Archives mensuelles : août 2011

Déjà-vu

J'ai l'impression de revivre le même début de soirée, avec une série de variations, dont voici le thème : tous les soirs de la semaine, j'arrive à la Maison du Peuple de Saint-Gilles après le boulot, j'installe mon ordinateur (toujours à la même table, au fond, près du distributeur de cigarettes), je me connecte au Web, je relève la tête et je vois arriver Emily, à l'improviste, avec son sac en bandoulière, qui me dit bonjour et qui installe son propre ordinateur. Hier, c'était un peu la même chose, sauf qu'après un moment nous avons rejoint Andrew et Zahra à une autre table. Avant-hier aussi, sauf qu'Emily était là avant moi, presque à la même place. Dimanche aussi : même table et même "configuration d'arrivée" d'Emily. Demain, je n'y serai pas car je vais manger chez Léandra. Vais-je survivre à ce déracinement, sans Emily ? Il le faudra bien. De toute façon, cette dernière me dit qu'elle ne sera pas là non plus car elle a des choses à faire chez elle. J'ai un petit rire intérieur en me disant qu'elle ira tout de même sans doute boire un verre avec Andrew et Walter à Ixelles.

Emily a du travail ce soir (du codage). Il faut absolument qu'elle le termine sinon elle dormira mal durant la nuit. De plus en plus de mes amis ont l'air de vivre comme ça, emportant leur boulot le soir "à la maison", stressés s'ils n'achèvent pas ce qu'ils ont commencé au cours de la journée. Je croise ce comportement tout le temps et c'est quelque chose que je n'arrive vraiment pas à comprendre. Et pourtant j'essaye ! C'est juste du travail, quoi... Mon chef est comme ça et la plupart de mes collègues sont comme ça. Seuls mes deux collègues bibliothécaires et moi-même oublions jusqu'à l'existence du boulot dès que nous le quittons. Je passe déjà ma vie dans les trains pour gagner ma vie (ou pour la perdre, ça dépend du point de vue). Hors de question que j'exporte mon travail chez moi donc, sauf dans des cas bien précis de télétravail, en journée. 

De mon côté, pendant qu'Emily termine son taf, je passe mon temps sur mes devinettes visuelles et sur d'autres projets futiles... Vu de l'extérieur, nous devrions passer pour une espèce particulière de handicapés sociaux, mais non, pas du tout : nous sommes à la Maison du Peuple. En tout cas, c'est marrant (ou pas)  : on ne délaisse nos ordinateurs que pour manger (et encore !). Nous passons la seconde partie de la soirée à discuter, sans les PC, et c'est quand même plus sympathique.

Le train, c'est l'avenir !

Avantage du
train : ça me laisse beaucoup de temps pour écrire toutes mes âneries.
Avantage supplémentaire
du train Bruxelles-Maastricht, avec ses retards fréquents, ses suppressions inopinées
(comme aujourd'hui matin) : ça me laisse encore beaucoup plus de temps.
Et du
temps, c'est tout ce qu'il me faut pour écrire toutes mes âneries.
Je n'ai
jamais vraiment compris les travailleurs qui se plaignaient des retards de leur train. Ce n'est
pas de leur faute s'ils sont en retard, c'est de la faute du train. Donc, normalement, ils doivent être
payés comme s'ils étaient présents au boulot. En outre, les retards, ça permet de se reposer, de lire, d'écrire, bref de faire ce
qu'on veut de sa vie. Donc, haut les cœurs, vive les retards ! Vive la SNCB !
* * *
Aujourd'hui,
j'ai fait deux constats.
Le premier est qu'il m'est plus facile de créer de la fréquentation avec un blog de jeu –
même minimaliste – qu'avec un journal. En effet, je regarde les premières
statistiques du "Devinoscope" (notre nouveau blog de devinettes
visuelles, à Léandra et à moi), et j'arrive à une soixantaine de visiteurs
différents dès ce premier jour, soit plus du double du taux de fréquentation moyen
du présent journal. La grande majorité de ces soixante visiteurs sont
originaires de Facebook car des amis (et des amis d'amis, sans doute) ont eu la
sympathique idée d'en partager le lien sur leur profil ; quelques uns ont aussi
été redirigés depuis Twitter, où officient Léandra et Andrew ; les
derniers, enfin, viennent du forum MonLégionnaire, où d'anciens camarades de
combat ont cru bon de créer un post à ce sujet. Maintenant, il faut voir si
j'arrive à fidéliser et à garder mon public, comme on dirait dans un bureau
d'études commerciales.
Question :
pourquoi un blog de jeu fonctionne-t-il mieux ? Première hypothèse : parce que
c'est un jeu justement et que, de manière générale, beaucoup d'humains aiment se torturer
les méninges pour avoir l'immense satisfaction de la découverte, cette
petite "étincelle neuronale" qui soudain prend sa source dans une partie indéterminée du cerveau.
"Eurêka", comme dirait l'autre. Ici, ça ressemble plus à un :
"Bordel, j'ai enfin trouvé la solution de cette putain de devinette à la
con !". Bref, la découverte de la réponse est une immense victoire...
Pourquoi tant de gens aiment jouer au Sudoku dans le train ? Pourquoi tant
de gens aiment les énigmes du père Fouras ? Je suppose que c'est dans le
même ordre d'idée, même si personnellement, je déteste le Sudoku et ai
constamment envie d'arracher la barbe postiche du faux vieillard de Fort Boyard.
Je sais ainsi de source sûre que, quand j'ai lancé le concept de ces énigmes
pour la première fois sur Facebook, certaines personnes n'arrivaient pas à
dormir s'il restait une devinette non résolue à la tombée de la nuit !
Conclusion : ces devinettes ridicules peuvent devenir une drogue, tant
d'ailleurs pour le découvreur que pour le créateur (va falloir que je fasse
gaffe !). Seconde hypothèse : ce journal, faut se le taper. Il n'est
pas spécialement marrant, ni même spécialement intéressant, sauf pour moi-même.
C'est un truc personnel : au départ, je l'écrivais d'ailleurs juste pour
moi. C'est encore un peu le cas maintenant, même si le fait de savoir que je
suis lu change forcément ma façon de l'écrire, dans le sens où je m'amuse à
faire de plus en plus de références ; mais aussi où j'ai de plus en plus
peur de ce que j'y évoque ("Comment va-t-il/elle le prendre ?",
"Est-ce que je dis ça ou pas ?").
Ce qui
m'amène au deuxième constat de cette journée : ce que j'écris dans ce
journal a des répercussions sur le monde extérieur parce que je n'y parle
pas que de moi, mais aussi de mon entourage plus ou moins proche... C'est même "pire"
que ça : je parle de ma façon de voir les autres. Ces autres-là, se
voyant dans le miroir déformant que je leur tends, n'ont pas demandé à être
décrits. Cette façon de faire ne pose aucun problème pour des inconnus
rencontrés dans un café ou au hasard d'une navette de train. Et comme me le
fera comprendre Léandra, elle n'en pose pas plus pour les personnes qu'on
n'aime pas et qu'on ne côtoie donc pas. C'est tout autre chose avec
les amis. Certains adorent, d'autres détestent.
C'est pour cela que j'ai donné des pseudonymes à (presque) tout le monde, pour minimiser la
portée de ce que je raconte. Mais ça ne change rien en fait, car tout le monde se reconnaît,
forcément (bah oui). De même, Léandra me dira que c'est pour ça que, dans son journal à
elle, sauf exception, elle décrit les faits les uns
après les autres, du début à la fin de la journée. Elle fait bien plus que ça,
pourtant, quand j'y réfléchis : un style d'écriture, même s'il se veut factuel,
purement descriptif, permet de faire passer beaucoup plus d'idées que ne le pense le
rédacteur. L'écriture trahit : une plume n'est jamais
neutre. De toute façon, je ne pourrai jamais faire comme Léandra, car j'ai
pris pour parti depuis quelques mois de laisser tomber certains pans de ma
journée pour me consacrer de manière plus précise à d'autres, que je décris dès
lors de manière plus analytique.
Bref, tout
ça pour dire que je me suis rendu compte de cet aspect des choses aujourd'hui. Je ne parle
jamais à la deuxième personne dans ce journal (sauf pour me tutoyer quand je suis saoul)
et je vais donc utiliser un chemin détourné pour faire passer ma pensée : si
certaines personnes qui me lisent ne veulent pas/plus figurer ici, il est
très facile de me le faire savoir. Je ne m'en vexerai pas le moins du monde. Je
peux même supprimer jusqu'à leur présence si elles le désirent (mais ça me
prendra un certain temps dans ce cas, surtout pour des amis proches).
* * *
Le soir, je suis à la Maison du Peuple de Saint-Gilles (ouais, encore !). Je croyais y être seul aujourd'hui, mais en fait tout le monde débarque en même temps : Léandra en coup de vent, avec un Nanash pressé que je ne vois même pas ; Andrew, énervé par les subtiles manœuvres d'évitement dudit Nanash ; Emily, qui doit travailler un peu sur son PC... Après avoir mis en place une série de devinettes visuelles pour aujourd'hui et les jours prochains et après qu'Emily a terminé l'écriture d'un mail, nous nous rendons à une autre table, où Andrew est déjà installé avec Zahra et un de ses compatriotes azerbaïdjanais, pour "fêter" le départ de Zahra de Bruxelles (elle retourne à Paris).


