« Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Bible ! »

1— Je me réveille un peu avant deux heures de l'après-midi. J'ouvre la porte de ma chambre en coup de vent. Léandra est encore là, dans la salle à manger, et sursaute : « Ha ! T'es enfin réveillé ! À un moment, j'ai cru que tu ne te réveillerais plus jamais ! Ensuite, je t'ai entendu ronfler et ça m'a rassurée ! » Elle est sur le point de rentrer chez elle et vient à l'instant de m'écrire un message dans lequel elle raconte avoir lu en entier ce matin ABC contre Poirot d'Agatha Christie. Ça se lit très vite, ces machins... et ça doit lui changer de Simone de Beauvoir !
Léandra semble un peu confuse. Elle me dit « À demain ! », alors que nous n'avons pas prévu de nous voir ce dimanche, puis s'en va... Peut-être a-t-elle cru pendant un instant qu'elle était réellement en train de parler à un mort ? (Métaphoriquement parlant, elle ne serait pas si loin de la vérité après tout.)

2— En gare de Charleroi, le train vers Namur accuse un très gros retard. Sur le même banc que moi, attendant le même train, un groupe de chrétiens (un jeune Noir et une dizaine de femmes âgées) revient d'une « conférence » et discute de la Résurrection. L'homme, tenant solennellement en main une petite Bible — en guise de preuve semble-t-il —, fait référence à Matthieu [28:1-2] : « Quand elles vont voir le tombeau, il y a un grand tremblement de terre et un ange apparaît ! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Bible ! »
Mais les femmes commencent à émettre des hypothèses encore plus farfelues que les siennes, hypothèses qui seraient presque de l'ordre du blasphème aux yeux de Notre Sainte Mère l'Église Catholique Romaine : « Ouiiii, il paraît qu'il y avait beaucoup de tremblements de terre à l'époque dans cette région et que c'est pour ça que certains habitants ont cru voir des corps humains morts et enterrés s'élevant dans les airs ! » L'homme fait de grands yeux et feuillette rapidement son livre de référence : « Non, non, ça, c'est autre chose, c'est [Luc, 24:51] : "Comme il les bénissait, il se sépara d'eux et fut emporté au Ciel" ! Aucun rapport avec un tremblement de terre, non, non... » Une des femmes : « Ha bon ? Ha ben moi je croyais, hihihi ! »

3— Gaëlle reçoit son dernier bulletin avant les grandes vacances. À son évaluation de fin d'année, elle obtient 99% en français et 99% en mathématiques. Le niveau de la première a dû fameusement baisser pour qu'une institutrice donne 99% à une fillette de presque sept ans qui ne sait pas lire sans buter sur chaque syllabe... Mais passons ! Je lui dis, pince-sans-rire : « Mouais, c'est pas mal... N'empêche, tu aurais pu faire 100% ! » Je pourrais passer pour le pire des cyniques, mais c'est sans compter sur le fait que ma fille a fini par comprendre, après quelques années passées en ma compagnie, que c'était une forme d'humour noir... Enfin je crois... Euh... Tout compte fait,  je finis tout de même par la féliciter réellement, sans aucune ironie.

Afin de récompenser Gaëlle pour ses très bons résultats, mon père lui a acheté un gros « Zooble ». Celui-ci ne se replie pas sur lui-même mais contient néanmoins de nombreux artifices, comme des cheveux amovibles et un coffre à l'arrière de sa tête. — Un trésor d'ingénierie et de marketing, que je disais !
4— Cette nuit, je renverse une bouteille de Westmalle triple sur... le clavier externe qui me sert actuellement de clavier de substitution en attendant que je prenne le temps de remplacer le clavier interne du portable sur lequel j'ai — simple rappel — renversé du Caffè Latte Vanilla. Heureusement, celui-là est water resistant et donc, par extension, également beer resistant.

Il serait éminemment comique que je fasse un jour une liste non exhaustive de tous ces objets et personnes sur lesquels j'ai renversé une boisson : mon plus grand moment de solitude fut sans doute cet instant mémorable où j'ai balancé par inadvertance l'entièreté de mon verre de Leffe blonde sur un pote qui n'avait rien demandé... Heureusement, si l'on en croit Zénon d'Élée, tout mouvement est une illusion, donc cette bière n'a en fait jamais atteint le visage de sa cible. (Mais oui, mais oui...)

5Il semblerait que ce journal prenne un nouveau tournant... Car je pense en ce moment que plus une description est courte, meilleure elle est. Une idée : pour chaque article quotidien, ne plus écrire qu'un seul mot, choisi de manière extrêmement minutieuse, qui donnerait la couleur exacte de la journée. Des années plus tard, je relirais ce mot et, tout comme pour la fameuse madeleine, celui-ci remonterait à la surface de ma mémoire mon humeur passée... — Mais ce serait de la triche et d'aucuns percevraient cette façon d'écrire comme de la fainéantise pure et simple de ma part !

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