent la capitale et qui travaillent à l'extérieur de celle-ci), mais par contre ce sont toujours les mêmes têtes que l'on croise. Il y a d'abord ceux que je connais personnellement et avec qui je m'assieds le soir quand ils sont présents (le matin, c'est sacré : tout le monde dort dans le wagon)  : Flippo, qui travaille au greffe de la jeunesse du tribunal de Liège, un très bon pote avec qui je suis parti au Québec il y a presque trois ans déjà. Flippo était une année au-dessus de moi en histoire à l'université. Il est fan de cinéma et de musique psychédélique. Il adore Chris Marker, Fassbinder, Tarkovski, Wes Anderson et Will Ferell et dit que ce n'est pas incompatible (je le crois volontiers). Il voue un culte à Neil Young. Flippo est quelqu'un de bien, qui "laisse couler", assez casanier et qui n'aime pas qu'on l'embête (quelqu'un de très facile à vivre et de reposant, somme toute, comme je m'en suis rendu compte au Canada). Il y a aussi Yama, la copine de la copine de Zapata. Yama connait plein de choses même si elle me jure constamment que ce n'est pas vrai  : le moindre film alternatif, le moindre groupe underground. Future Days de Can fait partie des trois albums qui tournent en boucle à son bureau, m'a-t-elle dit un jour. Elle connaît par ailleurs assez bien le monde des graffeurs et du hip-hop.

Ensuite, il y a les quelques uns que j'ai connus dans le train  : Amely, "l'apicultrice", que j'ai rencontrée il y a peu parce qu'elle prenait parfois le même bus que moi pour aller travailler dans la banlieue ouest de Liège. Amely a donné sa démission pour pouvoir faire le tour du monde pendant un an, un peu comme mon ami Zapata (ils vont partir plus ou moins au même moment, tiens). Elle part notamment au Pérou pendant quelques mois, pour élever des abeilles, entre autres. Il y a aussi Dizzee, le copain de Yama, un grand gars très-calme-mais-faut-pas-me-chercher-des-noises, cheveux rasés, fan de hip-hop, un peu parano sur les bords, qui a plein de projets en tête (notamment celui de créer un ligne de vêtements). Il avait l'habitude de toujours s'installer le plus loin possible à l'arrière du train. Comme Amely, Dizzee ne reviendra plus dans ce train car il a trouvé un job à Bruxelles, dans les télécommunications. Sa copine, qui travaillait également à Liège, n'est plus jamais dans les wagons non plus. Sans doute a-t-elle aussi fini par trouver un travail près de chez elle.

Ensuite, il reste tous les autres, que je reconnais mais dont je ne connais même pas le prénom comme la mystérieuse jeune femme froide, brune, lunettes, chaussures Nike, ordinateur Mac. Elle lit parfois Les Inrocks. Il y a un mois, c'était L'utilitarisme de John Stuart Mill. Elle a l'air très éduquée, intelligente et ne supporte pas les emmerdeurs dans le train (genre ceux qui écoutent leur musique à fond ou qui jouent avec des jeux bruyants et débiles sur leur gsm). Elle n'est pas la seule. Il y a aussi celle qui prend le tram en même temps que moi à la station Albert. Ou encore celle qui se balade toujours avec son sac Quechua rouge. Il y a également les deux hommes, peut-être des frères, avec leur petites valisettes, qui font toujours le trajet ensemble ; le cinquantenaire barbu qui a l'air sympa qui prend le train à Leuven... Etc. Je serais curieux de savoir dans quoi travaillent tous ces gens.

