Archives mensuelles : août 2012

AA_IMG_0808

Chère L.,

Je t'écris ce message affalé dans un des divans de la jolie Auberge alternative du Vieux-Montréal. Après un lever à quatre heures du matin, une longue attente à l'Aéroport de Bruxelles, un voyage en avion d'une durée de 7 heures et 42 minutes — ils sont précis, les pilotes de cette compagnie ! —, une autre attente à la douane de l'Aéroport Pierre Elliott Trudeau (« Où allez-vous ? », « Quand partez-vous ? », « Quel métier exercez-vous en Belgique ? », « Où logerez-vous ? ») et enfin un voyage en bus jusqu'au centre-ville, Flippo et moi avons enfin pu déposer nos valises à ladite Auberge. Nous y avons été accueillis avec le sourire — ça se passe toujours comme ça, ici — et avec quelques explications : nous dormirons dans un dortoir assez confortable pour vingt personnes (« la salle bleue », qu'ils l'appellent) et avons libre accès à une salle commune bien sympathique. Le café y est gratuit et à volonté, le Wi-Fi ouvert et la cuisine à notre disposition. Décalage horaire oblige, je ne suis pas assez en forme pour lier connaissance avec qui que ce soit. Faut dire aussi qu'ils sont tous penchés sur leur ordinateur ! — Sauf un anglophone qui s'essaie à la guitare, mais même lui a un PC portable ouvert devant lui !

Je te laisse car il est presque 22 heures, soit 4 heures du matin en Belgique ! On se retrouvera à l'Auberge dans environ douze jours...

H.

Les bagages de l'écriture

Un conseil de Léandra, alors que nous mangeons à la Porteuse d'Eau : « Si tu veux être tranquille durant ton voyage au Québec et ne pas courir après le retard de publication sur ton blog, tu n'as qu'à écrire un ou deux haïkus pour les quelques jours restants. De cette manière, tu seras tranquille demain pour le départ !
— Mais c'est céder à la facilité, ça, non ?
— Bah ! Personne ne t'en tiendra rigueur ! »
(C'est vrai que ce serait encore pire si je n'écrivais qu'un seul petit paragraphe sous forme de discussion... — Mais je ne peux décemment pas être aussi je-m'en-foutiste dans mon journal !)

Vert, bleu et blanc

Forêt du Québec
Se reflète dans les eaux claires.
L'érable en été.

* * *

Le béluga suit
Les sillages du traversier
Dans le bleu du fjord.

Au gré de l'éthanol

« Je sais
Tout comme toi
M'émouvoir au souffle du vent
Lorsqu'il caresse mes joues,
Mais je ne peux
Être pleinement heureuse
De ce moment fugace qui disparaît 
Comme le soleil sous l'horizon. »

* * *

Mon esprit
Est fait de liens
Qui se font et se défont
Au gré de l'éthanol.
Ce qu'hier je trouvais bon
Est insipide aujourd'hui. —
Sans les vapeurs d'alcool,
Ma conscience ne vaut rien.

* * *

Est-il écrit quelque part
— Ou ai-je seulement rêvé —
Que le grand cinéaste
Était décédé ?
Comment peut-on périr
Quand on connaît le Temps ?
Comment peut-on mourir
À nonante-et-un ans ?

Les bouches de ciment

« Nous autres, Ami, 
Mangeons au râtelier du progrès !
Nous brûlons les relais !
Nous ne nous arrêtons jamais dans les gîtes d'étape ! —
Vois-tu cette vieille masure recouverte de lierre ?
Demain, elle n'existera plus !
Nous la dynamiterons
Comme nous avons dynamité toutes les autres avant elle. —
L'ancienne pensée est moribonde.
Adieu Emmanuel ! Adieu Friedrich ! Adieu Ludwig !
Sur les ruines de l'ancien monde,
Nous en bâtirons un nouveau. —
Tu n'y auras pas ta place.
(Et c'est tant mieux.)