Zahra a constamment le sourire aux lèvres. Elle aura par ailleurs clairement un effet calmant sur Andrew. Le gars qui l'accompagne est beaucoup moins causant. Il ne parle pas français et nous sortira : "Brussels is an international city, so I don't need to speak french" (ou une phrase approchante). Je déteste ce comportement. C'est comme si j'allais à Londres et que je ne faisais pas l'effort de parler anglais, parce que "Londres est une ville internationale". Bref. De toute façon, il est assez laconique, même en anglais, et restera la moitié de sa soirée sur son téléphone (mais à qui me fait-il penser ?).


On entend "London Calling" des Clash et je me dis qu'ils passent de la bonne musique ce soir. Pas de bol : juste après, c'est au tour de Queen. J'ai pensé trop vite.


Zahra et Monsieur je-ne-parle-qu'anglais s'en vont. La fille fait une bise chaleureuse à tout le monde en guise d'au revoir. Le gars me sert la main sans me regarder. Quel contraste ! J'apprends que c'est chez ce type que Zahra est allée habiter lorsqu'elle venait d'arriver à Bruxelles, délaissant dès les premiers jours la chambre que Léandra avait préparée pour elle.

Plus tard, Andrew parlera, je ne sais pour quel raison, d'un sujet assez casse-tête. En résumé, ça donne : en amour, vaut-il mieux tenter le coup avec quelqu'un dont on n'est pas spécialement amoureux mais avec qui on a toutes ses chances ou vaut-il mieux au contraire tenter le grand amour, même si ça semble mal parti d'avance ? La question est toute théorique à mes yeux vu que je ne tente jamais rien, à quelques infimes exceptions près. À un moment, je lancerai quand même un très beau : "De toute façon, il ne faut pas réfléchir autant : il faut se lancer, c'est tout !" (de ma part, fallait oser). Toujours est-il que mon petit cerveau a déjà vécu à plusieurs reprises ce genre de petit débat interne... à mes dépens d'ailleurs, vu que j'ai toujours eu le chic pour choisir des relations impossibles et qu'au final, je ne sors jamais avec personne... C'est la vie !

Scepticisme

Petit débat
aujourd’hui sur Facebook entre Callys et moi, tournant autour d’une vidéo
apportant soi-disant (hem) la preuve de l’existence secrète d’une
technologie électromagnétique au sein du bombardier furtif américain B-2 Spirit
(le fameux bombardier high-tech en forme de triangle plat). Apparemment, je
suis le seul à avoir visionné cette vidéo ou alors personne ne l’a trouvée... euh...
bizarre ? Ou alors – troisième solution – tout le monde s’en fout. En tout
cas, à l’heure où j’écris ces lignes, je suis le seul à commenter. La vidéo est
l’œuvre de Jean-Pierre Petit, l’astrophysicien-ufologue-conspirationniste-etc.
Elle montre quelques images, répétées en boucle, d’un B-2 franchissant le mur du
son. Parfois, l’image passe en fausses couleurs, pour faire croire à une analyse
colorimétrique très sérieuse. Le bouclier sonique sur le dessus est plus
lumineux et prouverait la présence d’une "ionisation anormale",
causée par l’utilisation d’une "énergie de type électromagnétique". Gné ?

J’ai beau
regarder la vidéo plusieurs fois, je n’y vois que la bulle de condensation,
propre au passage du mur du son, dans certaines conditions, illuminée par le
soleil. Mais non, malheureux ! C’est totalement impossible que ce soit le
soleil (ha ?) : c’est un truc secret, on nous cache plein de trucs.
De là à dire que les Américains disposent d’une technologie d'origine extraterrestre,
il n’y a qu’un pas, qui n’est pas franchi ici (ouf !). 



En fait, je m'énerve tout seul à la pause café en écoutant cette vidéo. C'est un peu con, je m'en rends bien compte. C'est une réaction presque viscérale. Callys, un gars adorable au demeurant, dit souvent de moi que je suis un "scientiste". En fait, il a sans doute raison (dans le sens où je considère la science comme quelque chose de globalement bénéfique, un peu à la mode des philosophes rationalistes du XVIIIe siècle, et où je déteste toute forme de mysticisme et de métaphysique), mais le terme a l'air tellement négatif à ses yeux...