Arrivé au boulot, je regarde les actualités. David Servan-Schreiber est mort ce dimanche. Ironie du sort : c'est un cancer qui a eu raison de l'auteur d'Anticancer. Je regarde aussi les nouvelles par rapport à l'extrémiste qui a assassiné une septantaine de personnes à l'arme automatique dans un congrès de jeunes sociaux-démocrates norvégiens. Je vais jeter un œil sur la vidéo et le manifeste que ce taré a posté avant le massacre. Il se considère comme un templier luttant pour le "retour à une Europe chrétienne". Il veut débarrasser sa nation des marxistes, du multiculturalisme et des musulmans et propose une stratégie à long terme (jusqu'en 2083) pour arriver à cet objectif. La vidéo est accompagnée d'une petite musique dans le pur style folk néo-païen. C'est assez dément. Plus dément encore : les néonazis qui lui donnent raison dans les commentaires (c'est à gerber). 

L'après-midi, Lewis me téléphone pour me proposer d'aller manger au restaurant italien samedi midi. Pourquoi pas ? Il a l'air en forme. Il me parle de Léandra. Il a vu Mary ce lundi qui lui a dit que je buvais un verre avec elle au Parvis. Il est tout content car il m'assure qu'il a retenu le prénom de Léandra, que c'est une femme intelligente avec un sens de la discussion, blablabla (je suis certain que mon amie sera contente de le savoir, ha !). 

Après le travail se profile un long périple en train vers Ecaussinnes (le village de mon ami Fred Jr) avec correspondances et tout ce qui les accompagne. Je rate ma correspondance à Huy, où je poireaute une heure au café en face de la gare. Je bois un Orval et mange de petits toasts servis par une serveuse ma foi bien sympathique. Dans le train vers La Louvière, je voyage en compagnie d'une demoiselle qui lit un roman de Fred Vargas au rythme d'une page toutes les 10 minutes. Sur la banquette opposée, se trouvent deux vieilles personnes qui ont une discussion captivante sur les "oi" qui se prononcent "o" : le village d'Oignies, des oignons. À noter : dans ma région natale, on dit aussi "poreau" pour poireau.

Après une deuxième correspondance à La Louvière, j'arrive enfin à Ecaussinnes où m'attendent Fred Jr et Léandra. Fred se remet tout doucement d'une entorse. Je suis content de le revoir. Nous allons manger à la brasserie du Vieux Moulin. La discussion tourne d'abord autour du boulot (Léandra et Fred ont travaillé tous les deux dans le même service public). Léandra remarque que je m'endors un peu. Fred est en forme : il fait des plaisanteries très subtiles, ainsi que des jeux de mots de très haute volée, à la manière d'un véritable gars de la région du Centre. À la gare de Soignies, attendant notre train pour Bruxelles, Léandra parle (une nouvelle fois) de son livre The Game sur la drague et Fred essaie de le mettre en pratique directement (il est très fort).

L'OVNI de Petit-Rechain

Aujourd'hui, mon travail est d'un monotone, mais alors d'un monotone... Ma collègue Charlotte continue de parler de ses rêves bizarres à la pause café. Personnellement, je ne me souviens toujours d'aucun rêve en me réveillant. C'est un peu triste.
L'après-midi, mon ami Fred Jr m'apprend que l'OVNI photographié à Petit-Rechain en Belgique en 1989 était un canular : d'après la chaîne télévisée belge RTL, qui a recueilli le témoignage de l'auteur de la photo, c'était seulement de la frigolite ! Marrant : cette photo controversée était une des plus belles et des plus mystérieuses "preuves" que les ufologues avançaient comme témoin visuel de la vague belge. Elle avait été analysée à de nombreuses reprises par des scientifiques et des militaires : que de temps perdu pour de la frigolite ! Pour ma part, je me souviens très bien de cette "vague belge" d'OVNI. J'avais 10 ans à l'époque et l'on en parlait de temps en temps à la télévision. Je commençais alors à m'intéresser aux étoiles, à l'astronomie et, habitant la région de Charleroi à l'époque, je rêvais d'observer un phénomène étrange dans le ciel. Hé bien, je n'ai rien observé du tout. En tout cas, c'est assez comique de voir, encore aujourd'hui, les commentaires tourmentés sur les forums par rapport à cette histoire de vague de 1989-1990, notamment ce débat entre les "sceptiques" et les "convaincus". Les convaincus font feu de tout bois : certains parlent déjà de conspiration gouvernementale pour nous cacher la vérité vraie sur cette photo (encore un coup de Bart de Wever ?).