J'ai gardé pour toi, Ami,

Une belle cellule
Dont les contours sont si spartiates
Que les briques rêches empêcheront ton sang de couler. —
Imaginée par nos meilleurs techniciens,
Elle sera à l'image d'une vision
Où l'espace n'a pas lieu d'être,
Du moins pour des gens comme toi. —
Tu n'existes pas.
Tu n'as jamais existé.
Et tu n'existeras jamais.
Pour nous, tu es déjà mort. —

Tu n'es pas le bienvenu ici.
(Et je ne donne pas cher de ta peau.)

Vois-tu, Ami,
Ces incendies périphériques ?
Ces remparts qui s'écroulent ?

Ces humains qui tombent sous nos balles ? —
Tes libertaires de pacotille,
Tes gauchistes dépassés,
Nous n'en ferons qu'une bouchée.
D'ailleurs, nous les avons déjà dévorés ! —
Ils gisent, sans doute morts
Mais peut-être encore vivants, qui sait ? 
Sur les champs idéologiques
Que nous avons nous-mêmes semés. —
Nous gagnons de l'argent.
(Et c'est tout ce qui compte.)

Je voulais te dire, Ami,
À quel point je te hais !
Mais ta vie, je la pardonne  
Car nous la contrôlons. —
Nous écraserons vos os
Jusqu'à l'élimination complète de votre engeance,
Et sur vos restes fumants,
Nous entamerons une danse ! —
Nous broierons vos cœurs
À l'aide d'un moulineur high-tech,
Dont les lames de titane
Seront colorées par vos tripes ! —
Je boirai ton sang.
(Et je m'en régalerai.)

Regarde, Ami,
Comme ce téléphone est joli !
J'en avais réservé un pour toi,
Mais tu l'as refusé par mépris. —
Vois comme cette émission est belle !
Écoute comme la vérité
Coule des bouches de ciment
Que nous avons nous-mêmes modelées ! —
Je sais que tu n'y crois pas,
Mais tu ne comptes pas.
Tu n'as jamais compté.
Et tu ne compteras jamais. —
Je te regarderai brûler.
(Et l'odeur âcre de ta peau incinérée alimentera mon bonheur, pour l'éternité !) »

Déferlante

La déferlante du temps mange les jours, 
Avale les heures, 
Dévore les secondes. —
Elle laisse dans son sillage sans cesse renouvelé 
Quelques écrits exsangues,
Quelques phrases hirsutes, 
Quelques paragraphes faisandés ;
Une ponctuation chancelante,
Des formes mouvantes et sans relief ! —
Des critiques, du cynisme, de la haine,
De la rancœur, du sang, des larmes et des cris ! 
De la peur. 
— De la peur surtout ! —
Peur d'être avalé par l'inertie
Ou par le changement
Justement. — 
De temps à autre, quelques espoirs,
Quelques rares amours incomplètes,  
Des amitiés fugaces
Et des déceptions en cascade.
« Diantre ! Ils sont tous si décevants ! »
Je voudrais tant ne pas leur ressembler
Mais je n'y arrive pas. —
Du rationalisme à ne plus savoir qu'en faire,
Mangé par les charognards qui occupent mon esprit.
(L'oiseau d'or qui jadis trônait fièrement 
Aux plus hautes cimes de ma tour de guet
Se décompose à la vitesse de l'aigle fondant sur sa proie.)
« Ce nuage a-t-il besoin d'être décrit ? »
« Cette souris doit-elle être disséquée ? »
« Pourquoi tiens-tu ce globe terrestre entre tes mains ? » —
Où est-elle passée, cette confiance dans l'avenir ?
Avalée, elle aussi, par l'impitoyable déferlante !
Étais-je aveugle ?
Ou bien le suis-je maintenant ? —
Ni la nostalgie des temps anciens,
Ni la poursuite de ceux à venir
Ne rendront leurs couleurs à ces heures 
Qui n'existent pas
Et n'ont jamais existé.