Ma collègue Wynka dit la même chose de moi : "Monsieur Hamilton le scientiste", me lance-t-elle parfois le sourire aux lèvres (elle est gentille et intelligente, Wynka, faut pas croire !), "tout ne s'explique pas par la science. Il y a des choses dans ce monde au-delà de l'humaine compréhension !". Ouais, peut-être, mais si on a une espérance de vie moyenne d'environ 80 ans en Occident, ce n'est pas grâce aux chamans de la Forêt amazonienne, hein... Et puis, ce qui est au-delà de l'humaine compréhension est juste... au-delà de l'humaine compréhension, c'est tout, pour le moment du moins. Pas besoin à mon sens d'échafauder des théories pseudo-scientifiques pour tenter d'expliquer des choses que l'on ne comprend pas encore. 


Un jour, Wynka m'a également sorti que la science n'était pas vue de la même manière partout dans le monde. Je lui ai répondu que si, justement. Pour qu'une expérience soit prise au sérieux dans le monde scientifique, il faut suivre une série de règles, héritées de Karl Popper et, de manière plus lointaine, de l'empirisme anglais. Parmi les principes de base, pour qu'une expérience soit considérée comme vraie au sens scientifique, il faut (dans les très grandes lignes) qu'elle soit reproductible à l'identique dans les mêmes conditions par d'autres scientifiques et qu'elle puisse être réfutée empiriquement. 

Bon, j'arrête là, sinon les potes de Léandra vont encore lui dire que je suis trop didactique.

* * *


Au dîner,
ma collègue Charlotte parle d’un de ses rêves, tournant autour d’un steak tueur
(mais où va-t-elle chercher tout ça ?). Pour le moment, elle rêve aussi de
temps en temps qu’elle perd ses dents. D’après ma collègue Sylvette (qui
possède chez elle un livre sur l’interprétation des rêves – au secours, je suis
entouré de mystiques !), rêver qu’on perd ses dents signifie qu’on a
quelque chose d’inachevé dans sa vie. Moi, hilare : "Oui, le fonds
d’archives dont elle réalise l’inventaire depuis de longs mois !".
Faut dire que ce fonds d’archives est une horreur totale dans le sens où la
personne qui l’a constitué avait un peu (beaucoup ?) la tête dans les étoiles et n’a établi aucun
classement. Ainsi des poèmes côtoient-ils dans le même classeur des archives
politiques et des dessins sont-ils rangés à côtés de coupures de presse... Pauvre Charlotte ! Elle a hérité du cauchemar de tout archiviste : inventorier du
"vrac", du "divers", du "un peu de tout"...


* * *


Le soir, je
lance mon blog de devinettes visuelles (oui, encore un blog, pfff...) et je
me rends à la Maison du Peuple de Saint-Gilles. J'ai déjà posté
sur ce blog une série de devinettes qui doivent tomber aujourd'hui et demain aux heures fatidiques (midi et 20h). J'ai par ailleurs retrouvé sur mon PC d'anciennes devinettes visuelles que je n'ai jamais mises en ligne, mais je n'arrive plus à savoir ce que je voulais dire en les créant (ah, le con !). Sinon, c'est sympa : Callys et Léandra ont relayé le lien du blog sur leur statut Facebook.


Quand j'arrive à la Maison du Peuple, Emily est déjà là, avec son PC portable. Ce café est vraiment devenu notre quartier général, notre call-center comme nous l'appelons parfois (c'est un peu ridicule, d'être tous là-bas avec nos ordinateurs). Léandra passe en coup de vent. Elle revient de chez le médecin (mon médecin traitant, en fait, que je lui ai conseillé, à raison semble-t-il). Il lui a donné une semaine de congé et elle doit faire une prise de sang car... elle a trop de tension (décidément, le cœur n'est pas notre point fort).

Je passe donc la soirée avec Emily (qui a dit : "Pour ne pas changer" ?). Elle a plus le moral aujourd'hui que ce week-end. Je repense à ma théorie sur le travail, même si ce n'est sans doute pas ça qui joue dans son cas : lorsqu'on reprend le boulot, après un week-end à "faire ce que l'on veut", on est forcément plus en forme car on voit plein de monde et on a la possibilité de s'immerger dans autre chose, dans la routine du travail... 

À la fin de la soirée, on s'amuse à créer un jeu de Pac-Man avec des morceaux de cartons pour symboliser les gommes, deux parties de sous-bock pour faire Pac-Man et une feuille de papier déchirée pour faire le fantôme. Emily s'occupera également du "Game over", sur un petit rectangle de papier. On imagine la gueule des serveurs. Vont-ils aimer notre création ? Ou vont-ils soupirer en voyant à nouveau tous ces petits morceaux de carton ? En tout cas, on a gardé une trace photographique du montage, au cas où...

Café, boss ?

Que raconter un dimanche ? Pas grand-chose, ça va aller très vite.

Je me couche vers 6 h 32 et je me réveille quatre heures plus tard. Je ne fais rien pendant une bonne partie de la journée, si ce n'est relire des Lucky Luke. Quand Goscinny est au scénario, cette bande dessinée de Morris est vraiment formidablement bien construite. Morris et Goscinny arrivent à mettre en cases des moments chargés d'humanité très difficiles à saisir, comme par exemple, dans Le Pied-Tendre, l'émotion très palpable de Lucky Luke face au testament de son vieil ami qui vient de décéder. Je n'ai pas la BD sous les yeux, mais de mémoire ça donne une séquence de ce genre : Luke lit le testament, roule une cigarette sans rien dire mais n'y arrive pas, faisant tomber le tabac. Le notaire touche son épaule et lui dit simplement : « Tu es ému, Luke ». Un autre grand « moment », relu également aujourd'hui : dans En remontant le Mississippi, Ned, « le meilleur et le plus menteur des pilotes du fleuve », boit café sur café, servi par Sam, son « fidèle verseur » (!), qui lui lance son sempiternel « Café, boss ? ».

* * *

Le soir, je me rends à la Maison du Peuple de Saint-Gilles avec mon ordinateur pourri mais le Wi-Fi ne fonctionne pas. Pas moyen de travailler sur mes devinettes visuelles. Tant pis, ça attendra. Emily me rejoint une heure plus tard environ, à l'improviste. Elle a mis son linge à la wasserette – tiens, je me rends compte en vérifiant l'orthographe que ce terme est belge – toute proche et l'a laissé tourner sans surveillance. La laverie en question constitue une expérience bobo du nom de « Wash & Web » : « Ne perdez pas votre temps », disent-ils sur un panneau, « surfez sur le Web ! » (le Wi-Fi est gratuit pour les utilisateurs des machines à laver). Pourquoi pas ?

