Croot ?

Aujourd'hui, Moebius est mort. — "Jean Giraud est mort", pourrais-je dire, mais je préfère parler de Moebius. Car le dessinateur qui a profondément marqué ma jeunesse ne s'appelait par Jean Giraud ni encore Gir... Il s'appelait Moebius, voilà tout ! Souvenirs...

Il faut s'imaginer ce petit garçon, fan de bandes dessinées depuis qu'il est en âge de lire un phylactère ; un gamin qui, huit ans environ après avoir lu sa première BD, découvre la science-fiction littéraire d'une traite — le choc ! — et commence à dévorer des textes qui le marqueront à jamais : Dune évidemment, Fondation, Au carrefour des étoiles, Ubik, Fahrenheit 451... Et puis, quelques années plus tard, vers quatorze ou quinze ans, devenu entretemps un adolescent boutonneux, il découvre qu'il existe des bandes dessinées de science-fiction : une réunion de deux genres qui le passionnent.

Ses parents ne sont pas du genre à limiter ses lectures ou à le prendre pour un enfant sans jugeote. Au contraire : ils le considèrent depuis très longtemps comme un adulte et lui laissent lire ce qu'il veut. Ne fût-ce que pour cela, ledit adolescent se dira qu'il a reçu une éducation formidable — exceptionnelle même, à certains points de vue , et ce malgré le milieu ouvrier très modeste dans lequel il a baigné... 

Ainsi, à quinze ans environ, dans les bacs de la Fafouille à Charleroi, de diverses foires, de bibliothèques ou de librairies, il empruntait ou achetait ce qu'il voulait, dans la mesure des moyens financiers de ses parents. Et c'est ainsi que, au hasard des rencontres, il est tombé sur L'Incal de Moebius et Jodorowsky, sur Arzach et sur d'autres œuvres qui ont changé sa façon de voir la bande dessinée... 

Anecdote : un jour, ce même gamin eut la mauvaise idée d'apporter Arzach à l'école... La BD tomba dans les mains d'une prof d'anglais, qui s'exclama alors : "Mais c'est de la pornographie !". Réponse : "Hein ? Quoi ? Mais pas du tout ! C'est de l'art !" Alors la prof ouvrit une page représentant un homme à poils assis sur un banc rappelant un phallus, ainsi qu'une autre sur laquelle une jeune femme aux seins nus était en train d'enlever (ou de remettre ?) sa petite culotte. La prof retorqua : "Non, c'est bien de la pornographie !", mais rendit quand même, en souriant, la BD à l'adolescent...


Aujourd'hui, Moebius est mort et je n'ai nullement envie, malgré ma peine, de faire dans la surenchère et de placer quelque part dans ce blog que l'artiste a "rejoint l'infini" ou qu'un "géant du 9e art nous a quitté"*. La conclusion de tout ceci sera beaucoup plus terre à terre et se résumera, comme à chaque fois, à un vulgaire "Hé merde !" bien senti.

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L'après-midi, Gaëlle s'amuse à la fête foraine de Tamines. Elle fait du trampoline, joue au Bulldozer dans un Luna Park et pêche des canards — 10 euros pour attraper vingt-quatre canards en plastique : bon sang que ce jeu est ridicule ! La faune de la foire ressemble à celle du parc Reine Fabiola à Namur mais en pire encore : le forain qui s'occupe du trampoline, aux yeux inexpressifs et à la bouche constamment ouverte, paraît totalement idiot et les clients de la foire sont majoritairement soit des jeunes filles vulgaires maquillées à la truelle, soit des mecs "training-casquette". Rien n'a changé depuis mes années à l'Athénée : un vrai retour aux sources que cette fête foraine ! Hem...

Le soir, pendant que Gaëlle regarde Bob l'éponge ou d'autres dessins animés sur Nickelodeon, je joue au Stratego avec ma maman. Celle-ci perd à nouveau toutes les parties. C'est curieux : elle place pourtant bien ses pièces et les déplace de manière coordonnée en début de jeu, mais sur la fin, elle désespère et joue la kamikaze, ce qui ne donne jamais beaucoup de résultats, hélas...

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* Hé bien, tu viens pourtant de le faire !

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