The (rail)road to Glasgow

No photos

*

Hall d'attente de l'Eurostar, Bruxelles-Midi, huit heures trente du matin. — Au haut-parleur : « Mesdames et messieurs, il y a cent ans débutait la bataille de la Somme, durant laquelle plusieurs centaines de milliers de soldats perdirent la vie. Nous vous demandons d'observer deux minutes de silence en leur mémoire. » À peine quarante secondes plus tard : « Mesdames et messieurs, en raison d'une arrivée tardive en gare de Bruxelles, l'embarquement et le départ de l'Eurostar 9117 à destination de Londres Saint-Pancras est retardé d'environ trente à quarante minutes. » — Fin abrupte des deux minutes de silence.

*

Un homme en costume-cravate gesticule devant le comptoir d'information : « Et quoi ? C'est encore à cause d'une grève ? »

*

Arrivés à London St-Pancras, ma mère, ma fille et moi disposons d'une petite demi-heure pour changer de gare et de train... Quatre bagages et trois sacs à trimbaler jusqu'à la gare de London Euston, heureusement toute proche. Quand nous entrons dans le train express à destination de Glasgow, nous sommes en sueur et un peu déshydratés. — J'aime le train, mais je préfère être dedans que de courir après.

*

Je dois passer pour un fou, avec ce gros bagage que je ne parviens pas à caser dans un des rares espaces disponibles. Mes premiers mots en anglais du voyage sont quelque chose comme : « Excuse me, can I put my luggage in the rack above you? » Oui, sans problème, mais impossible de le faire rentrer. Un homme assis pas loin me fait signe et me propose de le placer dans l'espace présent à côté de lui, en changeant la disposition des sacs déjà entassés, l'espace en question n'étant clairement pas assez « optimized » à son goût. La phrase me fait sourire : les Anglo-Saxons et l'optimisation... J'essaie, mais je n'y arrive toujours pas. Never mind. L'homme fait alors un petit geste désinvolte de la main et me déclare qu'il doit bien y avoir une place autre part dans la voiture. Fin de la communication.

*

There is a  shop in the coach C. — Ils ont des tartines et surtout de la bière et du café. Good lord! Nous voilà sauvés !

*

« Oxenholme » : J'écoute une voix le prononcer et je me dis qu'il y a à la fois des lettres en trop et des lettres manquantes dans le nom de ce village.

*

Le train s'arrête en gare de... Wigan ! C'est la ville mentionnée dans le titre de l'excellent livre de George Orwell The Road to Wigan Pier (Le Quai de Wigan en français), dans lequel l'auteur décrit son immersion dans plusieurs familles de mineurs du Nord de l'Angleterre, en 1936, et propose le socialisme comme réponse politique pour améliorer les conditions de vie — jugées intolérables après les avoir vues de très près — des ouvriers. Orwell y porte également un regard critique et railleur sur certains socialistes anglais issus (comme lui) de la bourgeoisie, prêts à défendre les travailleurs, mais de très loin : pas question pour eux de frayer avec ces gens qui, à table, utilisent leur couteau comme une fourchette ! (J'ai essayé de photographier le quai de Wigan, mais la seule photo que j'ai réussi à prendre avant qu'un autre train ne bloque la vue est floue et ratée.)

*

Dans The Road to Wigan Pier, Orwell décrit à merveille le paysage qui défile quand on se rend en train vers cette région de l'Angleterre : un morceau de campagne entrecoupé régulièrement par des petites cités industrielles (aujourd'hui majoritairement en réaffectation). Par moment, le panorama ressemble un peu à la banlieue de Charleroi, sauf qu'il passe beaucoup plus vite d'un extrême à l'autre : le vieil hangar en ruine que j'entrevois est très rapidement remplacé par un joli ruisseau traversé par un pittoresque petit pont de bois, lui-même remplacé... par une pile de carcasses de voitures. Le Nord de l'Angleterre, c'est la région des transitions abruptes.

*

Ensuite l'Écosse se rapproche et le paysage devient de plus en plus vert, vallonné et à couper le souffle... Ce qui a le plus retenu mon attention, ce sont les murets de pierres délimitant toutes les parcelles de terrain, jusqu'à des endroits particulièrement invraisemblables. Quelqu'un est donc allé jusqu'en haut de cette colline escarpée pour entasser quelques pierres, et ce afin d'empêcher un très hypothétique mouton alpiniste de passer sur le terrain d'à côté ? Come on! La véritable raison de ces murets, je vais la dévoiler aujourd'hui : ils font très jolis dans le paysage, voilà tout.

*

Nous sommes arrivés à Glasgow à seize heures et une minute, parfaitement à l'heure (contrairement à l'Eurostar) et avec toujours autant de bagages à transporter.

Laisser un commentaire