Andrew nous rejoint un peu plus tard, au Verschueren. On termine la soirée à manger un couscous aux « Mille et une Nuits », rue de Moscou. La serveuse est sympathique, l'ambiance feutrée, les canapés confortables. Un des sujets de discussion : les cours d'éducation sexuelle à l'école. Je me rappelle ma dernière année de primaire, aux alentours de douze ans donc. Au premier semestre, nous avions eu droit à un cours de secourisme avec un certain Monsieur Mouton (si ma mémoire est bonne). Il nous a appris à faire des bandages complexes et à faire du bouche à bouche. Au dernier cours de l'année, il avait ainsi apporté un mannequin en plastique grandeur nature, sur lequel il fallait pratiquer à tour de rôle (oui, oui) le fameux bouche à bouche. Si on le faisait bien (autrement dit, si on arrivait à insuffler de l'air dans le mannequin), un petit voyant vert s'allumait ; si on le faisait mal, un voyant rouge. Je garde un souvenir très précis de Monsieur Mouton me disant, devant une classe hilare : « Bravo, c'est toi qui le fais le mieux dans cette classe ». Je n'ai jamais vraiment profité sur le moment de cette éphémère renommée (j'étais jeune et innocent).

Au second semestre, le secourisme était remplacé par des cours d'éducation sexuelle. La classe était mixte et les professeurs au nombre de deux (un homme et une femme). Les premières séances étaient consacrées aux questions. Chaque élève écrivait de manière anonyme sur un papier les interrogations qui lui passaient par la tête et plaçait le papier dans une urne. Puis, les professeurs sélectionnaient les questions, les reformulaient et y répondaient. Parmi les questions les plus marrantes : « Combien de litres de sperme a-t-on dans les testicules ? » ou encore « À quoi sert une érection ? ». Les heures suivantes étaient consacrées à décortiquer en long et en large, en plan de coupe et tout et tout, les appareils reproducteurs masculin et féminin. A priori, ça ne donnait pas trop envie, mais je me souviens tout de même d'un gars de ma classe, un peu « en avance sur le programme », lançant, excité, en cours de récréation : « Raaaah, j'ai envie de le faire, j'ai envie de le faire ! ». De bons souvenirs, ces cours (la géographie des corps, ça changeait des mathématiques).

Étranglement

Ce matin, j'émerge d'un cauchemar assez traumatisant : dans la salle à manger chez mes parents, je suis assis sur une chaise et Gaëlle, ma fille, s'amuse à mettre une corde autour de mon cou. La corde prend à quelque chose que je ne vois pas et commence à me tirer vers l'arrière, mais ma chaise reste droite. Je n'arrive plus du tout à respirer et je crie à Gaëlle, paniqué : "Coupe la corde, enlève ce truc qui la retient, je suis en train d'étouffer !" Mais Gaëlle ne comprend pas et ne fait rien. La pression de la corde finit par diminuer, je me libère, et je cours dans la salle de bain dire à mes parents : "Gaëlle a failli m'étrangler, sans le faire exprès !". Je me réveille à ce moment-là. Je pense que j'ai dû faire une apnée du sommeil. En tout cas, je suis fatigué et en sueur quand je me réveille, et j'ai vraiment une sensation d'étranglement.

La journée, je passe mon temps à faire diverses courses à différents endroits pour le souper que j'organise ce soir. J'apprends que Mary et un de ses potes viennent tout compte fait. On sera sept. C'est beaucoup. Je rachète donc des couverts, des verres et des assiettes et plus de vin pour ne pas être pris au dépourvu (je déteste ça), et je décide de ne faire qu'un gros plat de pâtes, sans entrée. Andrew s'occupe des zakouskis, Emily du dessert. J'espère qu'on aura assez à manger. J'apprends aussi, avant de me mettre à cuisiner, que Tom et Ophely sont désormais parents d'une petite fille.

Peu avant l'arrivée de mes invités, mes propriétaires passent à l'improviste (je les ai informés avant-hier d'un petit dégât dans une des pièces de l'appartement, dégât apparemment lié aux fortes pluies de ces dernières semaines), avec leur petite fille de... quel âge au fait ? Trois ans ? Peu importe. La petite fille me parle d'un bobo qu'elle s'est fait à la main, à cause d'un "méchant" morceau de verre. Mes proprios sont sympas. Je n'ai jamais vu, en plus de douze ans de location, des propriétaires aussi "réglos". Ils sont vraiment impressionnants à ce niveau. Ils ont à chaque fois l'air content d'avoir loué leur appartement à quelqu'un qui ne leur cause aucun problème (d'après eux, ce n'est pas toujours le cas, loin de là).


* * *


Il est six heures du matin. Comment résumer le souper chez moi, de manière concise ? 

Il y avait six invités.

Emily, que je n'ai jamais vue aussi... mélancolique ?
Andrew, que je n'ai jamais vu aussi... fatigué ?
Mary, qui était en forme.
Un copain à elle, Jerry, invité surprise de la soirée.
Walter.
Léandra, qui arrivera plus tard (à cause d'un ennui de train).

Que dire d'autre ? 

Jerry, que je vois pour la seconde fois, a de très bons goûts : il reconnaît directement les vinyles de Slint et de Low qui trônent dans mon salon ou dans ma salle à manger, il adore Sonic Youth et, quand on parle de séries télévisées, il cite The Wire comme une référence absolue. Il termine en ce moment ses études de "romane", avec un mémoire qui a pour thème les auteurs modernes sans œuvre, comme le surréaliste Jacques Vaché. J'aime bien ce gars.

Mary me ressort, en entendant Yo La Tengo, que son père a les mêmes goûts que moi en matière de musique, et aussi qu'il a dix fois ma collection de bandes dessinées (ça doit faire un peu moins de 10.000 BD, quel veinard !).

Walter voudra mettre sa musique à différents moments de la soirée, mais je répondrai toujours pas un "non" catégorique. 

Léandra revient de Namur. Elle devait y rencontrer un gars qu'elle n'avait jamais vu en chair et en os, mais ce dernier a décidé d'annuler, prétextant une surcharge de travail (ça sentait déjà le roussi hier). Quel con. Léandra n'a pas de bol, pour le moment. Elle a tout de même profité de son périple à Namur pour voir Maïté et Gaëlle, et les autres.

Andrew est vraiment à bout. Il lutte contre la fatigue et finira par s'en aller, pour happer le dernier tram. J'espère qu'il a réussi à se reposer un tant soit peu cette nuit.

Et Emily... Emily... Je ne l'ai jamais vue aussi mal en point. Elle a lutté contre ses fantômes toute la soirée et a fait du mieux qu'elle pouvait pour paraître en forme devant tout ce monde. Walter et elle sont restés jusqu'à très tard dans la nuit. Nous avons joué à quatre parties des "Colons de Catane". Walter, assez incroyablement, ne s'est rendu compte de rien. La fragilité d'Emily est touchante. Je ne sais pas quoi faire pour l'aider, et ça me rend triste, vraiment.

Mais de quoi parle "Melancholia" ?