Dans le train de retour vers Bruxelles, je termine Le monde inverti de Christopher Priest, entamé hier. Assez incroyable, ce livre, avec son fameux retournement de point de vue des cinquante dernières pages (encore une fois, bizarre que je sois passé à côté de ce roman durant mon adolescence "science-fictionnivore"). Les habitants de la cité "Terre" passent presque pour des fanatiques un peu abrutis par leur dogme insensé. La fin laisse certaines questions en suspens. Je n'aime pas ça. Il faudra que je me documente. Sinon, je pense sérieusement débuter un blog consacré uniquement à la science-fiction. Ne reste plus qu'à trouver un nom accrocheur du genre "Cafard cosmique" ou "Traqueur stellaire" (merde, les deux sont déjà pris). J'ai déjà une idée du canevas. Je compte vraiment me limiter au niveau du nombre de caractères par texte. Par ailleurs, je n'aime pas les articles sur le Web qui ne font qu'esquisser le sujet, sans donner toutes les clés. Si je fais un blog de science-fiction, il y aura des "spoilers" (pas question de me cantonner à écrire des quatrièmes de couverture) et une analyse complète du roman. Je compte reprendre la structure (assez classique) suivante : courte description du roman et de son auteur ; synopsis/aperçu général ; commentaires/critiques ; avis personnel. Utiliser un code couleur ou des symboles pour ces différentes parties serait peut-être une bonne idée. Je dois encore y réfléchir.

Je comptais passer une soirée en solitaire ce soir (ça me manque un peu), mais Léandra propose que l'on se voit (elle est déprimée pour le moment). Un peu réticent au départ (j'ai vraiment besoin de repos), j'accepte et ce n'est pas plus mal. La soirée se déroule à la Maison du Peuple, comme d'habitude. Emily, dont le plafond de cuisine fuit ("fouit" en belge), est également présente. La discussion tourne surtout autour de Jonas et sa relation avec Léandra. Grosso modo, Emily et moi nous posons des questions sur son honnêteté (je résume beaucoup, là). Fin de la soirée avec juste Léandra. Elle me dit que je m'entendrais bien avec Jonas et je n'en doute pas. Sinon, c'est incroyable : j'ai toujours autant de mal à synthétiser ce qui s'est dit dans pareille discussion. Ce n'est peut-être pas plus mal car je crois qu'il est temps pour moi d'aller dormir.

"Le monde inverti"

La semaine dernière, j'avais perdu une dizaine de journées de ce journal, à cause d'une instabilité de Blogger. Je suis heureux aujourd'hui d'en retrouver une bonne partie, sauvegardée sur un autre PC (notamment la partie concernant les cocottes, qui m'avait pris un certain temps).

Ce matin dans le train, je dévore les septante premières pages du Monde inverti de Christopher Priest. Un roman de SF datant de 1974 et totalement fabuleux (je me demande comment j'ai pu passer à côté de ce livre durant mon adolescence) : l'histoire d'une cité du nom de "Terre" qui se déplace constamment sur des rails dans un monde étranger, vers un lieu mouvant nommé l'Optimum, position géographique qui permet aux habitants de ne pas subir les désagréments d'une déformation de l'espace et du temps. Le tout sur fond d'histoire de guildes aux règles strictes et aux noms enchanteurs (comme cette "Guilde des topographes du Futur"), d'apprentissage et de rites de passage... Il paraît que la fin est déroutante. C'est un petit bouquin : j'aurai la réponse demain, sans doute.

