Je t'écris ce message affalé dans un des divans de la jolie Auberge alternative du Vieux-Montréal. Après un lever à quatre heures du matin, une longue attente à l'Aéroport de Bruxelles, un voyage en avion d'une durée de 7 heures et 42 minutes — ils sont précis, les pilotes de cette compagnie ! —, une autre attente à la douane de l'Aéroport Pierre Elliott Trudeau (« Où allez-vous ? », « Quand partez-vous ? », « Quel métier exercez-vous en Belgique ? », « Où logerez-vous ? ») et enfin un voyage en bus jusqu'au centre-ville, Flippo et moi avons enfin pu déposer nos valises à ladite Auberge. Nous y avons été accueillis avec le sourire — ça se passe toujours comme ça, ici — et avec quelques explications : nous dormirons dans un dortoir assez confortable pour vingt personnes (« la salle bleue », qu'ils l'appellent) et avons libre accès à une salle commune bien sympathique. Le café y est gratuit et à volonté, le Wi-Fi ouvert et la cuisine à notre disposition. Décalage horaire oblige, je ne suis pas assez en forme pour lier connaissance avec qui que ce soit. Faut dire aussi qu'ils sont tous penchés sur leur ordinateur ! — Sauf un anglophone qui s'essaie à la guitare, mais même lui a un PC portable ouvert devant lui !
Je te laisse car il est presque 22 heures, soit 4 heures du matin en Belgique ! On se retrouvera à l'Auberge dans environ douze jours...
H.
Archives mensuelles : août 2012
Les bagages de l'écriture
Vert, bleu et blanc
Au gré de l'éthanol
Les bouches de ciment
« Nous autres, Ami,
Mangeons au râtelier du progrès !
Nous brûlons les relais !
Nous ne nous arrêtons jamais dans les gîtes d'étape ! —
Vois-tu cette vieille masure recouverte de lierre ?
Demain, elle n'existera plus !
Nous la dynamiterons
Comme nous avons dynamité toutes les autres avant elle. —
L'ancienne pensée est moribonde.
Adieu Emmanuel ! Adieu Friedrich ! Adieu Ludwig !
Sur les ruines de l'ancien monde,
Nous en bâtirons un nouveau. —
Tu n'y auras pas ta place.
(Et c'est tant mieux.)
J'ai gardé pour toi, Ami,
Une belle cellule
Dont les contours sont si spartiates
Que les briques rêches empêcheront ton sang de couler. —
Imaginée par nos meilleurs techniciens,
Elle sera à l'image d'une vision
Où l'espace n'a pas lieu d'être,
Du moins pour des gens comme toi. —
Tu n'existes pas.
Tu n'as jamais existé.
Et tu n'existeras jamais.
Pour nous, tu es déjà mort. —
Tu n'es pas le bienvenu ici.
(Et je ne donne pas cher de ta peau.)
Vois-tu, Ami,
Ces incendies périphériques ?
Ces remparts qui s'écroulent ?
Ces humains qui tombent sous nos balles ? —
Tes libertaires de pacotille,
Tes gauchistes dépassés,
Nous n'en ferons qu'une bouchée.
D'ailleurs, nous les avons déjà dévorés ! —
Ils gisent, sans doute morts
Mais peut-être encore vivants, qui sait ?
Sur les champs idéologiques
Que nous avons nous-mêmes semés. —
Nous gagnons de l'argent.
(Et c'est tout ce qui compte.)
Je voulais te dire, Ami,
À quel point je te hais !
Mais ta vie, je la pardonne
Car nous la contrôlons. —
Nous écraserons vos os
Jusqu'à l'élimination complète de votre engeance,
Et sur vos restes fumants,
Nous entamerons une danse ! —
Nous broierons vos cœurs
À l'aide d'un moulineur high-tech,
Dont les lames de titane
Seront colorées par vos tripes ! —
Je boirai ton sang.
(Et je m'en régalerai.)
Regarde, Ami,
Comme ce téléphone est joli !
J'en avais réservé un pour toi,
Mais tu l'as refusé par mépris. —
Vois comme cette émission est belle !
Écoute comme la vérité
Coule des bouches de ciment
Que nous avons nous-mêmes modelées ! —
Je sais que tu n'y crois pas,
Mais tu ne comptes pas.
Tu n'as jamais compté.
Et tu ne compteras jamais. —
Je te regarderai brûler.
