"Ooooh, mais moi j'voulais un robot !"

Comme presque tous les vendredis après-midi, je me rends à Namur en train, pour aller chercher ma fille à l'école. Dans le wagon, je lis Wittgenstein pour me la péter grave mais tout le monde s'en fout (bien fait pour ta gueule !). De toute façon, en toute franchise, je ne pige pas le tiers de ce qui est écrit dans ce livre. Ludwig avait raison : son Tractatus n'a peut-être pour vocation que de n'être compris que par ceux qui ont déjà pensé par eux-mêmes les pensées qui y sont exprimées... En tout cas, je me sens bête, mais alors bête... Une phrase a néanmoins retenu mon attention, entre deux incompréhensions :

"4.002 – (...) La langue déguise la pensée. Et de telle manière que l'on ne peut, d'après la forme extérieure du vêtement, découvrir la forme de la pensée qu'il habille ; car la forme extérieure du vêtement est modelée à de tout autres fins qu'à celle de faire connaître la forme du corps. (...)"

Comme c'est joliment dit !

 * * *


Appuyé contre la grille de la cour de récréation, je vois ma fille mais elle ne me voit pas. Elle joue avec deux de ses copains. Sur un des bancs circulaires entourant un arbre de la cour, elle a la tête à l'envers ; un des deux garçons passe derrière elle et lui abaisse le pantalon et la culotte (m'enfin !). Elle n'a pas l'air de s'en formaliser. Une fois son pantalon remis, elle prend avec le même petit garçon de drôles de positions que seule l'innocence propre à leur jeune âge ne rend pas obscènes... Mais quand même : ça me frappe. Vu qu'elle ne se rend toujours pas compte de ma présence, je finis par aller la chercher moi-même dans la cour.

Une dame m'arrête à la sortie : "Hé, vous êtes son père ?". Durant un bref instant, je pense avoir de nouveau affaire à une hystérique qui me prend pour un kidnappeur d'enfants, mais non : la dame me demande simplement si je suis le papa de Gaëlle parce qu'elle a vécu dans la même maison que son grand-père et qu'elle a vu naître Maïté. Elle voudrait revoir cette dernière et me demande si c'est elle qui vient la chercher à l'école d'habitude. Je lui sors un truc du genre : "Euh, j'en sais rien, c'est mon ex, et je ne lui parle quasiment plus...".

Sur le chemin menant à la gare, j'essaie d'expliquer à Gaëlle quel sera son cadeau d'anniversaire (à savoir Disneyland® Paris) : 
– Ce ne sera pas un objet, plutôt un truc impalpable.
– Un robot ?
– Non, ce ne sera pas un objet. On ira dans un lieu particulier.
– C'est quoi un "lieu" ?
– Un endroit où l'on va aller, la semaine prochaine.
– (Triste) Ooooh, mais moi j'voulais un robot ! J'voulais un cadeau !
– Mais c'est un cadeau ! Un peu comme si tu te promenais dans un rêve...
– Dans un rêve ? C'est vrai ? Et y aura des Schtroumpfs ?
– Euh... Non, pas de Schtroumpfs mais y aura Alice, Peter Pan, des pirates...
– Des pirates, c'est vrai ? Des gentils ou des méchants ?
– Des gentils et des méchants pirates.
– Il ne faudra pas oublier de prendre des trucs pour se défendre alors !
(Ouais, on prendra un sabre d'abordage et aussi du Motilium® contre la nausée Disney.)

* * *

Chez mes parents, je montre à Gaëlle sur mon PC un jeu téléchargé il y a deux semaines rien que pour elle. Ça s'appelle Crayon Physics Deluxe et ça a gagné, dans sa version initiale, le Grand prix 2008 de l'Independent Games Festival. Le but ? Sur un décor tout simple fait de papier et de dessins enfantins, créer à l'aide d'un crayon de couleur une machine permettant à une balle de toucher une étoile. On est libre de dessiner ce que l'on veut et tous les dessins respectent les lois fondamentales de la physique : pesanteur, force centrifuge, effet de levier, etc. Mais une vidéo vaut mieux qu'un long discours :


Gaëlle me dit, après à peine cinq minutes de jeu : "En fait, je préfère te regarder jouer à Spelunky !". Diantre !

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