La fée de Vitruve

« (...) Quand, du haut du vaisseau qui m’emportait loin d’elles, 
J’ai jeté mes regards sur tes rives si belles, 
Ô mon beau Saint-Laurent, qu’ai-je aperçu, grand Dieu ! 
Toi, ma patrie, aux mains d’une bande sordide, 
Haletante d’effroi, vierge pure et candide 
Qu’on traîne dans un mauvais lieu. (...) » 
(Louis Fréchette [poète canadien, 1839-1908], La Voix d'un exilé.] 


Ce samedi, sur la terrasse du jardin familial balayée par la froide bise, ma tante explique qu'elle a eu l'occasion de se faire ausculter, en présence d'une traductrice, par un médecin bouddhiste originaire du Népal. Lui palpant... hem... l'avant-bras, il lui a pris non pas « son » mais « ses » pouls, expliquant que chacun de ceux-ci permettaient de connaître l'état d'un des organes du corps. Mon père et moi sommes hilares, évidemment : « Il te palpe le poignet et il connaît l'état de ton rein gauche ? Ben merde alors... Finis les rayons X et les échographies, on va pouvoir engager des palpeurs bouddhistes dans les hôpitaux ! »

Lu sur un site Web : « Au moyen de l'examen du pouls et selon la force ou la faiblesse des pulsations, le spécialiste détermine non seulement le type de constitution physique et l'organe atteint, mais aussi, et cela est véritablement stupéfiant, la durée de la vie, l'état de santé des membres de la famille du patient, sa richesse, les amis et ennemis qui l'entourent, et les probabilités de réussite ou d'échec pour chaque action entreprise. » — On croirait lire une publicité pour Madame Irma !

En examinant l'extérieur, on peut connaître une partie de l'intérieur, mais faut quand même pas déconner !
________________________________________ 

Tous les Schtroumpfs ont environ cent ans, sauf le Grand Schtroumpf, qui en a 542. — Comment est-ce possible ? Qui a créé le Grand Schtroumpf et qui a créé les petits Schtroumpfs ? Le Grand Schtroumpf est-il resté seul pendant 442 ans ? Avait-il seulement des parents ? Toute cette histoire ne tient absolument pas la route. 

Une tentative d'explication : à l'instar de la Schtroumpfette, créée par Gargamel à base d'argile et d'autres ingrédients pour le moins inquiétants (telle « une solide couche de parti pris »), les Schtroumpfs seraient tous des golems de la seconde génération créés par le Grand Schtroumpf... Ce dernier aurait lui aussi été fabriqué il y a très longtemps par un puissant alchimiste, dans le but de l'aider à préparer potions et autres élixirs (ceci expliquerait le savoir du vieux lutin barbu en matière de magie). Puis le vieil alchimiste serait mort et le (jeune) Grand Schtroumpf se serait retrouvé à errer pendant des siècles, d'abord à l'intérieur des frontières du Pays maudit, puis ailleurs dans le grand Monde, où il aurait notamment appris à parler le langage des humains... Jusqu'au jour où il aurait décidé de devenir lui-même un créateur et de fabriquer d'autres Schtroumpfs/golems, grâce au savoir ancestral de son défunt maître. D'ailleurs, n'est-ce pas lui qui, cent ans plus tard, arrivera à transformer la Schtroumpfette en jolie blonde nunuche ? Le Grand Schtroumpf est fort. Très fort.
________________________________________ 

Gaëlle se plante devant moi et me montre un dessin : une petite fée dont les ailes et les bras sont compris à l'intérieur d'un triangle et d'un rectangle superposés. « Tu te souviens, Papa, du monsieur nu qui est à la fois dans un cercle et un carré, que tu m'avais montré ? Le dessin de Léonard...
— L'homme de Vitruve ?
— Oui. Eh bien moi, j'ai fait une fée dans un triangle et un rectangle !
— Et pourquoi pas dans un cercle et un carré ? 
— Parce que moi, je ne copie jamais ! Moi, j'invente ! »

Vu dans Les Pingouins de Madagascar (épisode « Pop-corn Panique ») :
« Donne-moi un chiffre, Kowalski !
— 42 ! » 
(J'ai toujours dit que cette série était particulièrement bien scénarisée.)
BORJA

« I saw the light from heaven »

« À nous les bois et leurs mystères,
Qui pour nous n'ont plus de secrets !
À nous le fleuve aux ondes claires
Où se reflète la forêt,
À nous l'existence sauvage
Pleine d'attraits et de douleurs !
À nous les sapins dont l'ombrage
Nous rafraîchit dans nos labeurs.
Dans la forêt et sur la cage,
Nous sommes trente voyageurs. (...) »
(Octave Crémazie [poète québécois, 1827-1879], Le Chant des voyageurs.)