J'avais d'abord pensé, comme titre de ce 26 août, à L'Apocalypse selon Lars mais de nombreux journalistes ont eu la même idée. Faut dire aussi que le jeu de mots est facile et donc tentant. Changement de programme et j'opte pour la question : "Mais de quoi parle Melancholia de Lars Von Trier ?". De fin du monde – une planète qui entre en collision avec la Terre et qui l'absorbe, détruisant toute vie – et de mélancolie – une des protagonistes, Justine, admirablement jouée par Kirsten Dunst, est atteinte d'une forme sévère de dépression. D'accord, mais encore ? 
Je me dis en passant que si Yama (ou toute autre personne aimant garder sa surprise intacte) lit ce texte, elle ferait bien d'arrêter dès ce paragraphe car la suite contient de méchants spoilers, autres que "à la fin, ils meurent" (ça, tout le monde le sait, quoique...).
Léandra, à la sortie de la séance dira, à raison, que ça parle de la vanité de tous les actes que nous posons dans la vie – vie par ailleurs profondément mauvaise d'après Justine – car, au bout du compte, tout est balayé et plus rien n'a d'importance... 
Bref, la mélancolie : l'incapacité de poser une action personnelle, liée au sentiment que tout est vain et se dirige inexorablement vers le grand néant. La mélancolie pourrait en ce sens être la forme suprême du réalisme, car tout effectivement se dirige vers le néant, à plus ou moins long terme. 

Andrew verra dans ce film de nombreux clins d'œil ironiques à d'autres œuvres. Ainsi la très belle ouverture de Melancholia, formée d'une série de "tableaux" oniriques en slow motion plus proches de Tarkovski que du Dogme95 et représentant, en dernier lieu, la planète Melancholia dévorant la Terre, constituerait l'exact inverse de celle de 2001, l'Odyssée de l'espace de Kubrick, montrant la création de l'Humanité. Dans la même logique, choisir Kiefer Sutherland (alias Jack Bauer dans 24 heures chrono) pour le rôle du scientiste confiant qui, se rendant compte de l'inéluctable, se suicide, devenant l'anti-sauveur par excellence, n'est sans doute pas le fruit du hasard.

Mais pourquoi avoir choisi un mariage comme première partie et l'avoir opposé à une seconde partie beaucoup plus calme et contemplative ? Pourquoi le golf, qui a 18 trous dans la première partie, a-t-il subitement 19 trous dans la deuxième ? Pourquoi le cheval de Justine refuse-t-il avec obstination de franchir le pont conduisant au village ? Pourquoi y a-t-il 678 haricots dans le bocal et comment Justine arrive-t-elle à les compter ? Pourquoi Justine prend-elle nue, un "bain de nuit" à la lueur de la planète ? J'ai lu plein d'articles à ce sujet, pour essayer de comprendre.
Certains articles font de ce film une daube monumentale. D'autres en font le nouveau chef-d'œuvre du siècle ou presque. Mais aucun ne répond vraiment à ma question d'origine : de quoi parle ce film ? Je finis néanmoins par tomber sur le Blog de Nicolinux et y trouve une série d'explications pertinentes données dans quelques uns des commentaires.

L'interprétation qui m'a le plus plu est la suivante car elle tient la route et répond à toutes mes questions. La première partie du film (intitulée Justine) est la réalité : celle du mariage de Justine et de sa lente destruction par la mariée elle-même... Justine a constamment la tête dans les étoiles. Il n'est pas question à un seul instant de la planète Melancholia, juste à deux reprises de l'étoile Antarès (une étoile surnommée ainsi depuis l'Antiquité car sa couleur rouge en faisait la "rivale" de Mars dans le ciel nocturne), qui sera occultée à la fin de la première partie. Mais occultée par quoi ?
La seconde partie du film (Claire) se détache de la réalité et se rapproche de la névrose : c'est la "réalité" vue par Justine-la-mélancolique, dans laquelle elle entraîne sa plus proche famille (sa sœur Claire, son beau-frère et son neveu). Tous les autres qui étaient présents au mariage (son père, sa mère, son mari, son patron...) sont partis, soit parce qu'ils seront "jetés" par Justine durant la soirée, soit parce qu'ils ne supportent plus ou ne savent pas faire face aux "humeurs" de celle-ci (par exemple, le père élude la dépression de sa fille par un humour puéril ; la mère par un cynisme déconcertant). Dans cette explication, Melancholia n'est pas une planète, c'est simplement la dépression de Justine. Quand la planète se rapproche, c'est la mélancolie de Justine qui s'aggrave ; quand la planète s'éloigne (car oui, elle s'éloigne à un moment, ce qui n'a pas de sens pour une planète de cette taille), c'est une petite rémission ; quand elle se rapproche à nouveau, c'est la descente aux enfers. Ce sont les dents de scie qu'affectionne mon amie Léandra mais en beaucoup plus grave. Lorsque la planète détruit tout, selon cette explication, elle ne détruit en fait rien du tout, si ce n'est Justine, qui se suicide à ce moment (c'est la raison pour laquelle elle sourit vers la fin du film : elle a décidé de son propre sort et en est heureuse), entraînant moralement (voire physiquement ?) avec elle sa famille proche. Cela explique à merveille le cut to black de la fin du film. Plus de musique, plus d'image : plus de réalité pour Justine, qui est morte. John, le mari de Claire, se suicide (mais se suicide-t-il vraiment ou est-ce la vision qu'en a Justine ?) avant la fin, car il ne supporte plus d'être impuissant face à la mélancolie de sa belle-sœur.

Enfin, les fameuses questions : pourquoi le golf a-t-il 19 trous dans la seconde partie du film ? Sans doute pour montrer le décalage de Justine par rapport à la réalité. Lors de la première partie, John lui demandera d'ailleurs combien de trous possède son golf (Justine répondra 18) : c'est en quelque sorte pour tester sa perception de la réalité, pour la ramener parmi les vivants. Pourquoi le cheval s'arrête-t-il au pont ? C'est une métaphore : Claire essaye de faire avancer Justine vers la guérison (les chevaux qui galopent) mais elle n'y arrive pas. Le cheval de Justine (sorte de psychopompe, symbolisant l'esprit de mort de la jeune femme ?) refuse de passer le pont. Plus tard, Claire voudra fuir au village, mais elle n'y arrivera pas : elle bloquera devant le pont. Pourquoi ? Parce qu'elle n'arrive pas à sortir de la spirale dans laquelle sa sœur l'a entraînée. Le pont, le village, c'est l'échappatoire. Tout le film se passe en huis-clos, sans information ou presque sur l'extérieur (si ce n'est une curieuse recherche sur le Web). On reste cloisonné dans une propriété coupée du monde (la dépression), dont le pont est la guérison (ou la fuite vers l'extérieur). Mais ce pont reste infranchissable. Justine qui arrive à compter tous les haricots mentalement ? C'est impossible : c'est encore un "rêve" de névrosée. Le bain de nuit, nue et calme, face à Melancholia ? C'est l'acceptation de son état d'esprit et également l'idée d'une fusion presque un acte sexuel, en fait de son corps avec la mort, symbolisée par la planète (le corps nu, sensuel : Eros ; Melancholia : Thanatos). Coïncidence marrante : hier, dans ce journal, en mentionnant l'éventualité d'avoir une relation sexuelle dans un cimetière, je réfléchissais déjà à cette opposition entre la mort et la vie.