Tout ça me donne furieusement envie de créer un blog uniquement consacré à la science-fiction... À force d'imaginer de nouveaux projets (blog de musique, blog de SF, blog généraliste...), je vais passer ma vie à écrire des articles que personne ne lira. Me voilà bien avancé !

Plus tard dans la journée, j'apprends que Léandra a réussi son examen d'embauche pour le boulot qu'elle convoitait. On fête la bonne nouvelle au Parvis de Saint-Gilles, avec la "dream team" au complet. Plus tard, on se rend au Monticelli pour manger de délicieux plats italiens : mozzarella di buffalo, carpaccio, tagliatelle aux champignons et lasagnes d'aubergines. Le restaurant est complet, le service n'arrive pas à suivre... Léandra, qui avait l'air assez heureuse en début de soirée, replonge dans un état d'esprit morose : elle "en a marre d'attendre" (phrase à double sens), elle a envie de rentrer chez elle, ce qu'elle fait d'ailleurs. Emily n'a pas trop l'air non plus d'avoir la forme. Quant à Walter, durant toute la soirée, il est en pleine quête existentielle par rapport à son "copain londonien". J'étais de bonne humeur au début de la soirée, et beaucoup moins à la fin, du coup... 

Durant la même soirée, on parle de Lapinot et notamment de l'album "Pichenettes", dans lequel Lapinot reçoit une pierre maléfique de la dynastie des Pÿkchnetz. Dans la même logique, Léandra demande si l'un d'entre nous ne voudrait pas accepter un médaillon (en forme de demi-cœur) que lui a passé Poulain Perspicace. Elle dit que sa situation amoureuse n'a fait qu'empirer depuis ce moment. Je lui dit que je veux bien l'en décharger (pour moi, et pour elle aussi je suppose, ça reste de la superstition à deux balles). Me voilà donc avec un demi-cœur ridicule dans ma poche.

Les dimanches à la con

J'emprunte le titre de cette journée à une chanson de Renaud (c'est quoi, cette vidéo pourrie ?), qui ne parle pas vraiment de la même chose (dans sa chanson, il est surtout question des dimanches à la con de quand il était gamin). N'empêche, je n'aime pas les dimanches, surtout pas ceux qui consistent à emballer ses bagages, sous un temps pluvieux (un temps de dimanche, quoi), pour retourner dans son "bled". Pour moi, un dimanche est toujours un jour à la con, un synonyme d'école ou de travail le lendemain.
Bref, en ce putain de dimanche matin, on ne fait pas grand chose d'autre que de rester sur un divan, lire, se préparer et ranger le gîte avant de partir. Je ne mange pas vraiment au déjeuner (j'ai toujours mal à la tête et je n'ai pas faim). Après avoir rendu les clés et "fait le constat" avec la voisine du propriétaire, qui nous lance constamment un "S'il vous plaît ?" agaçant parce qu'elle ne comprend pas bien ce qu'on lui raconte avec notre accent français (pour Emily) ou de Bruxelles (pour les autres), nous reprenons le chemin du retour. Dans la voiture, Emily semble de nouveau beaucoup plus en forme.
On va manger au Quick à Malmedy (quel contraste avec le restaurant d'hier), ensuite on reprend la route de Bruxelles. Léandra et Andrew s'endorment sur les sièges arrière. Sur le trajet, on écoute Classic 21 (qui ne peut s'empêcher de passer du Queen et du Phil Collins, beurk !). On arrive assez vite à destination.
De retour chez moi, je ne prends même pas le temps de ranger mes affaires. La déprime totale. Rien d'intéressant à raconter, du coup. C'est bien, dans un sens : ça me fait moins de phrases à écrire...

Ô Mal-Aimé !