Soudain, je me suis dit que ce journal était une façon de passer le temps en attendant le retour de Christelle, retour qui — faut-il encore le préciser ? — n'adviendra jamais. Je suis donc condamné à écrire jusqu'à la fin de mon temps. C'est d'un joyeux !
________________________________________


Presque plus aucune musique n'a traversé ce blog ces dernières semaines. La raison est toute simple : un soir de distraction, j'ai oublié mon baladeur MP3 sur le quai de la gare des Guillemins ; difficile de vivre sans chanson, je m'en suis donc racheté un. Un véritable objet en toc que cet « Archos 20d Vision » : sa légèreté de plastique me donne l'impression qu'il va craquer à chaque instant ; l'esthétique de son écran tactile me rappelle les CGA des premiers temps. Son ergonomie se rapproche des arches du premier pont de Tacoma ; enfin bon, j'ai de la musique, c'est déjà ça !

Une découverte : sur son site Web officiel, le groupe texan Okkervil River propose gratuitement un mini-album intitulé Golden Opportunities 2 (suite de Golden Opportunities Mixtape), dans lequel le chanteur Will Sheff reprend cinq morceaux du registre folk. Cinq morceaux, cinq petites perles (pour ceux qui aiment le genre, évidemment)... Parmi celles-ci, « Dry Bones », chanson folk traditionnelle chrétienne, et « U.F.O. » de Jim Sullivan. L'histoire de ce dernier est pour le moins étrange : auteur d'un unique album paru en 1969, il disparaît mystérieusement environ six ans plus tard à proximité de Santa Rosa, au Nouveau Mexique. Seuls vestiges de sa présence à cet endroit : sa Coccinelle abandonnée ainsi qu'une chambre louée (mais non utilisée) dans un motel du coin. Certains disent qu'il s'est perdu dans le désert ; d'autres qu'il s'est fait enlever par des extraterrestres... Toujours est-il qu'on n'entendra jamais plus parler de lui !

Dry Bones by Okkervil River on Grooveshark

U.F.O. by Okkervil River on Grooveshark


Un constat : malgré mon athéisme, j'ai toujours eu un faible non pas pour la religion (Dieu m'en préserve, haha !), mais pour la culture héritée de la religion. Cela vaut tant pour mes préférences musicales (blues, folk, country...) que pour ma période historique de prédilection (le Moyen Âge, baigné de toute part par un christianisme omniprésent), ou encore mes auteurs préférés (le roman Dune est saturé de religion ; quant à L.W., n'en parlons même pas !). Dans tous les cas, c'est l'étrangeté de cette culture, de cette pensée, comparée à celle que j'ai reçue pendant mon éducation, qui m'attire plus que certainement.

D'un côté, je suis imprégné de l'éducation de mes parents (la volonté d'honnêteté poursuivie presque compulsivement par ma mère ; le radicalisme de mon père), de l'autre je n'ai jamais cessé de m'en éloigner. La science-fiction, l'anarchisme, l'histoire médiévale, la philosophie, l'astronomie... J'ai découvert tous ces sujets « tout seul comme un grand », comme si je voulais me démarquer de cet enseignement — enrichissant mais trop terre à terre  par un excès d'« ailleurs »... (Je suis comme ça depuis très longtemps mais je ne m'en rends compte que depuis peu.)
________________________________________


En tant qu'historien, l'anecdote n'aurait pas dû me faire rire, mais rien à faire : à chaque fois que je vois cette « restauration » ratée — c'est le moins qu'on puisse dire — de la vieille peinture du Christ de la petite église de Borja, je ne peux m'empêcher de tomber dans un fou rire dévastateur. Je pense que c'est le surréalisme de la situation qui fait rire la Toile entière... Bigre, même le bas du rouleau du parchemin est peint à l'envers ! C'est tellement ridiculement mal foutu que ça en devient presque génial...

