Un coup de dés, etc.

Hem...
Ça suffit.
Gaëlle est fan...
Mais faut pas exagérer.
J'ai d'autres sujets à traiter.
Bref : pas de Spelunky aujourd'hui.

Quand je rends ma fille à Maïté, il est 16h26.
Après, je m'assieds à la terrasse d'un café pour écrire.
Léandra arrive et, avec Andrew, nous décidons d'aller au Potemkine.
Le Potemkine : là où coule la répugnante Volga et passe l'insouciante musique made in sixties des bobos heureux et fiers de l'être... Bah !
Arrivés en terrasse, nous assistons aux toutes dernières minutes du concert d'un groupe de free-jazz (?). Un peu plus tard, à la sono : encore et toujours "I Heard It Through The Grapevine", mais dans une version alternative, chantée par The Slits, un éphémère groupe punk majoritairement féminin qui a officié au tournant des années 70 et 80. Pourquoi pas ? Cette version est éminemment sympathique.

Comme tous les dimanches, sans raison (ou peut-être parce que je sais que je n'aurai rien d'autre à raconter), je note pour plus tard quelques sujets de conversation. La mémoire (ma mémoire surtout) est ainsi faite : sans note, impossible de retrouver le moindre thème abordé durant une soirée. Par contre, à l'aide de notes lacunaires – quelques rares mots-clés gribouillés ou encodés –, tout un pan de la conversation me revient d'un seul coup. Ça fonctionne de la même façon pour les rêves : il me faut une simple clé d'entrée (une ID, dirait-on dans le monde des bases de données), un mot-souvenir qui, une fois invoqué, éclairera cette minuscule zone de souvenirs située sur la gigantesque face cachée de ma mémoire. Nous n'oublions rien : nous enfouissons, simplement.

* * *


Durant la discussion, Andrew mentionne à nouveau la conjecture de Poincaré... Il la remet de temps en temps sur le tapis, celle-là, car c'est passionnant. Passionnant non pas à cause de la conjecture en elle-même (quoique !) mais surtout en raison du mathématicien russe qui en 2002-2003 a démontré son exactitude : Grigori Perelman.

Cette conjecture (une conjecture : une affirmation mathématique qui n'a pas encore été démontrée), formulée pour la première fois par le mathématicien français Henri Poincaré en 1904 (merci Wikipédia), est la suivante : "Soit une variété compacte V simplement connexe, à 3 dimensions, sans bord. Alors V est homéomorphe à une hypersphère de dimension 3". Je n'ai même pas envie de définir le moindre terme de cette conjecture, tant j'ai la trouille de me planter lamentablement la gueule dans ce domaine que je ne maîtrise absolument pas.

Donc Grigori Perelman a démontré la conjecture de Poincaré (qui n'en est plus vraiment une, du coup). En 2006, pour couronner ses travaux, Perelman est nommé lauréat de la médaille Fields, une des plus hautes distinctions dans le domaine des mathématiques, attribuée tous les quatre ans par l'Union mathématique internationale à quelques "jeunes" mathématiciens de moins de quarante ans. Perelman refuse la médaille (c'est le seul à l'avoir déclinée depuis la création du prix, en 1936). Plus fou encore : plus tard, en 2010, le mathématicien refusera le prix Clay. Décerné par le Clay Mathematics Institute, ce prix récompense d'un million de dollars la première personne qui arrivera à démontrer un problème mathématique complexe. Sur une liste de sept problèmes, seule la conjecture de Poincaré a été démontrée et Perelman a donc refusé la récompense. Dans une rarissime interview parue dans le tabloïde  Komsomolskaïa Pravda (Комсомо́льская пра́вда), le génie reclus dans un petit appartement de Saint-Petersbourg explique comment il a trouvé la solution de la conjecture (à savoir grâce au fait que dès sa jeunesse, il a essayé de trouver des réponses à des questions complexes, du genre : calculer la vitesse à laquelle aurait dû marcher Jésus Christ sur l'eau afin de ne pas tomber dedans, oui, oui !) et pourquoi il a refusé le prix ("Je sais comment gouverner l'Univers. Pourquoi devrais-je courir après un million ?") : c'est entre autres expliqué ici. Ce gars me fait penser à un autre génie, des échecs cette fois-ci : Bobby Fischer. Un type hors norme, à la logique différente, refusant lui aussi des sommes astronomiques (par simple caprice), annulant des tournois, disparaissant de la circulation... Mais ceci est une autre histoire.