Toutes les clés se trouvent en fait dès le début du film, dans la longue séquence d'introduction, remplie de symboles. Par exemple, cette scène où l'on voit Justine sous Melancholia, le petit garçon sous la Lune et Claire sous le soleil. Ce sont trois visions différentes du monde : une vision mélancolique, une lunaire et une solaire. D'ailleurs, le petit garçon, lunaire, est le seul personnage qui a réellement un point commun avec Justine. Le cheval qui s'écroule... Justine en robe de mariée retenue par des fils qui l'empêchent d'avancer... Etc., etc. Toutes ces scènes (y compris celle de la planète qui s'écrase sur la Terre) n'ont rien de réel, elles sont totalement oniriques et représentent la façon de penser, malade, de Justine.



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Voilà ! Je suis satisfait de mon explication et je vais enfin pouvoir dormir en paix. Je vais également pouvoir raconter brièvement le reste de ma journée de ce vendredi : à 12h45, j'ai rendez-vous avec Léandra pour manger une délicieuse ciabatta au thon. Durant la discussion, on aborde la question de nos devinettes visuelles et je décide de relancer ce projet fin de ce week-end sous la forme d'un blog. Beaucoup plus tard dans la soirée, Andrew aura l'air consterné quand je lui parlerai de ce format (il ne lâche pas un "pfff", mais ce n'est vraiment pas passé loin). Pourquoi encore un blog ? Pour pouvoir être lu par tout le monde, c'est tout. Après le dîner avec Léandra, je vais chez le coiffeur, mais quelle importance ?

Le soir donc, nous allons voir Melancholia de Lars Von Trier (voir plus haut). Peu avant, je me rends avec Emily au Bison pour boire un verre (et manger une portion de fromage/saucisses sèches). Nous rejoignons Léandra et Andrew directement au cinéma, à De Brouckère. Après le cinéma, nous mangeons au Metteko, où l'on discute du film. On se dit à un moment que Justine est une anti-Callys. Callys, c'est un pote qui voit toujours tout de manière extrêmement positive. J'aurais tendance à dire trop positive. Pour moi, il déforme totalement la réalité par un excès d'optimisme, de la même manière que Justine déforme totalement la réalité par excès de pessimisme. Et moi dans tout ça, je me situe où ?

Enfin, sans Léandra, on termine la soirée au Bon Vieux Temps. Je refuse d'aller à l'Imaige Nostre-Dame, sans donner la raison, mais Andrew a l'air de la connaître, en tout cas il me comprend (Andrew attache de l'importance à la symbolique du lieu, entre autres). Je ressemble aussi un peu à Léandra, sur ce coup-là, avec mes souvenirs qui refont surface.

Haut-le-cœur

En partant de la Maison du Peuple hier soir, je savais que je passerais une mauvaise nuit. Mes petits tiraillements dans le ventre se sont transformés en grosses nausées une fois dans mon lit. Impossible de les faire passer. En conséquence, je suis incapable de fermer l'œil jusqu'à 4h57 du matin. À ce moment précis, la nausée s'en est allée d'un seul coup et je me suis endormi comme une masse... pour me réveiller à 6h32, travail oblige.

Pour rendre la journée encore plus poilante, en plus d'avoir ce problème à la vésicule biliaire, j'ai le cœur qui bat n'importe comment tout le temps : il rate un battement toutes les minutes environ, à moins que ce ne soit l'inverse, à savoir un battement en trop ? J'attends constamment le cafouillage et ça me rend nerveux, ce qui empire encore plus la situation. Parfois, ce putain d'organe rate son battement "en rafale" et je me sens impuissant face à ce phénomène. Comment contrôler son cœur ? Je sais que c'est bénin et assez courant (j'ai ça depuis l'enfance). Toujours est-il que c'est très désagréable quand ça arrive durant toute la journée.

Léandra n'était pas non plus dans son assiette hier soir et j'apprendrai plus tard qu'Emily a eu beaucoup de mal à s'endormir également cette nuit. La crève, c'est communicatif apparemment.

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Je m'étais dit que je n'allais strictement rien faire ce soir, si ce n'est prendre un bain et lire dans mon lit. Cependant, Emily (qui devait normalement se reposer) me téléphone pour savoir si je compte faire quelque chose. Je réponds que non, mais que ce n'est pas exclu. Pas de concert aux Feeërieën aujourd'hui hélas. On décide donc d'aller simplement boire un verre à l'Atelier, un café dans le quartier de l'Université. Souvenir de l'époque où l'on commandait la carte entière (ou plutôt le panneau mural entier) en un mois à peine.

Walter est là aussi. Il ne va pas bien, à cause de son boulot, dans lequel il est grosso modo victime de harcèlement moral (ou bien simplement du "Syndrome du petit nouveau"). Il place dans la conversation des événements personnels qui lui tiennent à cœur. Quand nous parlons d'autre chose, il se réfugie dans son jeu de smartphone, non plus celui qui consiste à faire descendre une boule en évitant les obstacles mais l'autre, dont le but est au contraire de faire monter un bonhomme de plus en plus haut en sautant sur des plates-formes. Durant toute la soirée, Walter utilisera par ailleurs le terme "fucking" (équivalent du "blindé" de Mary) à toutes les sauces. C'est très comique. Exemple : "J'étais fucking pas content" pour dire "Je n'étais pas content du tout" (Mary aurait dit quant à elle : "J'étais pas contente blindée"). Ha, ces jeunes et leur langage... C'est trashitos, comme dirait Mary (mais où vont-ils chercher tout ça ?).

Emily n'est pas très en forme non plus. Elle ne sait pas ce qu'elle veut (je la cite texto). Va-t-elle se rendre à Charleville-Mézières avec Charles-Henri et ses potes, ce week-end ? Va-t-elle aller faire du camping toute seule (je lui conseille le Grand-Duché de Luxembourg, en passant) ? Va-t-elle seulement se reposer ? Mystère... En tout cas, une chose est certaine : le décès de son ami il y a un peu moins d'un an est encore très vivace dans sa mémoire (c'est compréhensible). J'aimerais tellement pouvoir l'aider mais je ne sais pas comment.

La soirée se termine à la Bécasse, sur le rond-point du Cimetière d'Ixelles, car mes deux amis ont faim. Question durant la conversation : est-ce un fantasme courant que de vouloir faire l'amour dans un cimetière, sur une tombe ? J'ai mon avis sur la question mais je suis le seul à penser ça, apparemment. C'est un symbole très fort en tout cas, car il témoigne de l'attrait des contraires : l'acte sexuel, un des absolus de la vie, versus la tombe, symbole du néant et de la mort.

Bigre, il faut que je dorme. Demain, j'ai pris congé et je vais manger avec Léandra sur le temps de midi (près de Rogier je suppose). La secrétaire à mon boulot m'a assuré ce matin que je disposais encore de six jours de congé jusqu'à la fin de l'année. Je ne vais pas la contredire.