La dissectrice de l'Institut

« Mon pays, ce n'est pas un pays : c'est l'hiver. »
(Gilles Vigneault, conteur, poète et chanteur québécois né en 1928.)


Chaque congrès d'histoire auquel je participe me paraît avant tout une occasion pour tous ces universitaires qui se connaissent de se voir et de discuter « en connaissance de cause ». Et puis, il y a les autres : ceux qui errent seuls dans le grand hall, un café à la main...

« Comment 
vas-tu, cher confrère ?
Je ne sais pas si tu le sais, mais 
j'ai la maladie de ceux qui boivent et qui 
mangent beaucoup ! J'ai limité l'alcool fort car j'ai la 
goutte, n'est-ce pas...Mes amis boivent sans moi, désormais... »

« Eh bien, 
nous allons reprendre 
la session ! Je vais de ce pas
rappeler à l'ordre les nombreux congressistes
égarés, mouha-ha-ha-ha-ha-ha ! [rire gras et sonore] »

« Personnellement, je n'ai
pas trouvé qu'il était mal à l'aise... 
Mais il est vrai que ce type de conférence 
inaugurale magistrale est particulièrement anxiogène... »

« C'est ici 
qu'habitait la dissectrice de
l'Institut. Celle qui était chargée de
recevoir les corps... On leur coupait d'abord la
tête et on l'envoyait Gand, pour ne pas que les étudiants 
liégeois qui s'occupaient des organes pussent reconnaître le mort... »

« Hamilton Evenvel... 
Nous ne nous connaissons pas. 
Qui donc êtes-vous, cher Monsieur ? » 
__________________________________________________

L'après-midi, dans la section « patrimoine immatériel », le public est restreint, la table en « » et l'ambiance décontractée. J'y croise même mon ancien directeur de mémoire de licence, Monsieur Vedusquol, qui ne me reconnaît pas — ou bien fait semblant de ne pas me reconnaître. Il est venu écouter une communication sur les chansons populaires durant les deux grandes guerres, pour disparaître par la suite sans laisser de trace.

(Intéressante, d'ailleurs, cette communication... J'y apprends notamment que, durant la Seconde Guerre mondiale, les poètes évitaient subtilement la censure en utilisant des acrostiches. Par exemple, ils débutaient leurs premiers vers par les lettres « V », « R », « A » et « F », pour « Vive la Royal Air Force » !)  

À la traditionnelle pause café de l'après-midi qui ponctue tous les colloques de la Terre, mon chef Lodewijk, secrétaire de la section « d'à côté » — il y en a quatorze en tout, de l'histoire institutionnelle à l'héraldique , me demande si je ne suis pas trop stressé car il va falloir que je prenne la parole dans les cinq minutes qui viennent. Je lui réponds que « non, pas du tout » — et pour une fois, je ne mens pas !

Ma communication se passe bien, du moins je pense (mais peut-être me prennent-ils tous pour un hurluberlu ?). Comme d'habitude, je suis démesurément enthousiaste et parle assez vite. Comme d'habitude, j'avais préparé un plan, mais je ne le suis quasiment pas car je ne le trouve pas assez vivant ; autrement dit : artificiel et mal foutu. Quand on a quelque chose à dire, on n'a pas besoin de plan, et cela est vrai tant pour l'oral que pour l'écrit, quoi qu'en disent... euh... tous les autres.

(Y a-t-il jamais eu un plan pour les articles de ce journal ? Hé non ! — « Comment donc, "Ça se voit" ? »)
________________________________________

Léandra me rejoint en début de soirée à la Maison du Peuple. Alors qu'elle débarque, je viens à l'instant de découvrir une faute dans un de mes articles, celui du 4 avril 2012... J'avais écrit : « (...) le bête chemise à carreaux (...) ». Ces fautes vont me rendre fou. Je me relis sans cesse et découvre constamment de nouvelles erreurs... Je le dis à Léandra, qui me répond : « Peut-être qu'un nouveau lecteur le lira un jour, cet article, qui sait ? » Nous quittons assez vite le café pour aller manger un tartare à l'italienne à la Porteuse d'Eau.