(Et l'odeur âcre de ta peau incinérée alimentera mon bonheur, pour l'éternité !) »
Déferlante
La déferlante du temps mange les jours,
Avale les heures,
Dévore les secondes. —
Elle laisse dans son sillage sans cesse renouvelé
Quelques écrits exsangues,
Quelques phrases hirsutes,
Quelques paragraphes faisandés ;
Une ponctuation chancelante,
Des formes mouvantes et sans relief ! —
Des critiques, du cynisme, de la haine,
De la rancœur, du sang, des larmes et des cris !
De la peur.
— De la peur surtout ! —
Peur d'être avalé par l'inertie
Ou par le changement
Justement. —
De temps à autre, quelques espoirs,
Quelques rares amours incomplètes,
Des amitiés fugaces
Et des déceptions en cascade.
« Diantre ! Ils sont tous si décevants ! »
Je voudrais tant ne pas leur ressembler
Mais je n'y arrive pas. —
Du rationalisme à ne plus savoir qu'en faire,
Mangé par les charognards qui occupent mon esprit.
(L'oiseau d'or qui jadis trônait fièrement
Aux plus hautes cimes de ma tour de guet
Se décompose à la vitesse de l'aigle fondant sur sa proie.)
« Ce nuage a-t-il besoin d'être décrit ? »
« Cette souris doit-elle être disséquée ? »
« Pourquoi tiens-tu ce globe terrestre entre tes mains ? » —
Où est-elle passée, cette confiance dans l'avenir ?
Avalée, elle aussi, par l'impitoyable déferlante !
Étais-je aveugle ?
Ou bien le suis-je maintenant ? —
Ni la nostalgie des temps anciens,
Ni la poursuite de ceux à venir
Ne rendront leurs couleurs à ces heures
Qui n'existent pas
Et n'ont jamais existé.
La fée de Vitruve
Une tentative d'explication : à l'instar de la Schtroumpfette, créée par Gargamel à base d'argile et d'autres ingrédients pour le moins inquiétants (telle « une solide couche de parti pris »), les Schtroumpfs seraient tous des golems de la seconde génération créés par le Grand Schtroumpf... Ce dernier aurait lui aussi été fabriqué il y a très longtemps par un puissant alchimiste, dans le but de l'aider à préparer potions et autres élixirs (ceci expliquerait le savoir du vieux lutin barbu en matière de magie). Puis le vieil alchimiste serait mort et le (jeune) Grand Schtroumpf se serait retrouvé à errer pendant des siècles, d'abord à l'intérieur des frontières du Pays maudit, puis ailleurs dans le grand Monde, où il aurait notamment appris à parler le langage des humains... Jusqu'au jour où il aurait décidé de devenir lui-même un créateur et de fabriquer d'autres Schtroumpfs/golems, grâce au savoir ancestral de son défunt maître. D'ailleurs, n'est-ce pas lui qui, cent ans plus tard, arrivera à transformer la Schtroumpfette en jolie blonde nunuche ? Le Grand Schtroumpf est fort. Très fort.
— Parce que moi, je ne copie jamais ! Moi, j'invente ! »
« I saw the light from heaven »
Un constat : malgré mon athéisme, j'ai toujours eu un faible non pas pour la religion (Dieu m'en préserve, haha !), mais pour la culture héritée de la religion. Cela vaut tant pour mes préférences musicales (blues, folk, country...) que pour ma période historique de prédilection (le Moyen Âge, baigné de toute part par un christianisme omniprésent), ou encore mes auteurs préférés (le roman Dune est saturé de religion ; quant à L.W., n'en parlons même pas !). Dans tous les cas, c'est l'étrangeté de cette culture, de cette pensée, comparée à celle que j'ai reçue pendant mon éducation, qui m'attire plus que certainement.
D'un côté, je suis imprégné de l'éducation de mes parents (la volonté d'honnêteté poursuivie presque compulsivement par ma mère ; le radicalisme de mon père), de l'autre je n'ai jamais cessé de m'en éloigner. La science-fiction, l'anarchisme, l'histoire médiévale, la philosophie, l'astronomie... J'ai découvert tous ces sujets « tout seul comme un grand », comme si je voulais me démarquer de cet enseignement — enrichissant mais trop terre à terre — par un excès d'« ailleurs »... (Je suis comme ça depuis très longtemps mais je ne m'en rends compte que depuis peu.)
La dissectrice de l'Institut
Chaque congrès d'histoire auquel je participe me paraît avant tout une occasion pour tous ces universitaires qui se connaissent de se voir et de discuter « en connaissance de cause ». Et puis, il y a les autres : ceux qui errent seuls dans le grand hall, un café à la main...
« Des deulx coustez du fleuve »