* * *
De son côté, Léandra chante. Enfin, pas toujours. Juste un morceau en fait : "Octobre" de Francis Cabrel. Une des chansons préférées de ma mère – normal car c'est aussi son mois préféré –, une de celle qu'elle voudrait à son enterrement (enfin, je crois). J'adore également le mois d'octobre pour ses couleurs, ses odeurs... Léandra dira – et je suis fondamentalement d'accord avec elle, mais pas Andrew – que seul le mois de novembre est horrible : il est moche, froid, venteux et sans aucune magie... En tout cas, pour le moment, octobre ne ressemble absolument pas au mois d'octobre de l'ami Francis : pas de feuilles partout, pas de nuages pris aux antennes, pas d'écharpes pour deux...
Autre sujet de discussion, lancé par Léandra : l'anniversaire prochain de Jonas. Jonas est informaticien et est né un 10.10 : un nombre "binaire". De mon côté, je suis né un 10.01 : un nombre binaire aussi. Question : combien de jours de l'année sont binaires ? Facile : seuls les mois de janvier (01), octobre (10) et novembre (11) peuvent concourir. Pour les jours, c'est seulement le cas des 01, 10 et 11 aussi... Conclusion : 9 jours sur 365 ne sont pas hors-jeu : ça fait un peu moins d'une chance sur 40 de tomber juste. C'est pas mal je trouve... Par contre, si l'on ajoute les années à la donne, il va falloir attendre longtemps avant de voir la naissance d'un "bébé binaire", à savoir l'année 10000 après Jésus-Christ. Entre 1111 et 10000, un "grand vide binaire" s'étale dans toute sa splendeur, à moins de calculer avec un autre calendrier que le calendrier chrétien ou bien de tricher et de ne compter que les deux derniers chiffres de l'année (dans ce cas, 2011 fonctionne mais c'est le dernier avant 2100)...
Une dernière question : pourquoi la plupart des célibataires (éventuellement frustrés) d'Adopteunmec.com, le site de rencontre préféré de Léandra, sont-ils des inconditionnels de Dune de Frank Herbert ? Exemple : un des derniers en date que Léandra a rencontré virtuellement a pour surnom... Duncan Idaho ! Léandra ne savait même pas qui c'était avant que je ne le lui dise ! M'enfin ! Duncan Idaho : le fidèle lieutenant de la Maison des Atréides, celui qui bloquera la route aux Harkonnens assez longtemps pour que Paul et sa mère puissent s'enfuir dans le désert ! Hum... Peu importe. J'en suis arrivé à une théorie beaucoup plus générale : lire Dune nuit gravement à la vie conjugale. Pire : les fans de Dune sont destinés à être des éternels célibataires. En fait, je suis bien conscient que c'est souvent exactement l'inverse : ceux qui lisent ce genre de romans sont déjà dans un monde à part et le fait qu'ils aiment Dune n'est qu'un révélateur parmi d'autres d'une forme de rêverie, voire d'échappatoire...

Un peu comme la fantasy, le rock, les bandes dessinées, les jeux vidéo ou encore l'astronomie...

* * *
Avec tout cela, je n'aurai même pas mentionné le fameux poème de Mallarmé.
À la suite d'une phrase de Vincent le jour où nous l'avons rencontré,
Andrew a eu l'idée de retrouver une vieille édition du poème
D'après Andrew, ce poème typographique
échappe à toute vaine tentative
de compréhension frontale.
C'est mieux ainsi,
sans doute.
Non ?

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