Rebobinage

Cet après-midi, Gaëlle regarde Le Lion, la Sorcière blanche et l'Armoire magique (2005), premier épisode de l'adaptation cinématographique du Monde de Narnia de C. S. Lewis. Un gâchis de pellicule : l'histoire, sorte de patchwork de tout ce que l'on peut trouver dans un univers de fantasy, est invraisemblable ; le jeu d'acteur, d'une très grande platitude. Comment ces quatre enfants/adolescents mous peuvent-ils devenir les élus de tout un royaume ? Ça n'a strictement aucun sens. La palme d'or revient aux deux garçons qui possèdent la volonté d'une moule d'élevage, le charisme de Jerry Lundegaard et qui n'arrivent même pas à tenir convenablement une épée. Une seule envie : que Jadis la Sorcière blanche, seul personnage plus ou moins crédible (mais aussi complètement psychopathe), gèle les quatre mioches et maintienne ce monde magique dans un hiver sans fin. Évidemment, ça ne se déroule pas de cette façon : ça finit bien. — Je rêve d'un Narnia où, contre toute attente, le mal triomphe, définitivement. Je rêve d'un Narnia tragique. L'univers du cinéma pour enfants manque cruellement de tragédie, de points de non-retour, de choix pleinement assumés, jusqu'au bout. Je rêve d'une fin triste et malsaine : le plan final du film serait constitué d'un lent travelling montrant les cachots où sont enfermés les présomptueux enfants, mourant à petit feu, de malnutrition, de maladie et de manque de soins. Quant à Aslan, le lion christique doué de parole, il serait bel et bien mort au cours du sacrifice auquel il a consenti, et non ridiculement ressuscité pour de fausses raisons (« Lorsqu'un innocent consentant est tué à la place d'un traître, la table de pierre se brise et la mort elle-même fait demi-tour »). — Mais je rêve, évidemment, car Narnia est un mauvais conte de fées chrétien où tout, y compris la mort, peut être racheté et « rebobiné », sans plus d'explications.

Ma mère se plaint parce qu'elle n'a pas « arrêté de courir aujourd'hui » pour faire un repas de Noël avec velouté, entrée, plat et dessert. « Pourquoi es-tu si énervée ? », demande Gaëlle. Je lui pose la même question un peu plus tard. « Je n'étais pas énervée, mais maintenant, je le suis ! », répond ma maman. Mais pourquoi diantre prépare-t-elle un tel repas si c'est pour être à ce point à cran ? Je me serais sans problème contenté d'une tartine, Gaëlle aussi. Ce que l'on mange à tel ou tel moment n'a pas énormément d'importance, et si c'est pour créer une ambiance délétère, à quoi bon ?

Le soir, Gaëlle regarde Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban (2004), troisième épisode de la célèbre saga. C'est tout de même d'une autre trempe que Narnia. En tout cas, je ne me dis pas à tout moment : « Bon sang, que c'est neuneu ! » Enfant, j'aurais sans doute adoré. — Il y a de très bonnes idées dans cette histoire, et notamment cette partie où Harry et Hermione voyagent dans le passé, existant en double exemplaire jusqu'au moment où la première version d'eux-mêmes disparaît de la ligne du temps principale pour revenir dans le temps, bouclant la boucle. On peut ainsi observer le même événement deux fois, de deux points de vue différents, le premier étant celui de la paire Harry/Hermione no 1, le second celui de la paire no 2. Certains événements vécus par la première paire (le cri de loup dans la nuit, l'inconnu lançant un puissant sort depuis l'autre rive...) sont expliqués a posteriori, grâce au deuxième point de vue. L'ensemble se tient, sans paradoxe. C'est évidemment moins compliqué et moins subtil que Primer de Shane Carruth, mais c'est tout de même très bien construit.

Laisser un commentaire