Storm and Drink

Aujourd'hui (ou plutôt hier soir), j'ai brusquement décidé d'arrêter de boire de l'alcool pendant un petit temps. Un jour ? Une semaine ? Un mois ? Connaissant ma volonté (dont la maigre armature est pour ainsi dire faite de fer blanc), je ne tiendrai certainement pas très longtemps. J'en veux pour preuve l'événement suivant : alors que ma sobriété ne devait souffrir aucune exception, ce midi, après une longue matinée passée à porter de lourdes caisses et à monter une étagère à l'aide d'un tournevis cruciforme émoussé, je me suis laissé tenter par un (1) Orval. Après l'effort, le réconfort, etc. Qu'à cela ne tienne : ce sera ma dernière bière de la journée !

Ainsi, le soir à la Maison du Peuple de Saint-Gilles, seul devant mon PC, tentant sans jamais y arriver de trouver les mots justes pour décrire ma journée de samedi, je carbure au thé "Maison du Peuple", un mélange de différents parfums qui a l'avantage d'être moins cher et de se déguster plus lentement qu'une bière. (Un thé se sirote, une bière se boit.)

Pourquoi passé-je mes soirées à la Maison du Peuple ou dans d'autres cafés très ciblés ? Parce que j'arrive très difficilement à écrire chez moi. Environ 81% (je fais des statistiques, comme Léandra) des textes de ce journal ont donc été écrits soit dans le train, soit dans un café, car il me faut du bruit et des gens autour de moi pour bien travailler. Le bruit me donne la possibilité de me concentrer alors qu'un trop grand silence me bloque. Mieux que le bruit : la fureur. Dans la fureur, les mots viennent d'eux-mêmes, je ne suis plus qu'un simple catalyseur et j'exprime ma passion sans peine. (Par "fureur", je n'entends pas l'ambiance d'un match de foot, mais plutôt les conditions d'un orage ou d'une tempête...)

Tout cela engendre une situation bizarre : je suis assis, assez concentré, à l'une des tables du café, sans jamais tenir compte de mon entourage. La Maison du Peuple, censée constituer un endroit social, devient au contraire dans ce cas-ci un lieu d'isolement. Je suis seul entouré de monde (une situation que j'apprécie tout particulièrement). — Et si je me rends dans ce café et nulle part ailleurs, c'est sans doute par pur mimétisme, car dans cet endroit, travailler dans mon coin pendant quatre heures sans autre contact social que les furtifs passages au bar est une attitude acceptée comme étant parfaitement normale.

En fin de soirée, je commande un troisième "Maison du Peuple" en ayant en tête l'image d'un verre de thé. La serveuse me fait un signe de tête et s'active : elle prend une bouteille d'alcool derrière elle, verse une partie de son contenu dans un coquetelier... Je la regarde faire sans rien dire. Dans mon esprit, une question émerge très lentement, comme au ralenti : "Que fait-elle ?" Je me risque :

« C'est pour moi que tu fais tout ça ?
(Elle s'arrête et me regarde avec ses grands yeux.)
— Mais oui !
— Je crois qu'il y a une erreur : je voulais un thé "Maison du Peuple".
(Elle sourit et se frappe le front avec la paume de sa main droite — comme Columbo !)
Haha ! C'est qu'il y a aussi un cocktail "Maison du Peuple" !
— Ha zut... Je suis désolé...
— Non, ce n'est pas grave : je vais préparer ton thé.
— C'est comique, quand même... Pour une fois que je ne bois pas ! »
 

Pour une fois que je ne bois pas, j'ai un mal fou à mettre mes idées en place, à me concentrer... Il me faut toute une soirée pour écrire ce bête texte décrivant ma journée de samedi. C'est le monde à l'envers : un peu comme si j'étais plus inspiré sous l'emprise de l'alcool, comme si la boisson m'aidait à exprimer simplement ce qui me passe par la tête, sans trop y réfléchir. C'est complètement ri-di-cu-le : je ne vais pas me remettre à boire pour écrire plus vite et plus efficacement, non, non, NON !

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