J'ai de plus en plus de mal à me lever le matin, avec ces soirées qui se terminent tard et ces absorptions massives de bières comme si c'était de l'eau pétillante.  Mais où est donc passée ma promesse faite à moi-même de boire moins ? Je me dis qu'il faut soit que j'arrête complètement, soit que je continue complètement ; en d'autres termes qu'un juste milieu n'est hélas pas compatible avec ma personnalité. Ce matin, j'ai un peu la tête qui tourne, et cela va hélas s'aggraver durant la journée, avec un point culminant au restaurant le soir (voir plus loin). Autre constat : durant les vacances avec la "dream team", il est presque impossible d'être tout le monde heureux en même temps. Alors que Léandra a l'air (curieusement) assez en forme aujourd'hui (elle chantonne fréquemment et a envie de se promener plutôt que de rester devant son PC : c'est déjà un fameux signe), Emily semble totalement désemparée, comme lors de ce fameux dimanche à Paris, en février de cette année.
En début d'après-midi, Léandra, Emily et moi allons faire un tour au Tunnel du Monty, que j'ai déjà traversé hier durant ma petite promenade à vélo. Le tunnel est toujours aussi glauque. Léandra sursaute et agrippe, à la manière d'un petit enfant, la main d'Emily lorsqu'un cycliste arrive par derrière. Sinon, Léandra est en forme durant le trajet (malgré mon mal de tête, ça me met de bonne humeur). En plein milieu du tunnel, elle photographie un pénis vert fluo. Rectification : elle photographie un graffiti représentant un pénis vert fluo dessiné sur le mur du tunnel (le tunnel est glauque mais pas au point de grouiller de zombies mutants exhibitionnistes). Vu qu'il pleut, on fait demi-tour un peu plus loin et on rentre au gîte.
Plus tard dans l'après-midi, on se rend tous à la brasserie de Bellevaux, un établissement perdu au milieu de la campagne malmédienne qui vient d'ouvrir en 2006. La brasserie est tenue par un Néerlandais et remplie de vieux Flamands (qui ne sont heureusement pas en short : voilà au moins un avantage du mauvais temps). Andrew et moi décidons de goûter les trois bières de la brasserie sous forme de petits verres à dégustation. Je n'aime pas trop le goût de la brune, encore moins celui de la blonde, mais j'apprécie celui de la blanche (qui ressemble un peu à un lambic blanc).
À la sortie de la brasserie, j'ai la tête engourdie. J'ai du mal à coordonner mes mouvements (rien à voir avec l'alcool), y compris mes foulées. Je prends sur moi pour que ça ne se voit pas et ne pas embêter les autres avec ça. Nous allons nous promener dans les champs aux alentours de la brasserie. Andrew et Léandra sont en super-forme, dirait-on. Andrew s'amuse à nous photographier en nous mettant en scène au tournant d'une petite route de campagne. Léandra fait tout pour faire sourire Emily (je trouve ça vraiment mignon de sa part). Elles font un bouquet de fleurs des champs. Andrew tombe en admiration devant des vaches. Il les photographie, leur donne un prénom, leur fait des grands signes à plusieurs reprises. Nous sommes tous dans un état d'esprit bucolique, un peu comme si nous étions les acteurs d'une peinture pastorale de la Renaissance vantant les mérites du retour à la nature (je n'ai pas un tableau précis en tête). Seule "ombre" au tableau : le viaduc de l'autoroute que l'on voit au loin (personnellement, je trouve qu'il a de la gueule, ainsi perché dans les collines boisées, mais, comme dirait Andrew, "c'est pas Millau, quand même"). [Digression temporelle : lors de l'écriture de ce compte rendu du 23 juillet dans ce journal, un jour plus tard, en un dimanche maussade, je trouve exactement à quoi cette scène de bergers me fait penser, sur le plan musical cette fois : la superbe "Find The River" de R.EM. Et voilà maintenant que je mets cette chanson en boucle et que je chiale comme une Madeleine en réécoutant attentivement les paroles, sur le temps qui passe mais aussi sur autre chose : le souvenir nostalgique des jeux d'enfant, des rivières, de l'insouciance oubliée, de ces longs moments de bonheur estival débordant de vie où rienn'avait vraiment d'importance : "Me, my thoughts are flower strewn, ocean storm, bayberry moon. I have got to leave to find my way. Watch the road and memorize this life that pass before my eyes. Nothing is going my way." Qu'est-ce que c'est beau. Tiens, quand j'y pense, c'est dingue que j'utilise ici l'expression "pleurer comme une Madeleine", parce que toute cette digression fait également un peu penser à la Madeleine de Proust, évidemment. J'ai le cerveau sinueux aujourd'hui.]
De retour à Stavelot, nous nous rendons dans un restaurant de cuisine du terroir, à deux pas du gîte, pour notre dernière soirée avant ce dimanche, déprimant d'avance, de retour vers la capitale. Le restaurant s'appelle "Ô Mal-Aimé" (en référence à Apollinaire, qui a séjourné à Stavelot, mais peut-être aussi un peu en référence à certains d'entre nous ?). L'ambiance de ce resto possède des points communs avec celle de "La Fleur en papier doré" à Bruxelles, surtout à cause des poèmes et des calligrammes qui recouvrent les murs, les serviettes, les sets de table… Le fond musical est composé de chanteurs francophones "à texte" (Renaud, Brassens, Brel...). Léandra est toute contente d'entendre (et de parler de) la "Supplique pour être enterré à la plage de Sète" de Brassens (c'est vrai qu'elle est incroyablement bien écrite, cette chanson, et qu'elle possède la particularité de ne contenir aucun refrain). Les murs des toilettes sont recouverts de dessins érotiques, voire pornographiques (c'est original). Nous avons par ailleurs la (mal)chance d'être proches d'un groupe de vieux habitués qui n'arrêtent pas de débiter des stéréotypes, sur Renaud ("il chante faux" : bon OK, c'est un peu vrai) ou sur le rôle de la Police. Quant à la nourriture, c'est délicieux (menu unique à 25 euros proposant un choix parmi 3 entrées, 3 plats et 3 desserts). Je mange un pâté, une araignée de bœuf ainsi que de la nougatine en dessert. Et je bois de l'Orval, comme d'habitude.