La malédiction "Melancholia"

Les temps de midi à mon boulot sont autant d'occasions de discuter de sujets divers et variés. À l'arrivée de ma collègue Charlotte, absente le matin, qui contourne la table et fait poliment la bise à tout le monde en guise de salut, une interrogation me vient soudain à l'esprit (et ce n'est certes pas la première fois que je me la pose) : pourquoi se fait-on la bise quand on se dit bonjour ou au revoir ? Le geste n'est pas du tout universel et change profondément de signification selon les pays. Parfois, l'idée même de s'embrasser est absente culturellement. En Belgique, la bise est très courante, même dans le milieu professionnel : je fais la bise à mes collègues et à mon directeur et il ne me viendrait pas à l'esprit de leur serrer la main. J'ai déjà remarqué que c'était beaucoup moins naturel chez certains Français par exemple, du moins entre hommes, même entre amis proches parfois. Pour compliquer la chose, il y a des dizaines de façon d'embrasser amicalement et chaque personne possède ses tics propres, sa propre gestuelle. Certains prennent leur distance en présentant leur menton, d'autres au contraire embrassent très proche de la bouche (j'ai en tête une série d'exemples pour les deux cas). Bref, c'est un sujet passionnant, contre tout attente.

Toutes ces réflexions s'entremêlent rapidement dans mon cerveau, plus ou moins dans cet ordre, et je finis par dire tout haut que s'embrasser sur la joue en faisant un "smoutch" plus ou moins bruyant n'a pas beaucoup de sens et qu'on applique cette coutume simplement parce qu'on nous l'a apprise depuis notre plus tendre enfance. C'est une norme sociale très ancrée, une des plus habituelles de notre vie. 
Pourquoi une bise ? On montre par là qu'on accepte le contact corporel, qu'on est amical envers l'interlocuteur et qu'on le considère comme plus ou moins proche... Mais après ? Y a-t-il d'autres explications ? Intervention d'une collègue, Sylvette : "Mais pourquoi faut-il toujours que tu te poses des questions pareilles ?". Ben je sais pas... Heureusement, on n'a pas parlé de l'autre baiser, le baiser amoureux. Celui-là est sans doute plus complexe encore, car il est forcément plus chargé d'émotions. Cela dit, il sous-tend la même question : pourquoi fait-on cela ? Et pourquoi sa pratique est-elle excitante en elle-même ? C'est un débat que je lancerai une autre fois.

Un autre sujet de conversation : la haine viscérale que mon collègue Aurèle et moi-même vouons à Queen. Je suis bien content d'avoir parmi mes collègues quelqu'un, musicien de surcroît, qui déteste la musique de ce groupe : je me sens moins seul. "Bohemian Rhapsody" est à mes yeux la plus ignoble création musicale de tous les temps, pire encore qu'une chanson de Florent Pagny (c'est dire !). Notre collègue Sylvette adore Queen. Ça nous est égal, évidemment (chacun ses goûts) mais vu que c'est un sujet sensible, on en rajoute une couche, voire plusieurs. Je me dis que c'est à ce moment que je suis le plus naturel : quand je me fous (gentiment) de la poire des gens. Je devrais creuser ce type de contacts, ça crée des liens insoupçonnés.

Courant de l'après-midi, je reçois un coup de fil de Lewis. Il a eu deux semaines de travail intense et se retrouve seul ce week-end, sans rien à faire. Je comprends son désarroi : quand on abat du boulot, on n'a pas le temps de se sentir seul, on est entraîné dans une routine. Une fois seul, sans rien à faire, l'introspection revient au galop. Lewis me parle également de son anniversaire, qui a lieu demain : non pas son vrai anniversaire en janvier, mais son anniversaire tel qu'il a l'habitude de le fêter depuis sa petite enfance : le 25 août, jour de la Saint-Lewis. Je trouve ça original voire curieux, mais je ne commente pas.

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Ce soir, deuxième tentative pour aller voir Melancholia de Lars Von Trier au cinéma, mais nous reportons à nouveau. Aujourd'hui, ce n'est pas moi qui ai un empêchement mais Andrew. Une malédiction pèse sur ce film. Conséquence : Léandra, Emily et moi remplaçons le cinéma par... un verre à la Maison du Peuple de Saint-Gilles (on ne change pas les habitudes).

Aujourd'hui, j'ai acheté un cahier, pour noter les événements et les discussions de la journée. Il m'est en effet assez difficile de me souvenir des conversations de café. La preuve encore aujourd'hui : on a parlé de tellement de choses différentes que je ne me rappelle pas de l'évolution de la conversation. J'ai donc bien fait de noter quelques mots-clés dans ce nouveau cahier.

Ainsi, parmi les questions posées et notées, celle du cursus scolaire. En Belgique, dans la plupart des cas, c'est facile à comprendre : il y 3 années maternelles (de la première à troisième), 6 années primaires (de la première à la sixième) et 6 années secondaires (de la première à la sixième aussi). En France, c'est vachement plus compliqué : à l'école élémentaire, déjà, les petits Français ont droit aux CP, CE1, CE2, CM1, CM2, puis, au collège et au lycée, à un curieux compte à rebours : ils commencent par la sixième et finissent par la première et enfin la terminale. Question : pourquoi compte-t-on à l'envers ? Il est trop tard pour que je cherche la solution aujourd'hui.

On parle aussi de Lewis et de sa fête "anniversaire" le jour de la Saint-Lewis (voir plus haut). Emily raconte que dans sa famille, ses grands-parents préfèrent qu'un nouveau-né porte le prénom d'un saint existant au calendrier, pour qu'il ait sa fête propre. Du coup, je stresse et me demande quel aurait été mon prénom si mes parents avaient décidé de me nommer selon le saint du jour de ma naissance. Résultat : Guillaume ! Amusant : c'est le prénom que mes parents voulaient me donner au départ, avant de choisir Hamilton ; c'est aussi le prénom que j'aurais voulu donner à mon enfant s'il avait été un garçon !

J'essaye de m'endormir mais la chose va encore prendre du temps : depuis une semaine, la nuit, mon cœur joue aux extrasystoles en rafale et, sans raison, bat la chamade. Je pense si souvent à toi que ma raison en chavire ; comme feraient des barques bleues et même les plus grands navires... Oui, je déteste Queen, mais j'adore Julien Clerc, c'est comme ça.

Féerie canadienne

Hier, j'étais tellement fatigué (je le suis encore d'ailleurs) que je n'ai pas pris la peine d'écrire ce qui s'est passé après mon week-end à Hanzinne... J'étais un peu déconnecté du "monde réel" là-bas (à moins que ce ne soit l'inverse ?), à me ridiculiser à la pétanque ou à jouer à Time's Up jusqu'à trois heures du matin dans les vapeurs de Marijane et d'alcool. Le retour à la capitale est un peu triste. Forcément. J'avais presque oublié durant ces trois jours à la campagne qu'il existait une ville remplie de citadins énervés et énervants s'engouffrant dans les trams et les métros comme si leur vie dépendait de l'obligation absolue d'être le premier à l'intérieur.