Elle a vraiment du mal à rester seule. Elle semble en pleine lutte intérieure. Elle sait — du moins je suppose — qu'il vaut mieux ne pas du tout le contacter, mais elle l'a contacté quand même. Je ne comprends pas. J'ai beau modifier mon état d'esprit pour essayer de comprendre, je ne comprends pas. Si je me mets à sa place et que je réfléchis en termes de conséquences, je me dis qu'il vaut clairement mieux ne pas le recontacter (tout ce que cela apporterait, ce serait un retour à une situation identique) ; et si je réfléchis en termes d'amour-propre, idem (ce serait changer d'avis et perdre la face). Mais la sensation de manque semble dans ce cas-ci plus importante encore que les conséquences et l'amour-propre réunis. Donc je ne comprends pas ceci étant dit sans aucun jugement de valeur.

Il est question de Montréal, aussi. Il faut que Léandra se décide rapidement pour savoir si elle passe une semaine là-bas. Je lui raconte à quel point le Québec est joli (surtout Trois-Rivières) et ses habitants sympathiques (surtout les Trifluviens), même s'il ne faut pas compter de prime abord sur des relations en profondeur avec ces gens : « très vite potes, mais sans réelles attaches... » — c'est de l'amitié « à l'américaine »... Mais pour y passer une semaine, c'est parfait !

(La suite au prochain épisode...)

« Des deulx coustez du fleuve »

« Toute la terre des deulx coustez dudit fleuve jusques à Hochelaga et oultre 
est aussi belle et unye que jamais homme regarda. » 
(Jacques Cartier décrivant les rives du Saint-Laurent, 1536.)


Parmi les projets de vacances de Léandra pour septembre, cette idée de dernière minute que je lui avais proposée sans trop y croire : qu'elle se rende à Montréal durant une petite semaine et nous croise, Flippo et moi, à la fin de notre séjour, lors de notre retour dans la métropole québécoise. L'idée a fait son chemin et la seule chose qui ennuie Léandra est la question de son passeport, qui est périmé depuis un an. Wait and see!

Gondry et Jerry sont à la porte de mon immeuble vers 19h30. Ils apportent les premières babioles de Mary, qui s'installera dans mon appartement ce samedi, pour une durée d'environ un an normalement (voir ICI et pour plus de détails). Mary revient peu de temps après, accompagnée de Bob, pour une seconde fournée de caisses. Elle se gare n'importe comment sur un coin du trottoir pour décharger sa voiture. En trois voyages, le déménagement est déjà fini. Comparé à celui d'Amy et Zapata, c'est du petit lait, nom de Dieu ! 

« On va manger une pizza chez Mama Roma, place du Châtelain... Ça te dit ? 
— C'est gentil mais je tombe de fatigue... 
— D'accord.
 En plus, la place du Châtelain, un mercredi soir, après le marché, c'est plus que je ne puis en supporter. »
(Et c'est la stricte vérité !)

Je n'ai pas grand-chose d'autre à raconter sur cette journée. Faut-il que je décrive tous les détails inintéressants de cette soirée à domicile ? Je tiens à jour mon blog. Je prends un long bain. Et je termine avec le traditionnel Orval devant des parties de Colons de Catane en ligne.

J'ai découvert un aspect insoupçonné du jeu : la psychologie. Il est parfois très intéressant sur le plan stratégique de préserver une certaine forme de « capital sympathie » vis-à-vis de « l'ennemi ». Chez les vétérans, il arrive ainsi par exemple que toute une partie se déroule sans utiliser une seule fois le voleur. Par contre, les joueurs expérimentés usent (voire abusent) de stratégies particulièrement retorses. Dans ces parties, chaque détail compte.