Je sors de mon vieux train en correspondance, dans la banlieue de Liège. Marchant vers le boulot, je tique : « Ne me manque-t-il pas quelque chose ? » — Oh non ! Ma grosse valise avec mes vêtements sales de la semaine et mon vieil ordinateur ! Je ne l'ai pas avec moi, je l'ai oubliée ! — Je fais demi-tour pour tenter de la récupérer puis je me rends compte du ridicule de la manœuvre : l'objet est resté dans le train en gare de Liège-Guillemins, forcément ; il est déjà loin désormais !
Arrivé au travail, je remplis en vitesse et sans trop y croire le formulaire de déclaration de perte, sur le site Web de la SNCB. Une pensée me traverse soudain l'esprit : si jamais quelqu'un a pris ma valise et s'amuse à allumer, malgré son triste état de déliquescence, le vieil ordinateur qui s'y trouve, il risque de tomber sur pas mal de trucs personnels ; et si c'est un lecteur assidu de Schopenhauer, il risque même de penser que je suis complètement obnubilé par « l'amour sexuel ». — Il aura raison, mais c'est tout de même un peu gênant !
Par la suite, je n'ai plus le temps de penser à tout cela. Je me replonge dans le travail. La plupart des collègues s'en vont sur le temps de midi (le vendredi, nous ne devons normalement prester qu'une demi-journée). Seuls restent Charlotte, Lodewijk et moi. Quand je quitte le bureau, vers 18 heures, ces deux-là sont toujours penchés devant leur écran d'ordinateur... — Bigre, je pense que nous serons tous les trois soulagés quand ce gros projet sera derrière nous !
Au retour chez mes parents, je suis lessivé. L'histoire de la valise, la masse de travail... Je me rends compte que je n'ai même pas pris le temps de manger de la journée ! — C'est dans pareil cas qu'une bonne bière trappiste est salutaire. Elle passe d'autant mieux que je n'en bois quasiment plus. C'est vrai : parfois, la tempérance a du bon ; modérer les petits plaisirs de l'existence, c'est aussi mieux y goûter — et ce sera, déjà, le mot de la fin !