Jokari

Jokari humain. — Dormi trois heures cette nuit. Dans le train du matin qui m'amène au boulot, d'étranges réflexions sur moi-même, en rapport avec la musique que j'écoute pendant le trajet. Ces réflexions constituent une remise en question de ce que j'écrivais il y a à peine une semaine dans ce post (à savoir l'idée selon laquelle je ne peux réellement évoluer qu'en parcourant — en m'accaparant presque — des idées qui me sont étrangères, des pensées qui ne m'appartiennent pas).

Dans le train, je réécoute pour la je ne sais quantième fois Will Odlham, alias Bonnie « Prince » Billy, et je me dis que, quel que soit le chemin que j'emprunte, j'en reviens toujours à ce que j'aime, à ma tradition. Bien sûr, je peux m'aventurer sur les routes sinueuses de l'electronica ou du rock expérimental, mais ce qui me fait réellement vibrer, ce sont les racines américaines : le blues, la musique folk ou country — eh oui !

C'est la même chose en ce qui concerne mes lectures : pour le moment, Wittgenstein, Schopenhauer, Kierkegaard font partie de mon quotidien mais je suis presque certain que je retournerai un jour ou l'autre à mes histoires de « vaisseaux spatiaux et de robots » (façon péjorative de désigner la science-fiction, déjà entendue ici et là), parce que ce sont ces histoires qui me font vibrer.

Je suis une balle de jokari : j'ai beau m'éloigner de mon centre de temps en temps, je finis toujours par y revenir, inexorablement.

Prisonnier du temps. — Non, ce n'est pas le titre d'un roman de science-fiction (même si ce roman existe — un roman de Michael Crichton, pas lu) : il s'agit de la suite de la réflexion matinale. J'ai laissé toutes ces pensées se développer en roue libre et une demi-heure plus tard, avant d'arriver en gare de Liège, j'en viens à me dire que je suis prisonnier du temps, et que la majeure partie de l'humanité l'est.

Il est extrêmement difficile de générer une pensée vraiment originale, libérée des contraintes du monde.

Une des caractéristiques du génie véritable doit être celle-ci : dire quelque chose que personne ne comprend, qui ne sera compris que beaucoup plus tard ou jamais, parce que ce qui est exprimé est fondamentalement différent ou en avance par rapport à tout ce qui est tacitement accepté en un temps donné. Si quelqu'un avait énoncé les lois de la relativité générale du temps de Parménide, personne ne les aurait comprises. — Mais c'est un très mauvais exemple.

Brièveté de l'existence. — Entendu en fin d'après-midi durant le comité scientifique annuel, à mon travail, à l'intérieur d'une réflexion concernant la génération 1968 qui vieillit : « Malheureusement, la logique liée à la très grande brièveté de l'existence humaine entraîne que (etc.) » Celle-là, je la trouve très belle, je la note1.

Retour vers Bruxelles. — De retour dudit comité, sur l'autoroute, dans la voiture d'Anouk. Tout ce que j'ai dit/écrit il y a quelques semaines tombe définitivement à l'eau... — Et sans doute est-ce tant mieux ?

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1 Jeu de mots très privé.

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