De retour au gîte, je propose de jouer au Time's Up, un jeu de société sympa où il faut faire deviner à son coéquipier des personnages célèbres de différentes façons (d'abord en les décrivant, puis avec un mot, puis enfin avec un mime). Je propose ce jeu parce que je crève de mal à la tête et que ça va me remettre d'aplomb (du moins c'est ce que je me dis), mais aussi sans aucun doute car j'essaye de retarder le plus loin possible mon sommeil (signification pour moi de la fin des vacances). Au tirage au sort, Andrew et moi faisons équipe. Andrew est une machine de guerre mémorielle qui trouve très rapidement les personnages. On finit donc par gagner la partie, malgré le fait que je ne suis pas en forme (je n'arrive pas à revenir sur le nom de Django Reinhardt ni sur celui du Comte de Monte-Christo).
Le jeu terminé, Léandra va dormir. On termine la nuit en regardant "The Big Fish" de Tim Burton. Andrew monte rapidement se coucher. Emily et moi regardons le film jusqu'au bout (je m'endors néanmoins à plusieurs reprises). Comme à chaque fois (c'est la quatrième fois que je visionne ce film), je fonds en larmes à la fin (cette fois-ci, contrairement à hier, je crois que ça ne s'est pas vu), lorsqu'à l'enterrement du "père-conteur", on se rend compte que toute une série de personnages que l'on croyait le fruit d'une simple imagination fertile "existent" réellement. Décidément, je pleurniche quand même beaucoup pour le moment.