Bref, toujours est-il que ce lundi, j'ai revu à la Maison du Peuple une Léandra à l'humeur joyeuse (cette phrase n'est pas ironique). Ce sont là les bienfaits d'un week-end musical et de nouvelles rencontres. En fait, Léandra est en forme quand elle sait que des gens s'intéressent à elle et totalement déprimée quand elle croit que personne ne l'aime. Léandra rentre tôt chez elle. Je reste à peine cinq minutes tout seul à la Maison du Peuple avant que n'arrive Mary, revenant du badminton. Mary est contente de me voir. Elle me parle de ses sujets habituels ("T'as personne en vue pour le moment ?", "Tu devrais être plus avenant, faire comprendre que tu tiens réellement aux gens", etc.). Mary veut toujours bien faire, mais elle ne me changera pas.

Voilà pour la fin de soirée de lundi, en résumé.

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Ce mardi soir, après le boulot, je me rends au double concert de Murder et de Timber Timbre, qui a lieu au Parc de Bruxelles, dans le cadre des "Feeërieën" organisées par l'Ancienne Belgique. Comme j'aime bien les choses nettes et les saines compartimentations, j'ai décidé de chroniquer le concert en tant que tel sur le blog adéquat. Je n'en parlerai donc plus ici.

Pour ce spectacle, j'ai rendez-vous avec Emily. Depuis que je suis parti du boulot, je cours comme un malade pour être là le plus vite possible. La météo étant étouffante, il fallait absolument que je prenne un bain et que je me change avant le concert. Je rejoins Emily vers 20 heures. Elle est en train de discuter avec un Canadien anglophone assis sur un des bancs juste devant la scène. Le type est un peu paumé. Il revient d'Italie, est de passage à Bruxelles et repart le lendemain vers Paris. Il a envie de discuter. Je croyais qu'il venait pour voir les concerts mais il s'en va assez vite, avant même l'arrivée de Timber Timbre.


Au loin, sur un autre banc, j'aperçois Claudine, l'Allemande aux longs cheveux roux, assez réservée, que j'ai croisée au gîte ce week-end. Je ne vais pas lui parler. Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire de toute façon ? ("Bonjour, ça va ?", peut-être, tout simplement ?)

Mary est là aussi. Elle adore Timber Timbre, qu'elle a découvert grâce à son père (ce dernier a, paraît-il, "les mêmes goûts que moi"). Elle est accompagnée de deux de ses potes : un gars du nom de Jerry ainsi que son fameux meilleur ami Bob, dont elle m'a déjà parlé (un petit blond barbu et assez marrant).

Emily a faim. Il faut qu'elle mange. N'ayant rien trouvé sur place, elle décide d'aller chercher un kebab du côté du Botanique. Emily partie, Mary me parle pendant 10 minutes de mon aspect extérieur, qu'elle trouve trop froid. Elle me dit que j'aurais dû accompagner Emily, que ç'aurait été sympa, qu'il faudrait que je fasse plus attention aux autres, que je suis un "idiot musicophile" car c'est plus important d'accompagner quelqu'un que d'attendre bêtement seul sur un banc. Je lui ai sorti un truc du style : "Oh, arrête de m'énerver, je suis comme je suis. Point. Et puis, Emily est débrouillarde et n'aime pas spécialement qu'on soit constamment dans ses pattes".

Mary attendra sur le banc avec moi jusqu'au retour de cette dernière, mettant ainsi elle-même en pratique ce qu'elle venait de me dire. Emily n'a pas trouvé de kebab et revient avec une pizza Hut forestière. J'en mange une partie. Ça me fait mal de me dire ça, mais la pizza n'est pas mauvaise. On regarde la fin du concert debout, une bière en main.

La fin de la soirée se termine dans une taverne très désagréable : le Magic Rubens. Je n'y mettrai plus jamais les pieds. Un des serveurs est un petit excité de cinquante balais environ, qui se croit drôle, qui drague tout ce qui passe et qui n'est en fait pas du tout sympathique : il refusera obstinément que mes amis prennent des frites en terrasse alors que leur cuisine ne fait plus à manger à cette heure-là (ça, à la limite, je peux encore comprendre) et engueulera Emily parce qu'elle a osé poser sa jambe sur un siège (elle a une entorse) : "Directive de la direction". La direction, je l'emmerde. 
Mary veut aller manger des frites. Il est minuit. Emily est censée gentiment me ramener chez moi en voiture mais je ne tiens plus debout. Je décide donc de dire au revoir à tout le monde et de happer le dernier tram à la Bourse. Fin de la féerie.

Une auberge espagnole... (week-end à Hanzinne #3)

Enfin, les personnes. Amy et Zapata ont invité beaucoup de monde, et beaucoup de mondeétait là, surtout le week-end. Dans ceux que je connaissais déjà, il y a Flippo et son colocataire... Durant la première soirée, je me suis mis d'accord avec le premier pour repartir au Canada en septembre 2012. Et Flippo a même eu l'idée (très bonne) d'éventuellement créer un compte commun pour organiser le voyage. Il y a aussi des amies d'Amy, dont Yama, avec qui j'ai parlé de ce blog et dont je parle parfois dans ce blog (notamment dans cette phrase, bonjour la mise en abyme). Pietro, venu en moto. Fafa, le copain de jeunesse de Zapata, accompagné de sa copine, du fils de cette dernière (11 ans) et d'un petit chien ridicule. Les amis "anars" de Zapata. Pippa (une amie de Léandra, tiens) et son compagnon. Les "trois Allemandes". J'en connaissais déjà deux : Claudine et Veronika. Comme à chaque fois, lors des présentations, elles ne se souviennent pas de moi (pour ma part, je sais où je les ai vues la première fois : c'était à un concert chez "Coiffure Liliane", il y a plus de trois ans). Et puis, il y a ceux que je n'avais jamais vus... Un gars qui ressemble très fort à Lyric : un Français (Normand je crois), copain du coloc de Flippo, très grand, franc et direct, avec beaucoup de répartie. Il se foutra gentiment de ma gueule à la pétanque : c'est dit tellement franchement et gentiment que ça ne me choque pas... Un autre qui se vante de rouler très vite sur l'autoroute, qui est venu avec son iPad dernier cri et son couteau Victorinox marqué-à-son-prénom-qu'il-a-fait-venir-de-Suisse-s'il-vous-plaît. Etc. Etc.
Après trois jours là-bas, à jouer la pétanque, au Frisbee ou au badminton en pleine chaleur, je me retrouve avec d'énormes coups de soleil qui font un peu mal. Ce n'est pas grave. Au moins, ça me permettra de me souvenir qu'il faisait beau, qu'on était libres et que je ne me suis pas emmerdé une seule seconde.