Retour de vengeance au pays des nains pervers

Walter est parti de bon matin afin de prendre son train à Bruxelles pour l'Angleterre. L'équipe restante décide d'aller visiter les différents espaces d'exposition de l'abbaye de Stavelot. Ils ont même paraît-il un musée consacré à la Formule 1 (beurk). De mon côté, je suis bien décidé à faire du vélo plutôt que des visites d'expo. Je retourne donc à l'endroit repéré hier pour enfin louer ce putain de vélo. La location n'est pas donnée : 18 euros pour 3 heures. Par ailleurs, le vendeur n'est pas très sympa. Peu importe, me voilà avec mon VTT, prêt à parcourir la région.

Je décide de suivre quelques uns des parcours RAVeL des environs de Stavelot. Je retourne jusqu'à Trois-Ponts, puis Coo (par la route), pour la troisième fois consécutive durant ce court séjour... Je dois être inconsciemment attiré par la présence de l'horrible nain Plop. Vu que je suis aussi passionné par les barrages, je décide de rouler un petit moment le long du bassin inférieur (en forme de "U") de la centrale hydroélectrique de Coo : peu de monde, un joli lac et une vue sur les bâtiments et les pylônes électriques d'Electrabel perdus dans la forêt. Cette centrale est particulière dans le sens où elle fonctionne par pompage-turbinage : l'eau est remontée grâce à des pompes dans les bassins supérieurs durant la nuit, et renvoyée la journée durant les pics de consommation électrique. C'est une forme de batterie géante, en quelque sorte (de très belles photos, assez impressionnantes, se trouvent ICI, sur un forum consacré... à la passion des chantiers). De retour à la cascade de Coo, je mange un croque-monsieur et bois un Orval à la terrasse d'une brasserie située en amont de la cascade, avant de repartir. Je reprend la route dans l'autre sens. De retour à Stavelot, je décide de continuer le RAVeL jusqu'à Malmedy (ou presque). Paysage de champs et de bois assez bucolique. Je passe également par le Tunnel du Monty, un assez long passage sous la colline qui fait un peu peur. De l'eau coule du plafond, ça ressemble un peu à un égout. J'ai parfois l'impression qu'en me retournant, je vais découvrir qu'un clown sadique est en train de me poursuivre. Vers 15h20, de retour à Stavelot, je rends mon vélo et vais boire deux verres d'Orval dans une des brasseries de la ville.

De retour au gîte, je retrouve mes amis qui mangent quelques tartines. Je suis fatigué. Je prends un bain à bulles. C'est Emily et Léandra qui font la cuisine aujourd'hui. Mary doit passer mais se fait attendre. On mange une quiche lorraine puis une tarte provençale (toutes les deux très bonnes). Mary finit par arriver beaucoup plus tard que prévu. Elle est plus jeune que nous et utilise toujours les mêmes expressions (elle met "blindé" à la fin de chacune de ses phrases, du genre "C'est blindé trash" pour dire "C'est très malsain" ou encore "Haaaa, trash !" pour "Ha, flûte, j'étais sur le point d'avoir neuf points mais Léandra fut plus rapide"). Nous passons la soirée à jouer à "Questions pour un champion". Andrew n'a pas envie de jouer : c'est apparemment un jeu qui le stresse, malgré sa culture générale assez étendue, à tel point qu'il préfèrera lire les questions durant plusieurs parties.

Vers 2 heures du matin (?), Mary retourne chez sa maman en voiture. Va-t-on aller se coucher ? Emily, oui, mais Léandra, Andrew et moi, non : nous avons une discussion qui tourne presque à la "psychanalyse pour les nuls" (Léandra nous sortira d'ailleurs vers la fin de la discussion qu'Andrew et moi devrions aller voir un psy, que ça nous ferait sans doute du bien ; je me dis qu'elle a raison, pour moi en tout cas). La discussion tourne autour de plein de sujets qui nous semblent importants (je suis parfois au bord des larmes et je me rendrai compte le lendemain que ça s'est même vu). Marrant : lors de cette discussion, Léandra et moi n'avons pas la même vision des choses, notamment à propos d'un certain "devoir d'ingérence" que l'on devrait avoir ou pas dans la vie sentimentale de ses amis.